Jean-Marc Mantel, "La Pratique spirituelle – De l’effort et du non-effort", éditions Accarias-L’Originel, 2021, 303 pages, 21 euros.
Après avoir feuilleté ce livre des éditions Accarias-L’Originel, je dois bien reconnaître qu'il ne m'a plus quitté... Presque entièrement constitué de questions-réponses à propos d’une pratique spirituelle qui prend ici la forme d’une écoute en profondeur, ce livre m’a retenue d’abord par la concision des réponses apportées. Jean-Marc Mantel, psychiatre de formation, y témoigne d’une permanence de la conscience-témoin : depuis cette source, les réponses semblent jaillir sans effort, précisément, dans une brièveté radicale qui n’exclut jamais la profondeur. Si bien qu’on peut ouvrir cet ouvrage à n’importe quelle page : nous y trouverons toujours au moins une question et sa réponse, souvent plusieurs, en connexion directe avec nos propres questionnements d’êtres engagés sur une voie spirituelle, quelle qu’elle soit. De plus, le langage employé par cet instructeur est tout à fait limpide, et cette clarté ne trompe pas ; elle révèle l’authenticité d’une réponse ancrée dans l’expérience vécue : « Il est en effet important de persévérer dans l’écoute et l’accueil des perceptions, jusqu’à ce que les résistances à la plénitude de l’accueil disparaissent complètement. Les perceptions circulent alors, de manière fluide, dans la conscience qui les contient. » Certaines formules, telle ou telle métaphore, sont même de nature à nous éclairer d'une lumière vive et sans appel. Ainsi, le "Soi" est-il comparé à un "ogre" qui tôt ou tard dévorera le moi...
Ce livre est divisé en 26 chapitres. Ceux-ci sont regroupés dans trois grandes parties thématiques, qui suivent une progression logique : « Quel chemin suivre pour se libérer du mirage du moi ? », « La pratique de l’écoute révèle ce que je ne suis pas » et « La pratique de l’écoute révèle ce que je suis ». De la libération du mirage du moi à la révélation du Je suis, il y a l’espace d'une méthode précise, proche de l’Advaïta-Vedanta et de certains courants du bouddhisme comme le Dzogchen. Pour autant, Jean-Marc Mantel n’invite à rejeter aucune approche, fût-elle psychologique, en insistant sur le fait qu’une thérapie ou qu’un maître spirituel surgissent sur le chemin lorsque le patient ou le disciple y est prêt. En guise de conclusion, nous trouvons 36 citations, brèves elles aussi, comme celle-ci, qui porte sur la nature d’une attitude souvent mal comprise, l’acceptation : « L’acceptation n’est pas le fruit d’un effort. Elle n’est pas un résultat. Elle est ce qu’elle est, lorsque le refus n’est pas. »Un tel ouvrage s’adresse aussi bien à des personnes qui découvriraient le chemin spirituel qu’à des chercheurs de longue date. Il aborde tous les aspects essentiels de la pratique : la purification du cœur, l’écoute du corps physique, la distinction entre les différents corps qui nous composent, la grande question de la (non) liberté, le travail sur les pensées et notamment celui qui concerne la « pensée-racine » : la « pensée moi »… Même pour les lecteurs qui ont l’habitude de ce type d’enseignement, la lecture reste constamment prenante et source de redécouverte fondamentale : "La vigilance n'est pas le fruit d'un effort. Elle est la nature de la conscience, qui ne dort pas. Le mental peut s'assoupir. Mais la conscience ne s'assoupit pas, n'étant pas un état, mais le connaisseur de tous les états." La brièveté et le tranchant (sans rien d’abrupt, cependant) des réponses empêchent en effet le mental de vagabonder et recentrent, encore et toujours, sur l’essentiel – c’est-à-dire ce qui perçoit, à l’arrière-plan : « L’écoute est guérisseuse. Elle objective les souffrances, sans les nourrir. La souffrance est une réaction. Ce qui est conscient de la souffrance est en dehors de la souffrance. » On l’aura compris : je recommande vivement cette lecture ! Sabine Dewulf
Texte de 4e de couverture : "L'enseignement de Jean-Marc Mantel invite continuellement le questionneur à tourner son regard du monde perçu vers ce qui le perçoit. Il invite à négliger la pensée objet et à habiter la conscience-témoin. Vient alors naturellement la question du "comment faire ?". Comment habiter la non-pensée qui ne connaît pas la souffrance ? Ce livre enseigne un chemin du "comment faire".La pratique spirituelle présentée ici est une pratique de l'écoute silencieuse de ce qui se manifeste en nous. Pour le personnage identifié à son histoire, la pratique est un chemin qui amène à un glissement d’identification. C'est un abandon de l’identification au monde objectivable et instable (pensées, émotions, sensations que l’on croit être soi), au profit de l'identité réelle et stable d’être l’ultime sujet qui écoute le monde changeant.Cette "pratique" requiert-elle beaucoup d'efforts pour éviter l'éparpillement mental ? L'effort est-il contre-productif pour le lâcher-prise ? Faut-il accepter tout ce qui se manifeste en soi ? Toutes ces questions trouveront des réponses limpides et imagées.Par sa précision et sa clarté, cet enseignement a la qualité des enseignements des grands maîtres spirituels, qu'il prolonge, la modernité en plus. Il ne peut pas manquer d'illuminer ses lecteurs."******