Vincent, Simone, Nadine, Stéphanie, Maurane et Laura, Samuel, Arnaud, Sarah et tant d'autres. Egorgés, décapités, poignardés, défenestrés. Une semaine de circonvolutions sur les plateaux de télévision et ils passeront aux oubliettes médiatiques. Des ministres endimanchés qui condamnent à n'en plus finir, l'opposition qui s'époumone, des alibis psychiatriques auxquels plus personne ne croit, des fleurs fanées, des bougies qui s'éteignent, des ours en peluche terrifiants comme sortis de l'imaginaire de Stephen King, des grands discours avec des trémolos dans la voix. Puis rien, plus rien. Si ce n'est le souvenir de flaques de sang pénétrantes. L'odeur du sang. Ils étaient enseignant, retraité, étudiant, policier, certains avaient la foi d'autres merveilleusement jeunes croyaient simplement en l'avenir. Ils s'efforçaient d'être français, de se tenir convenablement, de rester polis, de transmettre leur savoir, de maintenir l'ordre, de vivre leur vie tout simplement. Ils sont des noms qui flottent dans l'air vicié d'un monde délabré où les églises brulent. Ils sont des arguments politiques, des stèles recouvertes de mauvaises herbes, des papiers vains et prétentieux dans les journaux, des combats féroces sur les réseaux sociaux. Ils laissent des orphelins, des familles inconsolables, des arpents de pelouse qui ne seront plus jamais tondus, des repas de Noël funèbres comme des terres brûlées, des romans sans point final. Leurs assassins sont morts en martyrs internés ou emprisonnés à vie et leur procès n'auront pas lieu avant des années. Impossible et interminable deuil. Discrets et sans histoires les meurtriers attendaient leur heure. L'heure des loups. L'heure creuse et vide du cauchemar. Démunie la population ne sait plus, ne comprend plus, s'étiole dans des interrogations qui demeurent sans réponses. La population ne peut plus respirer. La vie est rude, gagner sa croute convenablement et honnêtement est devenu compliqué, les injonctions contradictoires du pouvoir aliènent les cerveaux. Pendant ce temps-là un petit homme cravaté présenté comme notre Président parle en anglais sur une chaîne américaine. Il parle de déconstruire notre histoire car cela permettrait de se "débarrasser du racisme dans nos sociétés". Mais de quel racisme parle-t-il ? Où est la haine, la haine véritable qui s'empare d'un poignard pour trancher la tête d'un homme innocent, pour égorger comme un animal une femme dans le sas d'un commissariat ou pour rouer de coups et défénestrer une tranquille retraitée ? Où est le véritable racisme ? Où est la véritable haine ? Haine compacte maintenue en vie par des politiciens sans vergogne nostalgiques du grand soir qui ont délaissé la lutte des classes pour celle des races. Mon cœur saigne, les larmes sont encore à la lisière de mes cils. Dans ma poitrine, une tristesse sourde et tenace. Je pense à eux. Aux oubliés. Vincent, Simone, Nadine, Stéphanie, Maurane et Laura, Samuel, Arnaud, Sarah et tant d'autres. Egorgés, décapités, poignardés, roués de coups, défenestrés. Que le ciel s'il est plein d'amour entende leurs voix qui s'éteindront bientôt dans l'indifférence. Jusqu'au prochain crime.
Astrid Manfredi, le 27 avril 2021, copyright tous droits réservés.