Ce livre est présenté comme un premier roman, mais il est inspiré de la propre viede Lisette Lombé qui raconte sa vie sous le prisme de la féminité, du sexe, du racisme et de la création littéraire. Femme, noire, artiste slameuse notamment, le parcours est digne d’intérêt. Mais franchement, ce qui ressort du texte pour moi, ce sont ces expériences sexuelles de l’enfance à l’âge adulte, sans aucun complexe, il y en a à toutes les pages et pour tous les goûts (ok ok c’est un mauvais jeu de mots). J’assume totalement mon côté naïf et prude, et/ou que je n’ai rien compris au propos réel du livre mais franchement ça m’a saoulée : heureusement que le livre ne fait qu’une soixantaine de pages sinon je l’aurais abandonné. J’espérais que Lisette Lomé parlerait davantage de son travail d’artiste et de sa création littéraire, je suis restée sur ma faim et j’ai ouvert un de ses recueils de textes publiés par ailleurs.
Quatrième de couverture :
« Te faire douter.
Te faire avoir peur.
Te faire avoir honte
De ta couleur.
Qui oubliera ?
Qu’à un noir,
On disait tu… »
Antiracistes, féministes, politiques, les mots de Lisette Lombé font battre le pavé et le cœur. Le poing levé, à coups de mots et de collages, elle dénonce les injustices et poursuit le combat de ses aînées, d’Angela Davis à Toni Morrison.
Les textes de Lisette Lombé sont rudes, durs, ils claquent, ils dénoncent le sexisme, la violence faite aux femmes, le harcèlement, le racisme, les exclus de notre société, ils réclament le droit à la liberté, le droit de disposer de son corps, surtout quand on est une femme, un changement de politique. Tout ce qui brûle de l’intérieur (et de l’extérieur). L’écriture slamée rythme ces textes qui ressemblent souvent (du moins dans la mise en page)à des poèmes en prose. Mais avec la colère, ils sont aussi empreints de compassion : j’ai été frappée par un texte écrit en mémoire de la petite Mawda, enfant de migrants tuée par la police belge en 2018 et par le texte sur la mère d’une fille radicalisée et partie en Syrie.
Cela valait la peine de lire autre chose que Venus poetica (à mon humble avis).
« Le collage, c’est pour les jours où je peux entendre,
dans les transports en commun :
« Dans quel monde on vit, Madame ! »
Ces jours-là
,jours de énième scandale pédophile,
énième bavure policière,
énième féminicide,
énième incident mortel dans une usine,
ces jours-là,
lendemains d’élections, d’attentat, de cataclysme,
ces jours-là,
une lave noire et visqueuse déboule dans ma gorge
et carbonise toutes mes belles petites phrases humanistes
qui me sauvent tous les jours sauf ces jours-là.
Jours de paires de ciseaux, d’images en noir et blanc, de précision et de silence.
Une main qui tient une paire de ciseaux
ne peut rien faire d’autre que tenir une paire de ciseaux.
Soit tu découpes des corps dans le papier glacé,
soit tu t’enfonces la pointe de tes ciseaux dans l’œil.
Ces jours-là.
Mawda Shawri.
Tuée dans la nuit du 17 au 18 mai 2018.
Née le 14 avril 2016. »
« Mon fils est gay
Mon fils est gay.
Ce matin, il portait une raie de côté, un pull cintré, un jean serré.
Coquet, guindé, endimanché.
Imaginez sa toute dernière nouveauté, après le tatoo, le piercing dans le nez : une cravate pailletée.
Mon fils est gai.
Il aime les posters de pompiers, les sauces sucrées salées, son moniteur d’athlé.
La vie. La poésie.
De celle qui fait vibrer, de celle qui fait trembler nos arrière-cours d’humanité.
Et notre routine désaxée en une danse opiacée.
Et le Grevisse contorsionné en petits avions de papier.
La vie. La poésie.
Mon fils est gay.
Il a appris que, dès le collège et au lycée,
le meneurs d’ombres, les suiveurs nombres adorent
traquer le petit gibier.
Les roux qui puent, les pauvres qui schlinguent, les grosses qui suintent et les baltringues.
Les fiottes sucées, les folles tentées, les p’tits pédés coquets, guidés, endimanchés.
C’est le swing des charniers :
Etre tabassé, être humilié, être harcelé, sans se confier !
Jamais, jamais, jamais, jamais !
Etre tabassé, être humilié, être harcelé, sans balancer !
Jamais, jamais, jamais, jamais !
Mon fils est gay.
Et ce matin, exténué,
malgré, malgré, malgré, malgré,
il n’a plus pu y retourner.
Et ce matin, dans le grenier,
perdu, pendu,
mon fils portait une raie de côté, une veste cintrée, un jean serré.
Coquet, guindé, endimanché,
Imaginez sa toute dernière nouveauté, après le tatoo, le piercing dans le nez,
comme une ultime volonté :
une cravate pailletée.
Une cravate pailletée qui je crois bien m’appartenait.
Une cravate pailletée très bien nouée, trop bien serrée,
autour du cou, entortillée.
Une cravate pailletée,
de celle qui fait vibrer,
de celle qui fait trembler
nos arrière-cours d’humanité. »
Lisette LOMBE, Brûler Brûler Brûler, L’Iconoclaste, Collection L’Iconopop, 2020
Le Mois belge 2021 – catégorie L’Ane qui butine (poésie)