Oppo : le terme semble barbare et il ne correspond certainement pas à la nouvelle manière de faire de la politique dont le candidat démocrate à la présidentielle Barack Obama s’est fait le champion. Le mot est la contraction d’« opposition research » (recherche sur l’opposant) qui consiste à fouiller dans le passé de son adversaire pour déterrer quelques vérités embarrassantes soigneusement camouflées concernant vie professionnelle et vie privée. Selon le New York Times, Obama, vainqueur des primaires démocrates, a embauché Dan Carroll qui s’est rendu célèbre pour avoir monté des dossiers sur les adversaires de Bill Clinton en 1992. C’est la politique washingtonienne dans ce qu’elle a de plus traditionnelle. Mais à la guerre comme à la guerre. Si Obama ne veut pas se faire dévorer par le candidat républicain John McCain, il n’a guère le choix, même s’il doit décevoir ses partisans qui croient à une autre façon de faire de la politique.
L’oppo, dans sa version la plus classique, consiste à passer au crible le passé judiciaire, médical, universitaire, financier, privé et même la couverture médiatique de campagnes électorales antérieures de l’adversaire. Mais il y a aussi le côté sombre. L’oppo peut aller jusqu’à utiliser des méthodes illégales pour accéder à des relevés de cartes de crédit, à des relevés téléphoniques, procéder à des écoutes téléphoniques, voler des documents, pirater des ordinateurs, obtenir tout ce qui peut potentiellement nuire à l’adversaire. Après c’est au candidat et à son équipe de décider s’ils sont prêts à utiliser les informations découvertes ou en écarter une partie pour des raisons éthiques. Les informations sont alors disséminées sous forme de rumeurs, dans les médias, via internet, etc….
Lors de l’élection présidentielle américaine de 1980, l’équipe de campagne du républicain Ronald Reagan avait réussi à obtenir, dans des circonstances mystérieuses, un livre de 200 pages contenant des informations sur la stratégie de son adversaire démocrate Jimmy Carter, dans la perspective d’un débat entre les deux candidats. Le FBI (police fédérale) et le ministère de la Justice ouvrirent une enquête sur les conditions dans lesquelles le document avait été obtenu mais celle-ci n’aboutit à rien de concluant. Selon l’équipe de campagne de Carter, le document aurait été volé dans les bureaux de la Maison Blanche.
Parmi les célèbres spécialistes de l’« oppo » aux Etats-Unis, on compte Lee Atwater qui a travaillé lors de la campagne présidentielle de 1988 pour le compte du républicain George Bush père et a utilisé des méthodes moralement condamnables. Il a notamment fait réaliser un clip électoral aux relents racistes mettant en scène Willie Horton, un meurtrier en prison dans le Massachusetts ayant a commis un viol lors d’une permission du temps où l’adversaire démocrate de Bush Michael Dukakis était gouverneur de l’Etat.
Lors de campagne présidentielle de 2000 entre le républicain George W. Bush et le démocrate Al Gore, Roger Stone fut recruté par les républicains au moment du recomptage des voix dans le comté de Miami-Dade en Floride pour surveiller les opérations. Il aurait notamment organisé des manifestations qui ont entraîné l’interruption du recomptage et ainsi la victoire de Bush. Plus récemment, en novembre, Roger Stone aurait envoyé au FBI une lettre affirmant que le gouverneur démocrate de New York Eliot Spitzer aimait les prostituées et qu’il gardait ses chaussettes quand il avait des relations sexuelles. Spitzer a dû démissionner il y a quelques mois.
Il y a aussi Karl Rove, ancien conseiller du président George W. Bush et considéré comme l’architecte de son élection en 2000 et de sa réélection en 2004. Il est soupçonné d’avoir initié la campagne de diffamation contre John McCain lors de la primaire en Caroline du Sud insinuant que McCain avait un enfant noir né d’une relation hors mariage. L’équipe de Bush savait mais pas l’opinion publique que le couple McCain avait adopté une petite fille dans un orphelinat au Bangladesh. En 2004, le candidat démocrate à la présidentielle John Kerry a été une victime d’une campagne de diffamation par un groupe d’anciens de la guerre du Vietnam, Swift Boats Veterans, proche des Républicains, attaquant de façon mensongère ses états de service au Vietnam et remettant en cause ses médailles.
Dans le film « Primary Colors », qui raconte la campagne pour la Maison Blanche d’un gouverneur démocrate du sud des Etats-Unis, Jack Stanton soutenu par son épouse Susan, (allusion limpide au couple Clinton), une conseillère dévouée depuis des années au couple, Libby Holden (Kathy Bates), est chargée de fouiller dans le passé du principal adversaire de Stanton. Elle découvre que celui-ci a par le passé consommé de la cocaïne et a eu une relation homosexuelle. Mais elle refuse d’utiliser ces éléments pour l'éliminer. Elle laisse le choix au couple Stanton qui n’hésite pas trop. Susan : « Le Times ? Non le Wall Street Journal. Cela fait plus autorité dans un sens. Via un intermédiaire, quelqu’un qui n’est pas associé à la campagne ». Libby proteste : « Nous ne faisons pas ce genre de choses » et rappelle à Jack qu’il avait promis quand il était jeune de faire de la politique différemment. Susan rétorque : « On était jeune. Nous ne savions pas comment le monde marchait. Maintenant nous savons ».