Ah non pas ça.
Tout mais pas ça.
Je retire tout ce que j’ai dit. Tu es beau. Tu es fort. Tu es fuselé. Des membres magnifiques. Le mollet fait pour le grand braquet. La cuisse grimpeuse. Les abdos serrés dans ce torse étique que le vent traverse sans jamais pouvoir s’y accrocher.
Tu es le corps du cycliste optimisé.
Alors, tu vois, ça me ferait vraiment mal au seins qu’un athlète comme toi se mette à pédaler en mode assisté. Et moi, tu y as pensé ? Serai-je donc ton dernier vélo pédalo-propulsé ? L’ultime descendant de ta fabuleuse lignée ?
Ton premier Cilo, tu te souviens, cadre en acier, deux fois cinq vitesses, manettes placées en haut du tube oblique. Doré comme cette aube où tu escaladas sans mollir les douze pour cent qui te menaient à ton lit. Cinq heures du matin et tes roues incertaines fendaient l’écume des bières de la nuit. Arrivé au fond du faux-plat, tu as regardé le plan incliné dressé devant toi. Le soleil allait bientôt se lever. Entre deux haut-le-coeur, tu t’es dit quand faut y aller, faut y aller. En danseuse que tu l’as franchi, ce putain de raidillon. Même pas ralenti. Même pas posé un pied à terre. Effacé la pente d’une seule traite comme Coppi. Une fois arrivé en haut, tu as grimpé sur le dos de l’abricotier, sauté sur le rebord de la fenêtre que tu avais laissée entrouverte avant de t’en aller. Ta façon de rentrer en loucedé dans ta chambre aux heures interdites, sans réveiller ta mère au réveil conditionné par le déclic de la porte d’entrée.
Dis, est-ce que tu le referais aujourd’hui ?
Moi je pense que oui.
Tout aussi bourré et sans électricité.