Cette fin du mois d'avril est chaque année un moment particulier. Dans la forêt, les jonquilles bleues tapissent le sol et donnent l'impression d'avoir été propulsé dans un film de Tim Burton. Privé de cet enchantement l'an dernier en raison du confinement et de l'interdiction d'accéder aux forêts, il n'était pas question cette année de se priver de ces balades si particulières. Et même pas besoin d'aller au-delà des 10 km autorisés.
Et parce que j'aime mêler culture, histoire et patrimoine à mes entraînements, le prétexte de la sortie VTT du jour était d'aller à la recherche de la source du Ru de Buzot qui traverse une belle partie de notre territoire Saint Germain Boucles de Seine.
Long d’une petite dizaine de kilomètres, ce tout petit affluent de la Seine prend sa source dans le lieu-dit « Le Clos de Bonaventure », à Feucherolles, près de Saint-Gemme. Il traverse ensuite les territoires d'Aigremont, Chambourcy, Fourqueux, Saint-Germain-en-Laye et Le Pecq.
Pour rejoindre sa source, à partir de la plaine de la Jonction, d’abord emprunter la route des Princesses. Jolies promesses ! Au niveau des serres du Lycée agricole et horticole de Saint-Germain, un petit chemin sur la droite permet de trouver le ru et de remonter son cours en serpentant le long des terrains de golf de Fourqueux et de Joyenval. L’occasion aussi de se poser quelques instants pour prendre le temps d’apprécier le swing de certains. Tiger Woods n’a pas pu venir, dommage. Un peu plus loin, sur les communes d’Aigremont et Chambourcy, le massif forestier des tailles d’Herbelay offre un superbe terrain de jeu pour les coureurs à pied adeptes du trail, ravis de pouvoir faire chauffer les cuisses sur quelques pentes bien raides.
Crise sanitaire oblige, le grand portail d’entrée du Désert de Retz (Chambourcy) est clos (photo St-Germain Boucles de Seine). J’y reviendrai pour découvrir un site hors norme, un jardin anglo-chinois créé à la fin du XVIIIe siècle par un aristocrate, François de Monville. L’appellation « désert » désigne à l’époque un endroit retiré qui permet de se tenir à l’écart du monde. A son origine, des essences venues du monde entier embaumaient les 38 hectares du domaine où 17 « fabriques de jardin » (constructions à vocation ornementale) avaient été bâties. Aujourd’hui, sur la quinzaine d’hectares encore accessibles, seules sept de ces fabriques existent encore (la Colonne détruite, la Tente tartare, l'Eglise gothique ruinée, le Temple au Dieu Pan, le Petit Autel presque ruiné, le Théâtre découvert et la glacière pyramide). La « colonne détruite » où s’était installé François de Monville, est la plus fameuse avec ses 25 m de hauteur et ses 15 m de diamètre. En revanche les autres fabriques (la Maison chinoise, l'Orangerie, le Rocher, les Serres, le Tombeau, l'Ermitage et l'Obélisque) ont disparu.
Le chemin nous éloigne provisoirement du Ru (il traverse le golf de Joyenval) mais après avoir emprunté quelques sentiers relativement techniques au niveau du pilotage du VTT (penser à ne pas trop gonfler les pneus pour éviter la crevaison sur les pierres), puis être passé sous l’autoroute A13, me voilà arrivé à la source du Ru de Buzot. Difficile de trouver le lieu exact sur cette zone imbibée d’eau mais nul doute qu’elle est là. A quelques mètres de là, sur le parking, les promeneurs du jour resserrent les chaussures de rando, vérifient que les gourdes sont pleines. Les bâtons de marche dans les mains, les voilà partis pour une rando dans cette forêt, appelée Forêt de Cruye jusqu’au XVIIIe siècle. Le Ru de Buzot lui, entame son chemin. Arrivé en milieu plus urbain, sa trace finit par se perdre du côté de la rue Saint-Léger, à Saint-Germain. Dans les années 70, il fut en effet enterré dans sa partie finale pour éviter qu’il ne devienne un égout à ciel ouvert. Les historiens estiment que ce ru fut à l’origine de la cité royale. La légende veut aussi que son eau ait été la première eau minérale des rois. Jusqu’au début du XIXe siècle, le ru alimentait les moulins à aube et les tanneries qui assuraient alors la prospérité de Saint-Germain. Rue Schnapper, la Manufacture Royale travaillait par exemple des peaux venues de Russie. Arrivé au Pecq, à la limite de Marly-le-Roi, le Ru de Buzot finit par se jeter dans la Seine. Toujours fascinant de se dire que cette eau sortie de terre à Feucherolles, chez nous dans les Yvelines, poursuivra sa course jusqu’à la Manche et se dispersera probablement, au fil des courants et des marées, dans plusieurs océans de la planète.
La sortie VTT se poursuit… jusqu’au bout du monde. Ou plus précisément jusqu’à l’Étoile du bout du monde, à l’ouest. Les mamans viennent y promener leur enfant. Formidable initiation au plaisir d'une balade en pleine nature. Les sentiers nous ramènent ensuite vers l’est après avoir rencontré au fil du voyage l’Étoile du Braconnier, l’Étoile du Chevreuil, l’Étoile des Nymphes, l'Étoile des Dames… Pas très loin, l'Etoile des Princesses amène à l'Étoile de la Table des princes. Logique. Cette balade VTT se transforme en véritable voyage dans l’espace. On s’attendrait presque à voir Thomas Pesquet déboucher d’un sentier au croisement d’une de ces étoiles.
Au cœur de cette forêt de Marly, un petit détour permet d’aller apprécier un panorama unique. A environ 200m sur la droite de l’axe Saint-Nom-la-Bretèche – Saint-Germain-en-Laye, un sentier permet de trouver la croix Saint-Michel (sur le territoire de L'Etang-la-Ville). Elle fut érigée en 1714 en souvenir de la chapelle Saint-Michel de Chevaudeau, détruite par le cardinal de Noailles, archevêque de Paris (ses pierres furent utilisées pour les réparations de l’église de L’Etang-la-Ville). Elle est surtout aujourd’hui un lieu où l’on peut contempler une grande partie de la forêt avec même au fond du panorama, les tours de La Défense.
Sans quitter la forêt, une grande descente, à aborder avec prudence, puis une montée bien raide nous ramènent au sud de L’Etang-la-Ville et Marly-le-Roi. Avant de rejoindre le parc de Marly, sur la Route plantée, petite halte à la Batterie de l’Auberderie, nouveau lieu historique. Après la guerre de 1870, l’État-Major décida de fortifier les environs de Paris. Plusieurs ouvrages furent construits. Il en subsiste quelques traces dont cette batterie de l’Auberderie qui remplit différentes fonctions militaires au fil des années et des conflits. Aujourd’hui, les enfants y jouent, y crient, y rient.
Passage obligatoire par le Parc de Marly (je l’ai déjà beaucoup évoqué dans les posts précédents) avant de rejoindre le Bois de Louveciennes. Derrière une grille lourdement protégée par un service de sécurité et des caméras de surveillance, on réussit néanmoins à distinguer le Château Louis XIV... la maison la plus chère du monde ! Contrairement à ce que son nom pourrait laisser imaginer, la bâtisse est très récente. Elle fut en effet construite entre 2008 et 2011 sur un domaine de 23 hectares entièrement clos (sur une propriété où s’installèrent autrefois les compagnies des Régiments du Roi Louis XIV), en suivant les techniques et les matériaux utilisés au XVIIe siècle et en s’inspirant du modèle du château de Vaux-le-Vicomte. En 2015, Mohammed ben Salmane al Saoud, prince héritier de l’Arabie-Saoudite, l’a acquise pour… 275 millions d’euros d’où son titre de « demeure la plus chère du monde ». Puisque son accès est impossible, voici un lien pour en apprendre davantage. (https://louveciennestribune.typepad.com/media/2018/08/le-ch%C3%A2teau-louis-xiv-du-r%C3%AAve-%C3%A0-la-r%C3%A9alit%C3%A9.html)
Après quelques kilomètres dans cette forêt, le tour de l’étang de Béchevet, un passage dans le Domaine de Beauregard, une grande descente permet de retrouver la Seine. Le retour se fera par la rive gauche, sur les rives de cette Seine en passant par Croissy-sur-Seine, Le Vésinet puis Le Pecq. Retour à Saint-Germain après une boucle d'un peu plus de 40 km.