Roman - 240 pages
Editions Sabine Wespieser - août 2020
Mention spéciale du jury - Prix de la littérature Arabe
Prix « Envoyé par La Poste »
Vivre petite fille à Beyrouth en 1983, c'est ne pas avoir de maison, déménager dans différents quartier, sentir les adultes dompter leur peur, se rassurer des tirs qui se rapprochent en annonçant l'arrivée des parents à l'école, c'est surtout vivre le doigt dans la main de son père, son père ce géant. Ce texte est un bijou de justesse, d'amour, de sensibilité. Une enfant qui parle de sa solitude, sa différence, de son regard sur un monde extérieur, en guerre, qui ne se comprend pas. A chaque chapitre lui répond, lui succède plutôt, son père, homme débordant d'amour pour sa fille qu'il se doit de protéger, physiquement et moralement en effaçant tout signe extérieur d'inquiétude. Ce premier roman nous dit beaucoup d'une trajectoire de deux êtres entre qui les mots sont blessés, de leurs vies de 1983 à 2019, entre Beyrouth et Paris où la jeune femme est partie étudier. Extrait :"Une fois en route, je me retournais souvent pour voir si elle avait peur, mais elle est restait calme, comme d'habitude, et me souriait de temps en temps. A mi-chemin de la maison, je lui ai dit que le marchand de glace était sûrement fermé à cette heure-ci. Demain on irait tous les quatre prendre un gros cornet de glace italienne au bord de la mer. Elle n'a pas insisté. Elle ne m'a pas répondu. Après une énorme détonation, je l'ai vue dans le rétroviseur, toujours aussi calme, les deux mains sur les oreilles. Je me suis dit qu'il fallait que je lui parle, que je dise n'importe quoi, que je trouve des mots pour en faire une phrase et je lui ai demandé comment sa journée s'était passée. "Très bien." Je lui ai demandé ce qu'ils faisaient en classe pour que ce maudit cartable soit aussi lourd et je lui ai proposé de le jeter par la fenêtre pour la faire rire. Elle a beaucoup ri. Puis on a gardé le silence de longues minutes avant que je ne me résolve, après une énième détonation, à lui dire de baisser la tête."Dans les détails du quotidien, des mains serrées, des romarins arrosés, des odeurs de café, des sourires dévastés, se cachent toutes les douleurs de l'exil, de la peur, de la séparation, de la solitude, des oublis bien trop présents. "Chant d'amour pour un père, pour un pays" - Ma collection de livresL'avis de Joëlle - Les livres de Joëlle