TYPHOON Sympathetic Magic 2021
Typhoon vient de Portland en Oregon où il se forme en 2005, année très chaude accouchant de Katrina.
Pourtant c'est l'effet d'un cyclone au Japon qui déclenche le regroupement musical dans un folk indie, quasi inné, tant cela lui va comme un costard sur mesure.
'Offerings' en 2018 offrait un concept album ambitieux.
Le 5è sort cette année avec un titre jeu de mots très réussi.
Tout au long des sillons, il y a pratiquement autant de musiciens (10 presque une soccer team) que de morceaux (12) pour 39 minutes (un peu moins d'une mi-temps)!
Captain Kyle s'impose à la manoeuvre, les autres se contentent de jouer ... bien et collectif, c'est déjà pas mal!
Cette densité d'instruments rappelle, sans conteste, Arcade Fire et Calexico résonne dans les cuivres mariachi.
L'équipe type :
Kyle Morton - Voix, piano, guitare
Toby Tanabe - basse, choeurs
Dave Hall - guitare, choeurs
Tyler Ferrin - cuivres, guitare, piano, choeurs
Devin Gallagher - percussions, Glockenspiel, ukulele, choeurs
Eric Stipe - trompette, choeurs
Pieter Hilton - batterie, choeurs
Alex Fitch - batterie, choeurs
Shannon Steele - violon, choeurs
Ben Morton - guitare
La couverture, sobre, pourrait convenir à un factuel rapport d'activités.
Elle comprend :
- les titres des morceaux,
- l'année de sortie,
- les noms : de l'oeuvre (en haut et en plus grand sur 2 étages), du groupe, du compositeur, des techniciens de mixage et masterisation,
- un numéro de série au dessus à droite de la photo de décor.
Tout s'imprime en noir sur fond blanc.
Le cadre photo présente un bouquet abandonné sur un bord de table devant une fenêtre laissant passer une lumière maussade.
Une grande partie du disque ayant été écrite en quarantaine, ceci explique peut-être cela...
Neurasthéniques s'abstenir!! Les autres ... s'abstenir aussi pour ne pas devenir neurasthéniques!
Passons allègrement à la musique... Heureusement, l'intérieur paraît tout aussi... triste, et pourtant lumineux!
Mettez-vous tout de suite mal à l'aise semble dire le clavier qui ne tourne pas à la bonne vitesse sur le 1er titre.
'Sine Qua Nonentity ' nous entraîne dans une ruelle au milieu des buildings, un lieu connu du compositeur. Les instruments se mêlent harmonieusement, guitare acoustique, électrique, basse, cuivres en couche discrète, batterie au diapason.
La voix fragile pose les bases et chante l'appartenance rassurante à un endroit, la racine, l'entité sans quoi on ne pourrait exister...
'Empire builder' voyage de Portland à Chicago ce qui laisse beaucoup de temps pour percevoir la frustration des gens dans ce train, comme un microcosme du monde.
Le rythme court régulier et légèrement syncopé, comme la respiration de la locomotive. Les cordes s'emmêlent jusqu'à une destination/conclusion où l'émotion laisse des traces.
'Motion and thought' ou le rêve perdu, glisse sur une guitare acoustique accompagnée de choeurs évanescents et Kyle Morton divague. C'est une guitare lumineuse qui éclaire la fin du rêve où plusieurs instruments se répondent.
'Santos' introduit 'We're in it' nacré de guitares acoustiques ou d'autres aux coulures synthétiques. Des choeurs minimalistes et des trompettes enjouées font monter la sauce à la dernière minute.
Les paroles racontent, des confidences anxieuses entre amis et les mots coulent sans jamais se répéter, pas de refrain, pas de couplet, juste des reflets de vies.
'Two birds' entame par un coup de bec sur une touche de piano. La batterie s'appuie sur ce rythme monocorde. L'archet électronique fait vibrer les cordes de la guitare. La trompette guide l'arpège.
La composition laisse toute liberté à des pérégrinations de l'esprit en volutes sur les arabesques des vols d'oiseaux.
'Evil vibes' décrit une nuit sans fin pleine de rêves chaotiques et traumatiques.
Une guitare délicatement grattée couplée à une voix frêle avance dans la pénombre. Le piano les rejoint, plus loin, et quelques pointes d'électricité réveillent les insomniaques avant la fin du morceau.
'And so what if you were right' semble prendre la suite sur un arpège lent, la guitare est sèche. Les paroles se réfèrent aux thèmes précédents : nostalgie, insomnie/somnambulisme, douleur de l'absence (et non l'inverse!).
Une voix chevrotante entonne 'Time time' '...Always changing the tempo', en mouvements hésitants.
Le retour des mariachi colorent un fond sombre. Kyle, aspiré par le temps inexorable, se compare à une poupée russe, totalement vide à l'intérieur.
'Room within the room', chuchoté, à peine perceptible, avance lentement comme Kyle, s'enfonçant dans l'eau pour perdre pied.
'Masochist ball' fait la part belle aux mariachi enchanteurs, chatouillés par des clochettes, et soulevés par une instrumentation riche et puissante.
Masochiste, Kyle continue de l'être, louant presque l'abattement. Sous une superbe mélodie, on devine des traces de scarification 'To atone for being born let alone your whole miserable life'.
Fallait bien que ça se termine! Un clavier cadence 'Welcome to the endgame' rayé par quelques cordes magnétiques et violons en fin de complainte où Kyle ne possède plus qu'une bougie pour éclairer sa méditation sur l'Amérique.
Le ton demeure-t-il finalement plus sympathique que pathétique? En tous cas, on peut être soufflé par certains instants qui frisent la magie.
La légèreté de la musique, pourtant jouée souvent à plusieurs instruments, contraste avec le poids des mots lourds de sens. Le climat est aride mais ce qui pousse est d'autant plus solide.
Kyle a la délicatesse de limiter la durée d'un album profond et parfois éprouvant. Ses textes subtils et pleins d'humanité méritent l'attention.
On aimerait consoler Kyle mais non, laissons-le chialer, c'est trop beau!
01. Sine Qua Nonentity
Titres produits par Kyle Morton, masterisation Adam Gonsalves, mixage Jeff Stuart Saltzman
02. Empire Builder
03. Motion and Thought
04. Santos
05. We're In It
06. Two Birds
07. Evil Vibes
08. And So What If You Were Right
09. Time, Time
10. Room Within The Room
11. Masochist Ball
12. Welcome to the Endgame