Aime moun Païs (*)
juillet 27th, 2008 Posted in Culture, Divers, LozèreIl est temps de rétablir la vérité. Ou plutôt : il est temps de remettre le cliché, aussi sympathique soit-il, à de plus justes proportions. En parcourant le blog de l’ami et camarade Marc Vasseur, voici ce que l’on peut y lire au sujet de ce modeste espace virtuel :
«En parlant, de ça, je ne saurais trop vous conseiller la lecture l’excellent blog Lozère Socialiste… Certes vous aurez un peu de boue et de fumier sous le clavier mais que voulez, il faut parfois endurer le plaisir des mondes retirés pour y trouver de vraies perles. (Billet du samedi 19 juillet 2008, Bloguer facile ? Posterous!)»
Au-delà de l’éloge appuyé, auquel on ne saurait bien sûr être insensible, se profile néanmoins une image assez erronée du monde rural, comme si ce dernier était organiquement apparenté à la boue (donc habité par des boueux), rempli d’odeurs prononcées de fumier, morcelé en contrées retirées, repliées sur elles-mêmes et, de ce fait, peu ouvertes aux autres. Cette image, effectivement, pouvait avoir un sens, du temps où la Lozère était encore fortement enclavée, c’est-à-dire jusqu’au début des années 1970. Encore qu’il faille très certainement relativiser cette impression forcément subjective. Nos grands parents, nos arrière-grands-parents et tous ceux qui les ont précédés n’étaient probablement pas des Huns, mais de simples gens, qui essayaient de vivre le moins mal possible, au rythme des saisons et des traditions, essayant d’être solidaires aussi bien des voisins que des quelques étrangers de passage. Il y a quarante ans, André Chamson, de l’Académie Française, écrivait :
«Que dirait-il, cet homme moderne, si on lui révélait que ce département est un des plus « scolarisés » de toute la France ? Je n’aime pas beaucoup ce mot, mais il dit quand même bien ce qu’il veut dire. Il signifie simplement que, sur les 80.000 habitants(**) de la Lozère, plus de 17.000 vont à l’école (***), à tous les niveaux de l’enseignement, malgré les difficultés des chemins, du climat, de l’éloignement. Qui dit mieux ? Cinq ou six départements à peine, ce qui n’est pas beaucoup pour toute la France. Un monde tourné vers le passé que ce département des vastes espaces, cette Vieille-Castille de notre patrie ? Non pas ! Un réservoir d’hommes, avec une longue colonne d’enfants en marche vers l’avenir.»
Sans doute n’est-il pas non plus inutile, pour compléter les propos lyriques d’André Chamson, de rappeler que la France a longtemps été un pays essentiellement rural. Nombre de citadins devraient s’en souvenir. S’ils consentaient même à gratter les plaies de leur identité, ils y verraient peut-être la beauté sauvage d’une nature que leurs aïeux, à force d’obstination et de travail, se sont évertués à domestiquer.
La politique dévore l’essentiel des pages de ce blog. C’est normal puisque ce dernier a été imaginé et conçu pour elle. Mais il faudra quand même songer à livrer plus d’impressions sur La Lozère aux lecteurs de passage.
Pour être tout à fait juste, on l’a déjà fait, à notre manière, au travers de comptes rendus de lectures qui éclairent des aspects de l’histoire des enfants du pays. C’est ainsi que l’on a évoqué le souvenir des maquis du Gard-Lozère et de l’Aveyron et que l’on a parlé aussi de ces petits jeunes qui ont été envoyés au Maroc et en Algérie durant ce que l’on appelait alors « Les événements ». D’autres aspects relatifs aux traditions, aux croyances, aux pratiques occultes ont été abordés, sans que ceux-ci constituent toutefois une spécificité propre à la Lozère. Enfin, le cent trentième anniversaire du périple de l’écrivain écossais Robert Louis Stevenson a été aussi l’occasion de traduire ce que Chamson, une fois encore, avait admirablement exprimé :
« Dire qu’il [l’homme] cède à l’appel de la beauté de ces paysages, d’une beauté à la fois étrange et sublime, faite de vastes espaces et de brusques ouvertures d’abîmes, de hauts plateaux et de gorges profondes, ne nous livre pas le secret de la fascination qu’il éprouve. Même s’il dit « c’est beau ! » il ne fera que toucher à l’apparence des choses. Ce qui l’arrête ici, c’est lui-même ! Ce qu’il cherche dans ces horizons, et ce qu’il y trouve, c’est sa propre humanité. Ce département, qui s’est dépeuplé lentement jusqu’à devenir ce que l’on appelle aujourd’hui « le désert français », est, en effet, un des plus humains de la France. »
On essaiera donc de montrer que la Lozère n’est pas un département voué à la mélancolie des vieilles pierres, et que, riche de son passé et de sa géographie, elle n’en est pas moins ouverte sur le vaste monde et entrée dans le vingt et unième siècle.
(*) Aime moun Païs : J’aime mon pays
(**) 77.500 habitants au recensement de 2005
(***) 16.146 enfants scolarisés en 2005-2006 (cf. Ministère de l’éducation nationale), ce qui représente environ 20,8% de la population du département. Grosso modo on observe une proportion similaire dans les autres départements ruraux (encore que la Creuse affiche un petit 16%). La baisse du taux de scolarisation dans ces départements s’explique principalement par l’exode rurale et l’accroissement de la population dans les départements déjà fortement urbanisés.