Célébrée chaque 23 avril, la journée mondiale du livre et du droit d’auteur justifie à suffisance l’importance de la lecture dans la vie des enfants et des adultes en ce temps de Cov id-19, dixit Bidoung Mpkatt, ministre des Arts et de la Culture lors de la célébration de la 26èmejounée à elle dédiée. Une habitude qui tend à disparaitre.
Le coût serait-il l’une des raisons de l’abandon de la lecture par les camerounais ? Constat fait hier après un tour dans quelques librairies. À la librairie des Peuples Noirs située dans l’arrondissement de Yaoundé 1 au lieu-dit « Face Sni », c’est à peine une dizaine de personnes qui consultent les rayons des livres. Arborant leur cache-nez, chacun recherche un ouvrage précis. « Je voudrais des ouvrages sur l’histoire du Cameroun », confie un client. Même ambiance aux Editions Clés, sis au quartier Warda, arrondissement de Yaoundé 2 où des livres démontrent à suffire l’absence des lecteurs. À la librairiepapeterie Noulipap, située à la Montée Anne Rouge, le diagnostic est le même. Seul le point de monnaie électronique est véritablement en fonction. Le rayon du livre et des fournitures scolaires est désespérément vide. C’est à croire que les camerounais redoutent les livres dont le stock est pourtant impressionnant.
Aucun parent ou élève à la quête d’œuvres littéraires. « Nous n’avons aucune affluence sur ce rayon lors des préparatifs de la rentrée scolaire et les premiers mois d’école », déclare la responsable de ces rayons. Pourtant nécessaire dans l’aboutissement d’un cursus scolaire voire universitaire irréprochable, la lecture de nos jours est en voie de disparition. Une préoccupation dont le Professeur Jean Emmanuel Pondi, écrivain camerounais a semblé apporter des solutions dans un article de presse dans le quotidien Mutations le 24 avril 2018. « Je pense qu’il faudrait mettre à cela deux choses : premièrement, l’idée que la lecture doit être une lecture utile pour l’école. Deuxièmement, le virus de la lecture, j’insiste sur le mot virus (parce que nous sommes piqués par le virus de la lecture), s’acquière quand on est très jeune entre 5 et 9 ans. C’est là qu’on acquière l’habitude de la lecture. Pourquoi est ce que les enfants n’ont pas l’habitude de la lecture ? C’est parce que la plupart des parents ne lisent pas. Étant un exemple pour leurs enfants, ces derniers répètent les mêmes gestes y compris celui de la lecture. Tandis que lorsqu’un parent a l’habitude de lire des ouvrages, des journaux, eh bien, il y a beaucoup de chances que l’enfant suive cette voie ».
Produit culturel
Malheureusement cette cherté du livre avancée par de nombreux parents ne saurait donner cet argument pour l’achat d’un accessoire de beauté, téléphone ou voiture, bref des objets matériels au détriment du livre, un produit culturel. « Toutes les formes d’excuses sont apportées : nous sommes en train de chercher la vie, les temps sont durs et surtout le livre est cher », ajoute le Professeur. Des justificatifs non acceptables à cette ère de la digitalisation où des versions numériques du livre sont à la portée de tous via les réseaux sociaux. C’est ainsi que procède désormais la poignée de lecteurs camerounais. « Plus besoin de se rentre dans une librairie ou bibliothèque pour acheter un livre, il me suffit juste de télécharger sa version numérique dans mon téléphone ou mon ordinateur », confie Astrid, lecteur. Créée en 1995, la journée mondiale du livre et du droit d’auteur célébrée chaque 23 avril est une journée initiée par l’Unesco en mémoire du 23 avril 1616, date de décès de trois grands auteurs que sont William Shakespeare, Miguel de Cervantes et Inca Garcilaso de la Vega.
Dans une tribune parvenue à notre rédaction, l’écrivain Ngon II écrit : « aujourd’hui malheureusement, très peu de best-sellers existent. Dans le passé, les africains écrivaient peut être pour leurs peuples colonisés et demeurés analphabètes, mais ils écrivaient surtout en signe de dissidence avec le colon au sujet du colonialisme. Aujourd’hui, l’écrivain africain veut écrire pour son public et non pour satisfaire des lecteurs lointains. Attitude qui n’intéresse pas les éditeurs. Aujourd’hui, nous avons des écrivains envoûteurs – marionnettistes au service d’une littérature ensorcelée – ventriologique. A cause de cela, ils ont versé dans une logique vulnocratique. Pourtant, les écrivains doivent éviter de continuer à confondre les rôles d’écrivain et de tribun. Leur vocation et leur travail doivent d’abord consister à écrire de bons livres ».