En tournée de présentation de sa ceinture, lundi 26 avril, le nouveau champion du monde poids lourds des arts martiaux mixtes (mixed martial arts-Mma), de l’Ultimatefighting championship (Ufc), a mobilisé des centaines de personnes.
Comme on pouvait s’y attendre, les Doualais ont réservé un accueil héroïque à Ngannou. Des services du gouverneur (Bonanjo), au carrefour Terminus, en passant par Akwa, rond-point Deïdo, école publique de Deïdo, Ndokoti et le carrefour CCC, des femmes, hommes, jeunes, vieux et enfants, sont sortis des maisons, bureaux, commerces et autres entreprises, pour saluer le passage du boxeur. Ceux qui marchaient dans la rue, ce sont également arrêtés, pour féliciter le combattant.
D’autres encore, ont accompagné la caravane à pied, pendant quasiment toute sa tournée. Sans surprise, les moto-taximen se sont invités dans le cortège, et ont accompagné le natif de Batié (département des Hauts Plateaux, région de l’Ouest) dans son tour de ville. Certains brandissaient une banderole, sur laquelle était écrit « Fan club Francis Ngannou ». Tout au long du parcours, on entendait çà et là, des youyous, cris et aux autres interpellations. Mais aussi des qualificatifs tels que « le champion », « le prédateur », « le plus fort du monde ».
Des manifestations de sympathie auxquelles le concerné répondait sans distinction aucune. Debout dernière un pick-up, Ngannou a multiplié les sourires, brandi à plusieurs reprises, soit sa ceinture, soit son point, parfois les deux. Aux carrefours Ange Raphaël, Ndokoti et Terminus, le cortège s’est immobilisé pendant quelques minutes, pour permettre au nouveau héros de la nation, de saluer la foule. Autant de moments de partage, et d’autres encore, que les fans ont immortalisés grâce à leurs smartphones.
Un bilan impressionnant
Ngannou est champion du monde poids lourds MMA depuis le 27 mars dernier. Ce jour-là, à Las Vegas aux Etats-Unis, il a battu Stipe Miocic par KO, après seulement 52 secondes disputées dans le deuxième round. Il prenait ainsi sa revanche sur l’Américain qui l’avait défait le 20 janvier 2018, à l’unanimité des juges. « Il y a trois ans j’ai échoué à ma mission, et je vous ai promis que j’allais ramener cette ceinture à la maison. C’est grâce aux encouragements quotidiens que je reçois de vous que j’ai pu accomplir cette mission », a lancé la star mondiale à l’assistance, ce lundi 26 avril, lors de sa réception chez le gouverneur.
A 34 ans, le Camerounais est devenu le troisième africain champion de l’histoire de l’Ufc, après les Nigérians Israel Adesanya et Kamaru Usman (qui a conservé son titre samedi le 24 avril), respectivement champions poids moyens (Middleweigh) et mi-moyens (Welterweight). Par ailleurs, il a ainsi enchaîné une 5e victoire consécutive depuis les 2 seules défaites de sa carrière (enregistré contre Miocic et Derrick Lewis). Ngannou a un bilan global de 16 victoires (12 KO et 4 soumissions).
Enfance difficile
Mais au-delà de son statut de précurseur, et de ses statistiques, le sacre du pugiliste est davantage célébré du fait de son parcours. En effet, l’athlète de 1,95 mètre, pour 118 kilogrammes, incarne ce Camerounais né défavorisé, mais qui a bravé les difficultés pour se hisser au sommet. Deuxième d’une famille de cinq enfants, il déménage de maison en maison, après le divorce de ses parents, alors qu’il n’a que 6 ans. « Je changeais tout le temps d’école. Il m’arrivait même d’être transféré dans un autre établissement en cours d’année scolaire, car j’étais hébergé chez un autre oncle », racontait-il au micro de « Info Migrants », en novembre 2018.
À l’âge de 10 ans, Ngannou se lance dans la vie active. Il travaille dans une carrière de sable à Batié, pour payer ses études. Quelques années plus tard, il s’installe à Douala, et devient porteur au marché Mboppi. A 22 ans, le colosse commence la boxe dans un petit club de la ville. Convaincu de ses chances de réussite dans la discipline, il vend ses biens pour s’acheter ses premiers équipements sportifs. « Tout le monde me disait que j’étais fou. C’était du délire pour ma famille », expliquait-il à « Info Migrants ».
Succès story
La force physique qui fait aujourd’hui la notoriété de Ngannou, aurait pu le conduire à sa perte. « Mon père était un homme violent. Il nous frappait souvent, ma mère, mes frères, ma sœur, et moi. Quand je m’amusais avec mes copains, on disait de moi : « Il est violent comme son père ».
J’ai très vite compris une chose : je ne voulais pas devenir comme lui. Mon père, ce mec qui n’a jamais rien fait pour nous, m’a finalement servi de modèle. J’ai su à travers lui ce que je ne voulais pas être. C’est fou comment certaines choses se passent dans la vie », s’étonne-t-il.
Diagnostiqué positif à l’hépatite B, à l’âge de 25 ans, le champion du monde poids lourds, n’a pas d’argent pour s’acheter des médicaments. Il retourne donc dans son village pour se soigner, cesse temporairement la boxe, et se lance dans l’élevage des porcs. Chasser le naturel, il revient au galop. Sans prévenir sa famille, le jeune homme prend la route de l’Occident en 2012, avec pour seul bagage un petit sac à dos. « J’ai compris que je devais partir si je voulais continuer la boxe et devenir un champion », justifie-t-il. Après avoir traversé le Niger, l’Algérie et le Maroc, Ngannou entre finalement en France en juin 2013, au bout de sa septième tentative.
Comme la majorité des migrants illégaux, son aventure en Hexagone débute dans la rue, alors qu’il dort dans un parking. Son rêve toujours en tête, il se rend dans une salle de sport dès le lendemain de son arrivée à Paris. Il y rencontre Didier Carmont, qui l’oriente dans le Mma. Ne sachant rien de cette discipline, Ngannou refuse d’abord, et s’entête à poursuivre dans la boxe anglaise. Il essaie finalement, et le succès ne se fait pas attendre. Il signe donc en UFC en 2015, soit deux ans seulement après ses débuts en Mma. La suite tout le monde la connait.