En prélude à la commémoration des 20 ans de disparition du philosophe, écrivain camerounais engagé, l’association Vu d’Afrique Cameroun en collaboration avec Ycos, veut à travers le projet, « la clairière d’Eza Boto », retracer le parcours de l’illustre disparu et surtout transmettre les idéologies de sa pensée à la jeune génération afin que ses œuvres puissent se pérenniser.
Octobre 2001-octobre 2021. Cela fera exactement 20 ans que le célèbre écrivain et philosophe camerounais, Mongo Beti a cassé sa plume. Mais comme pour tout artiste, ses œuvres continuent de parler de lui. Seulement, l’héritage qu’il a alors légué aux générations futures camerounaises et africaines, risque lui aussi, de disparaitre à cause de plusieurs pesanteurs telles que l’avènement du numérique qui menace de mettre en péril le livre physique. C’est pour entre autres, les raisons pour lesquelles l’association Vu d’Afrique Cameroun en collaboration avec Ycos, le lycée Fustel de Coulanges, le collège François-Xavier Vogt de Yaoundé et le lycée Pierre Corneille de Rouen, a décidé de mettre sur pied le projet « la clairière d’Eza Boto ». Une idée venue du célèbre ouvrage intitulé « ville cruelle » de Mongo Beti, qui, pour la publication dudit ouvrage, avait utilisé pour nom d’emprunt Eza Boto. La clairière d’Eza Boto est donc un projet qui veut retracer le parcours de vie de Mongo Beti.
Pour ce faire, la réalisation du projet va se faire en quatre étapes dont la plus importante porte sur le programme pédagogique. Un programme qui donnera la possibilité à plus d’un, de savoir comment tirer son épingle du jeu face à n’importe quelle situation de la vie. « À l’image d’une société bigarrée, le pôle pédagogique de « la clairière d’Eza Boto » développe des projets capables de se déployer sur les deux points d’attaches de Mongo Beti : Yaoundé, Rouen et leurs périphéries.
L’objectif principal est d’interroger la construction de l’individu dans un contexte de changements et de fourmillements », explique Sarah Dauphiné Tchatchoua, commissaire d’exposition et responsable du pôle pédagogique. Selon elle, « en parcourant physiquement ou virtuellement les espaces liés à l’œuvre « Ville cruelle » l’apprenant disposera d’une expérience nouvelle questionnant les identités et ses expressions possibles. Ce projet pédagogique a pour ambition de se développer avec le lycée Fustel de Coulanges de Yaoundé, et le lycée Corneille de Rouen. Sa construction didactique repose sur une interdisciplinarité partagée entre les arts plastiques, le français et l’histoire ». Une exposition photographique a d’ailleurs déjà été effectuée à l’Institut français du Cameroun (Ifc) du 20 au 24 avril dernier. Toutefois, un film sur la vie et l’œuvre de l’auteur camerounais Mongo Béti est en cours de réalisation avec la participation des élèves des lycées précités. Ledit film sera diffusé en octobre 2021 à l’Ifc.
Trilogie restée inachevée…
À titre de rappel, de son vrai nom, Alexandre Biyidi Awala, Eza Boto ou Mongo Beti en littérature, fils d’Oscar Awala et de Régine Alomo, est né le 30 juin 1932 à Akométam, petit village situé à 10 km de Mbalmayo, lui-même distant de 45 km de Yaoundé, la capitale du Cameroun. Après des études à l’école missionnaire de Mbalmayo, il entre en 1945 au lycée Leclerc à Yaoundé. Bachelier en 1951, il s’installe en France pour y poursuivre des études supérieures de lettres en Aix-en-Provence, puis à la Sorbonne à Paris. En 1966 il devient professeur agrégé en lettres classiques. Il commence sa carrière littéraire avec la nouvelle « Sans haine et sans amour », publiée dans la revue Présence africaine, dirigée par Alioune Diop Alioune Diop, en 1954. Puis un premier roman « Ville cruelle », sous le pseudonyme d’Eza Boto suit en 1954, publié aux éditions Présence africaine. En 1959, il est nommé professeur certifié au lycée Henri-Avril à Lamballe.
Il passe l’agrégation de Lettres classiques en 1966 et enseigne au lycée Corneille de Rouen de cette date jusqu’en 1994. Il publie en 1974 « Perpétue » et « Remember Ruben ». En 1972, il revient avec éclat à l’écriture. Publié par François Maespero, son livre « Main basse sur le Cameroun, autopsie d’une décolonisation » est censuré à sa parution par un arrêté du ministre de l’Intérieur français, Raymond Marcellin, sur la demande,
relayée par Jacques Foccart, du gouvernement camerounais, représenté à Paris par l’ambassadeur Ferdinand Oyono. Mais après une longue procédure judiciaire, Mongo Beti et son éditeur François Maespero obtiennent en 1976 l’annulation de l’arrêté d’interdiction dudit ouvrage.
En 1991, Mongo Beti rentre au Cameroun, son pays natal, après 32 années d’exil. Il publie en 1993 « La France contre l’Afrique, retour au Cameroun ». En 1994, il prend sa retraite de professeur. Il ouvre alors à Yaoundé la librairie des peuples noirs et organise dans son village d’Akometam des activités agricoles. Il crée des associations de défense des citoyens, donne à la presse privée de nombreux articles de protestation. Parallèlement, il publie plusieurs romans : « L’Histoire du fou » en 1994 puis les deux premiers volumes, « Trop de soleil tue l’amour » (1999) et « Branle-bas en noir et blanc » (2000), d’une trilogie restée inachevée. Car il est hospitalisé à Yaoundé le 1er octobre 2001 pour une insuffisance hépatique et rénale aiguë qui reste sans soin faute de dialyse. Transporté à l’hôpital général de Douala le 06 octobre, il y meurt le 07 octobre 2001.