La base guitare a souvent été mal aimée, et pourtant.
Que ce soit l'hypnotique intro de Come Together, Bootsy Collins sur Sex Machine, ou la subtilité et la finesse de Tina sur Psycho Killer, on ne réalise pas toujours pleinement à quel point la base, doublée de la batterie, forment souvent le ciment d'une bonne chanson. Comme un mantra. Parfois on pourrait soutenir un beat beaucoup plus longtemps que le 4 minutes habituel simplement parce que la base y est prodigieuse.
Quand j'entends (et chante) Like The Way I Do de Melissa Etheridge, je n'entends parfois que la base de Kevin McCormick. Quand Philippe Morissette fait entrer son instrument dans Gate 22, elle prend une dimension magique. Bob Hardy est tout simplement phénoménal sur Take Me Out (et en général au sein) de Franz Ferdinand.
Quand Paul McCartney se reloge à la base parce que ni John, ni George ne veulent y aller, chez les Beatles, il dira que c'est sans enthousiasme parce que ce n'est pas l'endroit rêvé des membres de band. Il en parle avec un certain dédain.
Pas d'accord. Une bonne base, une bonne section rythmique, peut transformer une chanson plate en hook éternellement rejoué en tête.
Voici 20 bassistes qui, pour mon oreille, la vôtre aussi j'espère, font une profonde différence favorable quand on écoute la musique dans laquelle ils prennent part.
Peter Hook
Bien qu'ils soient de générations et d'époques différentes, Peter Hook a toujours été le Keith Richards de la base (Keef, un excellent bassiste du reste). Un maître du groove capable de riffs mythiques, presque hors-la-loi. Dans Joy Division comme dans New Order (jusqu'à ce que les claviers l'effacent complètement), il a marqué la fin des années 70, les années 80 et 90. Sa technique de jouer les notes hautes a été involontaire, leurs amplis étant si merdique à leurs débuts que si il jouait trop bas, il n'entendait aucunement ce qu'il jouait. Colin Greenwood de Radiohead parle de lui comme d'une influence majeure.
John McVie
L'empathique et affable moitié de Fleetwood Mac (il est le Mac) et un temps le partenaire aussi de Christine Perfect (McVie) a été du tandem rythmique de la formation qui aura déployé son oeuvre sur plus de 50 ans. À la fois ancien membre des Bluesbreakers de John Mayall et avec Mick Fleetwood pour Fleetwood Mac-Peter Green et Fleetwood Mac-Christine, Stevie Nicks-Lindsey Buckingham, on savait que la chanson serait fort dès que base et batterie connectaient ensemble. Souvent, même la star de la chanson. Solide membre de la chaîne.
Kim Gordon
Pendant leur heure de gloire, dans les années 80-90, rien de ce que faisais Sonic Youth ne se trouvait dans les standards conformes. Que ce soit la guitare accordée en jazz qui faisait du fuzz ou la grande blonde qui n'avait jamais joué de la base de sa vie avant de former le band, son jeu minimaliste a parfaitement collé au son de rampe de métro du groupe de New York. Sans être une virtuose de son instrument, son style non conventionnel la rendent très intéressante à mes oreilles.
Sting
Gordon a retenu l'attention parce qu'il écrivait bien, chantait d'une voix rare, et a de beaux traits qui vieillissent bien. Ce qui fait aussi oublier qu'il est excellent bassiste. Que ce soit avec The Police ou en solo, il sait placer sa base au coeur de certaines chansons avec brio. Plus jeune, c'est en laissant tomber la guitare, et réalisant qu'il était plus facile de jouer de la base et chanter en même temps que Sting favorise l'instrument. Stewart Copeland, batteur de The Police, dira que quand il le découvre en 1976, il ne l'entendait pas du tout chanter et ne porte attention qu'à son jeu de base. Qui était si intéressant. Jusqu'en 2018, il ose expérimenter avec cet instrument dont il adore l'esthétique.
Tina Weymouth
Avant même que David Byrne ne chante une parole de leur premier hit en 1977, Tina avait préparé la route de sa base hantée. Elle est non accompagnée pendant les 8 premières secondes. Elle a brillé dans la folie Talking Heads et il y a une certaine injustice à ce que David Byrne ne gagne la part du lion au niveau de l'attention alors qu'il était entouré de musiciens si talentueux. Elle était une part importante de l'écriture des morceaux et le restera avec sa soeur dans des projets parralèles. Son jeu a toujours semblé sans effort et toujours placé sous l'étiquette du "cool". Sans Tina, Talking Heads n'aurait pas été le même band.
Geddy Lee
Sur scène, il est tout simplement partout. Au chant, à la base, aux claviers, au piano, aux synthé joué avec les pieds, y a pas à dire, quand Rush jouait sur scène, beaucoup de tiroirs mentaux étaient ouverts en même temps. Véritable légende et innovateur, on avait tendance à ne pas porter complètement attention à son jeu puisque les deux autres autours de lui sont aussi sorciers que lui. Les Claypool dira de lui qu'il a toujours tenté de recréer ce que Lee arrivait à faire, qu'il n'y arrivait pas tout le temps et qu'il continuait, encore de nos jours, à le faire. Geddy Lee est un vrai nerd de la base.
Chris Squire
Plusieurs musiciens sont passés par Yes, mais une figure relativement constante de leurs débuts à 2015 (année de sa mort) aura été Chris Squire. Ces géants du rock progressifs n'auraient jamais pu être étiqueté ainsi sans les claviers Rick Wakeman et les guitares de Steve Howe, mais la basse de Squire n'est absolument pas à négliger. Mélodique, pop, et parfois stratosphériquement ailleurs. Wakeman dira de lui, à sa mort, qu'il jouait beaucoup de notes et que chacune d'elles, il les revisitait trois fois avant de les enregistrer, tellement la perfection de son jeu comptait pour lui. Disparu la même année que John Enwhistle, les bases du monde entier les remerciaient de les avoir fait atteindre une certaine dignité.
John Paul Jones
Bien que Led Zeppelin ait toujours eu l'air improvisé à la dernière minute, Jimmy Page et John Paul Jones avaient tous deux des années d'expérience derrière la cravate comme musiciens de session, producteurs, souvent, les deux. À la fois deuxième guitare et baseman de Lez Zep, il a aussi joué pour Donovan, Jeff Beck, Dusty Springfield et était des arrangements de She's a Rainbow des Rolling Stones. Son sens musical était l'ordre quand Jimmy Page, avec sa guitare pouvait parfois faire désordre. Force tranquille du groupe, il équilibrait aussi la lourdeur de Bonzo à la batterie avec une impeccable base omniprésente.
Willie Dixon
Connu comme bluesman légendaire dont les morceaux sont chantés par Howlin' Wolf ou Muddy Waters, il a aussi joué pour Chuck Berry, Little Walter et Bo Diddley. Ses morceaux sont repris par Led Zep, the Doors ou Derek & the Dominoes. Sa première base est en métal et ce n'est que lorsqu'il réussit à économiser 200$ qu'il met la main pour la première fois sur une vraie base de calibre puis sur la contrebasse qu'il ne lâchera plus jamais. Il a 24 ans. Il apprend à jouer tout seul, et ondule avec brio de morceaux en morceaux. Il transforme un morceau de Chuck Berry qu'il trouve trop country et Bill Wyman, des Rolling Stones, en fera un modèle pour la vie.
Ron Carter
Intersection parfaite entre le jazz et le hip hop, on peut le trouver chez Pat Metheny, Freddie Hubbard ou A Tribe Called Quest. Avec plus de 2200 collaborations sur des albums, inutile de dire qu'il est largement convoité pour son talent. Qui est même parfois, pop. Son CV inclut aussi des passages avec Miles Davis, Aretha Franklyn et Antonio Carlos Jobim. Capable de collaborer à absolument tout, il ne se trahit jamais en restant propre à cette identité qui en fait une valeur sûre sur tout les morceaux auxquels il participe.
Paul McCartney
Difficile de trouver Macca sous-estimé quelque part. Pourtant, rarement parlerons nous de lui comme bassiste. Joueur de base d'abord par nécessité parce que Stu Sutcliffe trouvait la mort précocement, il dira que personne ne voulait jouer de la base à cette époque. Jouer de la base, c'était accepter de s'effacer. On voulait jouer de la Hofner ou de la Rickenbacker. Mais la couleur qu'a donné Paul à son instrument a donné à son jeu quelque chose de passablement cool. Une certaine liberté et une audace qu'on osait pas encore prendre dans les années 60 avec ce qui devait rester rhythmique et en harmonie constante avec la batterie. Il a inspiré bien des générations de bien des manières et ses grooves de base devraient être des influences importantes chez les joueurs de base. Pay attention, mate.
Jaco Pastorius
"Mon nom est John Françis Pastorius III et je suis le meilleur joueur de base sur terre" c'est la ligne de présentation qu'il a offert aux membres de Weather Report quand il s'est présenté à eux, en 1974. Joe Zawniful ne l'avait pas pris au sérieux, mais deux ans plus tard, était forcé de porter attention. Rapide bee-bop et chimiques harmonies, Jaco frette sa guitare de manière particulière et son flair, aussi arrogant que sa ligne à Weather Report, ont révolutionné la manière d'approcher la 4 cordes. Joni Mitchell dira qu'elle avait presque rêvé sa présence sur un de ses albums puisqu'elle ne lui avait donné aucune indication et qu'il avait tout compris dès l'enregistrement. Décédé bêtement de blessures, à la suite d'une bataille, en Floride, à seulement 35 ans, en 1987, le monde de la base restera en deuil jusque dans les années 90.
Larry Graham
Membre de Sly & The Family Stone, il a popularisé la slap-base, et a forcé les percussions à s'ajuster à ses riffs. Graham dira qu'il a été obligé de s'inventer cette technique quand son band précédent avait perdu son batteur et que, de son pouce, il jouait si fort qu'on arrivait presqu'à en oublier l'absence de drummer. Ce type de jeu aura une influence majeure chez des gens comme Prince, Duran Duran, Bowie. Brian Eno dira qu'à partir du son de Sly & The Family Stone, la base et le base drum deviennent des sons centraux de chansons, ce qui n'était pas le cas avant. Jouant si fort, Graham dira toujours que le danseur en vous n'a aucune raison de ne pas s'activer.
Jack Bruce
Eric Clapton et Ginger Baker ont eu toute l'attention, mais la base de Jack Bruce leur a donné la troisième pointe du triangle pouvant leur permettre de former Cream avec efficacité. Blues et jazz à la fois, il pouvait aussi jouer lourdement, plus rock. Black Sabbath dira beaucoup s'en inspirer. Bruce glissait sa base là où Clapton prenait du souffle. Bruce avait son propre riff indépendant sur certains morceaux qui nous faisaient aussi un peu oublier qu'il était la voix du trio. Tant de tiroirs ouverts en même temps. Il était petit en taille, mais géant à sa manière pour des groupes comme Mountain avec lesquels il collaborera aussi. Tout comme il le fera avec Zappa.
Carol Kaye
Débutant dans les années 50, dans le skiffle et le jazz, elle sera bassiste sur plus de 10 000 morceaux. Des Beach Boys à Ritchie Valens, avec Frank & Nancy, le jeu de ses doigts en entendu sur des morceaux immortels. Et pourtant, elle sera toujours dans l'ombre. Elle sera des jingles télé de Batman et Mission Impossible (et tant d'autres). Joueuse de guitare, elle trouvera finalement les possibilités encore plus aventureuses avec la base. Si celle-ci pouvait prendre plus de place, la musique s'en trouverait changée. Brian Wilson sera d'accord, montant constamment le son de sa base en studio lors des enregistrements finaux.
Bootsie Collins
Bootzilla, Casper the Friendly Ghost, The World's Only Rhinestone Rock Star Doll, Baba, dépendant de la chanson, appelez le comme vous le voulez, certains diront de lui qu'il est simplement un Dieu de la base. Présent des années 70 dans le soul, le funk, et par procuration le rap, la pop, il était du band de James Brown, puis à la wah-wah base dans Parliament avec George Clinton. À la fois personnage presque lunaire ou encore tiré d'une bande dessinée, on entend encore beaucoup son influence un peu partout.
John Enstwhistle
Le stoïque géant qui se faisait appeler le boeuf (The Ox) parce que son appétit semblait sans fin, se faisait aussi appeler Thunderfingers parce que son jeu rendait ses doigts tout simplement foudroyants. Quand il jouait on avait l'impression qu'une tempête se pointait et quand le show se terminait, que Moon brisait sa batterie et que Townshend détruisait sa guitare, il n'était au fond qu'avant-gôut de ce qui s'en venait. Il jouait avec une telle fluidité pour la formation The Who que sur l'un de leur premier gros hit majeur, un simple petit moment de solo a probablement inspiré des tonnes de joueurs de base futurs.
James Jamerson
Principalement anonyme, il est au sein de plusieurs hits de motown. McCartney dira de lui qu'avant de l'entendre, la base était considérée comme principalement utilitaire et soutien à un morceau musical comme la batterie pouvait l'être aussi. Il a révolutionné son jeu en y allant de plus de complexité, de mélodies, avec des parfums de gospel. Il n'hésitait jamais à faire le pas de côté pour imposer une différente harmonie de son instrument alors qu'avant lui, la base accompagnait, ne dirigeait rien. Au début, il prenait des chances, puis son flair est devenu naturel.
Adam Clayton
Il est la raison pour laquelle j'ai pensé à vous écrire ceci. Je magasinais dans un magasin à grand surface avec ma liste de lecture de U2 dans les oreilles qui comprend principalement des morceaux de 1983-1984-1987-1988. Et j'avais un peu oublié que le plus vieux des membres du groupe (et le co-fondateur avec Larry Mullen Jr) s'amusait dans les premières chansons du groupe. J'étais flabbergasté par le plaisir que j'avais à l'entendre. Il se trouvait poche vers 1992, et pensait quitter le groupe pour cela. Mais moi, au contraire, je le trouve indispensable. De 1983 à au moins 2004 (je ne pense pas avoir mis d'autres chansons sur ma liste passé cette année-là).
Aussi considérés: Thundercat, Duff McKagan, Kim Deal, John Taylor, Leland Sklar, Esperenza Spalding, Joseph Makwela, Mike Watt, Tony Levin, George Porter Jr, Charlie Haden, Bill Black, Pino Palladino, Les Claypool, Louis Johnson, Richard Davis, Lemmy Kilmister, Bernard Edwards, Bob Moore, Aston "Family Man"Barrett, David Hood, Israel Cachao Lopez, Cliff Burton, Bill Wyman, Flea, Geezer Butler, Rick Danko, Verdine White, Robbie Shakespeare, Donald "Duck" Dunn, Stanley Clarke, Phil Lesh,
Jonathan ou Yoni Wolf aussi.