Pionnière de la FinTech au siècle dernier et en croissance soutenue jusqu'à aujourd'hui, PayPal est probablement une des forces disruptives les plus injustement sous-estimées de l'industrie financière. Elle pourrait pourtant s'avérer plus menaçante pour le statu quo que les géants technologiques qui monopolisent les craintes de concurrence.
Toujours largement considéré comme un « simple » fournisseur de services de paiement en ligne, la prise de conscience de l'étendue du catalogue de PayPal, en particulier aux États-Unis, devrait inciter à lui prêter attention. Échanges d'argent entre pairs (avec Venmo), carte de débit et de crédit, encaissement de chèque, transferts internationaux, crédit à la consommation… et, côté commerçants, terminal de point de vente, financement de la trésorerie, facturation, gestion d'inventaire… illustrent cette diversité.
Mais ce n'est peut-être qu'un début. À l'occasion de sa journée de relation avec ses investisseurs, le PDG de la société, Dan Schulman, a évoqué son ambition d'embrasser une nouvelle dimension, en faisant de la plate-forme existante une « super-app », au sein de laquelle les consommateurs trouveraient une sorte de galerie marchande virtuelle géante, aux fonctions financières intégrées, capable de répondre à tous leurs besoins et capitalisant sur la connaissance transverse de leurs habitudes pour les conseiller.
L'approche, directement inspirée par les dragons chinois (WeChat, en tête) quoique issue d'une perspective différente, devient une obsession pour de nombreuses entreprises, notamment du secteur bancaire. Leur réflexion part du constat incontournable de la domination d'une poignée d'applications mobiles dans les usages courants, au détriment des quantités d'enseignes dont les logiciels se trouvent relégués aux seconds rôles. Et leur pari est de proposer à ces dernières une expérience unifiée par les outils financiers.
Dans cette vision, l'avantage distinctif de PayPal transparaît immédiatement : il s'agit d'un des rares acteurs jouissant déjà, à travers ses millions d'utilisateurs, d'une présence importante simultanément auprès des marchands et des consommateurs, sous l'angle spécifique de leur relation commerciale « individuelle », puisqu'il contribue à leurs interactions. Grâce à cette position exclusive, il possède un moyen exceptionnel (et essentiel) de convaincre les deux parties de se rassembler sur sa place de marché.
En complétant sa proposition avec sa vaste palette de produits financiers, depuis ses multiples instruments de paiement jusqu'à ses options de règlement différé (la mode du « Buy Now, Pay Later » ou BNPL est aussi passée par là), associés à des outils intelligents de pilotage budgétaire (y compris la gestion des abonnements, autre grande tendance actuelle), la promesse vis-à-vis du grand public est séduisante.
Naturellement, l'audience ainsi conquise représente également un puissant facteur d'attractivité pour les commerçants. Soumis, en raison de la crise sanitaire, à l'exigence croissante de développer leur activité en ligne, ceux-ci se voient en outre offrir des facilités dédiées, par exemple l'intégration avec leurs fonctions de back-office ou des solutions marketing d'autant plus efficaces qu'elles s'adressent à une cible captive.
En synthèse, PayPal se trouve, d'un certain point de vue, dans une situation similaire à celle des GAFA, en termes de proximité avec les consommateurs (et les marchands) et de recherche de l'excellence dans l'expérience client, tout en affirmant sans ambiguïté son ancrage direct et profond dans l'univers des services financiers. Avec, de la sorte, un pied dans chaque « camp », il est facile de comprendre pourquoi ses orientations stratégiques devraient sérieusement inquiéter les institutions historiques…