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Cameroun – Crise anglophone : Des armes à feu contre des journalistes

Publié le 03 mai 2021 par Tonton @supprimez

Au moins huit journalistes ont été enlevés cette année par les séparatistes au Nord-Ouest et Sud-Ouest.

Une situation qui préoccupe Reporters sans frontières. Dans le dernier rapport de cette Ong dans le classement mondial de la liberté de la presse, le Cameroun se trouve à la 135ème pour l’année 2020. Les journalistes exerçant dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest Cameroun restent une cible privilégiée pour les séparatistes armés, dans le cadre de la crise sécuritaire qui perdure depuis plus de quatre ans dans ces deux régions. Le 24 avril 2021, Moni Banjo Massongo, journaliste exerçant dans le Sud-Ouest comme chef de centre de la Jeunesse à Mbonge, a été enlevé par les séparatistes qui ont exigé une somme de 500 000 Fcfa pour sa libération. Le même week-end, le Syndicat national des journalistes du Cameroun (Snjc) a annoncé le kidnapping d’un de ses membres dans la région du Nord-Ouest. Quelques heures après, les deux journalistes ont été libérés.

Fame Bonyuy Ayisse, journaliste à la Crtv Buéa, a été kidnappée dans la journée du 14 mars 2021 par les séparatistes. Conduite dans une localité inconnue, elle a été torturée et libérée vingt-quatre heures après son enlèvement. En avril 2020 à Bamenda, chef-lieu de la région du Nord-Ouest, le journaliste Choves Loh, chef d’agence de la Société de presse et d’édition du Cameroun (Sopecam) responsable régional du journal gouvernemental, a, lui aussi, été libéré vingt-quatre heures après son enlèvement. Une fois kidnappés par les hommes armés, ces journalistes sont torturés avant d’être libérés. Difficile de dire si le paiement des rançons exigées reste le moyen pour obtenir la libération des journalistes.

Ce climat de terreur et de peur qui pèse sur les journalistes rend difficile l’exercice du métier. Ce 3 mai 2021, le Cameroun se joint au reste du monde pour célébrer la journée mondiale de la liberté de la presse. Le thème choisi par l’Unesco pour cette édition 2021 est : « l’information comme bien public ». Les associations de défense des intérêts des journalistes sont préoccupées par la situation des professionnels des médias dans ces deux régions en cette période de commémoration de la journée mondiale de la liberté de la presse.

Presse en danger

Inès Danielle Ondoa Balla, présidente régionale du Syndicat national des journalistes du Cameroun (Snjc) dans la région du Sud-Ouest, affirme : « Les descentes sur le terrain deviennent un risque. Les journalistes reçoivent des menaces par téléphone. Le droit du public à l’information et le devoir du journaliste d’informer sont ainsi violé avec ces multiples enlèvements. Dans notre plan d’action, nous comptons saisir les autorités de la région pour leur demander de mettre en place une plateforme qui prend en compte la sécurité des journalistes travaillant dans les zones en conflit entre l’armée régulière et les séparatistes anglophones».

Dans le cadre des activités liées à la célébration de la journée internationale de la liberté de presse, les responsables syndicaux de la région du Sud-Ouest ont initié au cours de la semaine qui vient de s’achever des journées de rencontre auprès des autorités administratives et des forces de maintien de l’ordre : « Nous avons rencontré le gouverneur du Sud-Ouest, le préfet du Fako et les responsables des forces de défense. Nous avons demandé à ces autorités de protéger les journalistes qui travaillent dans les conditions sécuritaires déplorables. Depuis le déclenchement de la crise sécuritaire, cinq journalistes exerçant dans le Sud-ouest ont été kidnappés par des inconnus », précise la présidente nationale du Snjc
pour le Sud-Ouest.

En dehors des cas de kidnapping, les journalistes exerçant dans ces deux régions sont victimes d’arrestations. C’est le cas de Samuel Wazizi, un journaliste décédé dans des conditions troubles alors qu’il était entre les mains des militaires. Kingsley Njoka, journaliste exerçant dans le Sud-Ouest, est poursuivi aujourd’hui devant le tribunal militaire pour complicité avec les terroristes. Me Amungwa, avocat au Barreau du Cameroun se dit très gêné de la manière dont certains journalistes sont traités dans le cadre de la crise sécuritaire qui sévit dans le Nord-Ouest. Ce juriste défend le journaliste Kingsley Njoka devant le tribunal militaire de Yaoundé. Selon lui, les journalistes sont parfois interpellés pour le simple fait qu’ils ont été en contact avec certaines personnes présentées comme étant les séparatistes. « Cela ne devrait pas se faire parce que dans le cadre de l’exercice de son métier, le journaliste est censé être en contact avec plusieurs sources »

Les Ong dénoncent

Une situation qui préoccupe l’Ong international Reporters sans frontières (Rsf). Arnaud Froger, responsable de Rsf pour l’Afrique affirme : « L’exercice du journalisme au Cameroun en général est particulièrement périlleux comme le relève notre dernier rapport. Le pays pointe à la 135ème place, soit moins une place par rapport à l’année 2020. C’est son pire classement depuis que nous utilisons la méthodologie mise en place en 2013. Cela est d’autant plus vrai pour les journalistes évoluant dans les régions anglophones du pays. Le niveau de menace et d’intimidation y est important. Des journalistes y sont parfois arbitrairement arrêtés voire pire si on se réfère au cas de Samuel Wazizi qui est mort alors qu’il était détenu par les militaires depuis plusieurs mois.

Ces exactions se passent souvent à l’abri des regards dans la plus grande impunité ». Le représentant de RSF pour l’Afrique affirme que l’émoi international provoqué par la mort dans des circonstances suspectes du journaliste Wazizi ne s’est traduit par aucune action significative de la part des autorités afin que justice lui soit rendue. Rsf invite les autorités camerounaises à garantir la sécurité des journalistes. Il souhaite également que les « arrestations arbitraires et les intimidations » à leur endroit cessent. Un responsable du ministère de la Communication affirme que l’Etat reste préoccupé du retour de la paix dans les régions du Nord-Ouest et du Sud–Ouest en ces temps de crise.

« Les séparatistes ne ciblent pas uniquement les journalistes. Les fonctionnaires, les enfants, les femmes et les religieux subissent les pressions de ces gens sans foi ni loi. L’Etat déploie tous les moyens nécessaires pour assurer la sécurité de tous les citoyens y compris les journalistes qui exercent dans ces deux régions. La liberté de la presse est protégée et garantie au Cameroun, mais depuis le déclenchement de la crise anglophone, plusieurs journalistes ont été utilisés comme relais de certains séparatistes », affirme notre source.

Les kidnappings, les arrestations arbitraires et les menaces à l’endroit des journalistes violent plusieurs conventions internationales ratifiées par le Cameroun. Parmi ces conventions, l’on peut citer l’article 19 de la déclaration universelle des droits de l’homme qui précise en son article 19 que : « Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit ».
Dans la même logique, l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques stipule en son article 19 que : « Nul ne peut être inquiété pour ses opinions.2. Toute personne a droit à la liberté d’expression; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix.3. L’exercice des libertés prévues au paragraphe 2 du présent article comporte des devoirs spéciaux et des responsabilités spéciales. Il peut en conséquence être soumis à certaines restrictions qui doivent toutefois être expressément fixées par la loi et qui sont nécessaires :a) Au respect des droits ou de la réputation d’autrui; b) A la sauvegarde de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité publique.


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