Le premier mot, histoire d'un contresens - de Pierre-Henry Salfati (éd. Fayard)

Ouvrir ce livre, c’est plonger dans l’écriture de l’hébreu, qui s’écrit de l’Est vers l’Ouest, contrairement aux langues européennes, un alphabet qui n’a que des consonnes, ce qui permet des sens multiples aux mots écrits et, surtout, d’associer, dissocier, agencer différemment les mots eux-mêmes. Ouvrir ce livre, c’est accepter que le début soit la fin, que donc le premier mot de la Torah hébraïque, Bereshit, n’en soit peut-être pas le premier. Ou bien qu’il en contienne tous les mots : les 304805 lettres qui écrivent les 79847 mots qui composent  les 5845 versets, le tout contenu en 187 chapitres. Pierre-Henry Salfati interroge les mots, les lettres, s’appuie sur l’enseignement d’un certain Rashi (XIIe siècle) pour interpréter le texte, y lire chaque chose et ses possibilités, au XIIe siècle et aujourd’hui, qu’il s’agisse du rapport à Dieu, de la terre (qui tourne), de la terre « promise », des relations du peuple juif avec ses voisins (et réciproquement)… Il montre aussi comment la traduction de la Torah , devenant la « Bible des Septante », a quelque peu modifié le texte d’origine en quelques points pour plaire semble-t-il à Ptolémée II, roi d’Égypte. La langue grecque a, selon Pierre-Henry Salfati, repris la dénomination des lettres de l’alphabet hébreu mais a choisi d’écrire dans le sens contraire à l’écriture juive, de la gauche vers la droite. Pour bien lire la Torah, qui est un texte écrit, il n’y a qu’une façon : la philologie, définie par le CNRTL de la façon suivante : « Étude scientifique d'une langue quant à son matériel formel et son économie ». On s’y perd quelquefois. Mais on y apprend aussi : « Puisque "mal nommer les choses c’est participer au malheur du monde", il convient de les bien nommer pour commencer. »