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L’été de Kikujiro

Par Kinopitheque12

Takeshi Kitano, 1999 (Japon)

L’été de Kikujiro

Dans mon souvenir Kikujiro, prénom plutôt rigolo, c'était le gosse. Celui qui a l'air triste, un peu joufflu, regard baissé, qui ne se plaint jamais. Le titre même, traduit littéralement du titre japonais (Kikujiro no natsu), m'avait conforté dans cette idée : le film raconte l'été du gamin, les vacances du petit Kikujiro. Et bien pas du tout. Le film débute plutôt sur l'été de Masao (Yusuke Sekiguchi), 10 ans, qui se retrouve tout seul parce que sa grand-mère travaille et que ses amis sont partis. Son père est mort il y a longtemps. Sa mère, il ne la connaît pas ou plus. Alors Kikujiro, c'est qui ? Kikujiro, c'est Kitano dans le rôle d'un personnage complexe qui ne se prend pas trop la tête. Probablement ancien yakuza, le tatouage qui en témoigne est assez impressionnant pour filer des cauchemars au petit (on pense dans cette scène au cauchemar de Kagemusha de Kurosawa, 1980). Kikujiro a quelque chose aussi de Beat Takeshi, le pitre de la télé nippone et, en tant que tel, le gamin en lui n'est jamais loin.

Ainsi, Kikujiro a la violence criminelle avec laquelle il s'est construit. Il a aussi l'extravagance comique d'un amuseur qu'on ne devine pas de suite (au début du film comme au début des scènes concernées par ce comique). Tout lui est dû et, quand il interpelle quelqu'un, c'est d'abord pour l'insulter. D'ailleurs, Masao, avec lui, c'est " p'tit con ". A l'exception de sa femme qui n'a que deux ou trois scènes (Kayoko Kishimoto, comme dans Hana-Bi, 1997), Kikujiro soumet tout le monde. Par exemple, deux motards rencontrés par hasard (" le chauve " et le " gros ") sont mis à l'eau avec l'obligation d'imiter la carpe et le poulpe pour amuser Masao. Et quand Kikujiro rencontre de la résistance, ses pulsions de yakuza prennent le dessus. Kikujiro soumet tout le monde, mais il se met au service du petit sans tout à fait s'en rendre compte. En étant tombé sur des documents qu'il n'aurait pas dû voir, l'adresse de sa mère et une photo d'elle et lui bébé, Masao pousse sans l'avoir jamais formulé ce tonton improvisé à la retrouver. L'ex-truand ne sait pas comment s'y prendre avec le gosse mais il l'accompagne, plus ou moins volontiers. Il finit par se reconnaître en lui, d'où son comportement tordu, drôle ou violent. Quand il s'absente et se rend seul dans la maison de repos, une scène comme une parenthèse dans le film, on comprend qu'il a, d'une certaine façon, lui aussi perdu sa mère.

A leur rythme, suivant leurs envies (enfin surtout celles de l'adulte), Masao et Kikujiro quittent Tokyo. On les suit comme ça, en passant par les courses de vélo, jouant dans la piscine d'un hôtel et manquant de s'y noyer, en patientant deux jours dans un abribus avant de parvenir sur la plage des désillusions. Malgré les aigreurs et la fureur effrayante, le road movie souvent pédestre est ensoleillé, tout à fait à la manière de Jugatsu (1990). Kikujiro, c'était le prénom du père du réalisateur. Pour Kitano, ce père est resté une énigme. D'après ce qu'il rapporte parfois, on sait qu'il jouait de l'argent, ruinait sa famille et aurait peut-être été yakuza. A priori, ça n'empêche pas la tendresse. Derrière les deux gosses du film, il y a aussi un Takeshi enfant.


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