Oui, cela pourrait commencer ainsi, ici, comme ça, d’une manière un peu lourde et lente, dans cet endroit neutre qui est à tous et à personne, où les gens se croisent presque sans se voir, où le vie de l’immeuble se répercute, lointaine et régulière. De ce qui se passe derrière les lourdes portes des appartements, on ne perçoit le plus souvent que ces échos éclatés, ces bribes, ces débris, ces esquisses, ces amorces, ces incidents ou accidents qui se déroulent dans ce que l’on appelle les « parties communes », ces petits bruits feutrés que le tapis de laine rouge passé étouffe, ces embryons de vie communautaire qui s’arrêtent toujours aux paliers. Les habitants d’un même immeuble vivent à quelques centimètres les uns des autres, une simple cloison les sépare, ils se partagent les mêmes espaces répétés le long des étages, ils font les mêmes gestes en même temps, ouvrir le robinet, tirer la chasse d’eau, allumer la lumière, mettre la table, quelques dizaines d’existences simultanées qui se répètent d’étage en étage, et d’immeuble en immeuble, et de rue en rue. Ils se barricadent dans leurs parties privatives -puisque c’est comme ça que ça s’appelle- et ils aimeraient bien que rien n’en sorte, mais si peu qu’ils en laissent sortir, le chien en laisse, l’enfant qui va au pain, le reconduit ou l’éconduit, c’est par l’escalier que ça sort. Car tout ce qui se passe passe par l’escalier, tout ce qui arrive arrive par l’escalier, les lettres, les faire-part, les meubles que les déménageurs apportent ou emportent, le médecin appelé en urgence, le voyageur qui revient d’un long voyage.
(Début de la première partie de La vie mode d’emploi, de Georges Perec)
C’est ainsi qu’on entre dans l’immeuble où vécut et mourut notamment Gaspard Winckler, artisan, à Paris. Vous connaissez certainement de ces immeubles où l’escalier est encore le meilleur moyen d’accéder aux premiers étages. Parfois, et c’est le cas dans ces bâtiments si hauts qu’on ne s’imagine pas monter ses courses hebdomadaires par les marches, la cage d’escalier n’est accessible que par une porte qui l’isole. Souvent aussi, les allées et venues disent bien des choses de la vie quotidienne des locataires ou des propriétaires.
Mais que disent, révèlent les escaliers en ces temps étranges où nous ne pouvons plus sortir après 19 heures ? Que disent les escaliers quand nos smartphones enregistrent le nombre d’étages montés dans la journée ? Que disent ces escaliers équipés ou non d'élévateur pour personnes à mobilité réduite ? Peut-être même ne connaissez-vous que ces escaliers de bâtiments publics où sont désormais tracées des lignes marquant les distances à respecter et les flèches pour indiquer les circulations autorisées. C’est ce que je vous invite à raconter aujourd’hui, que vous viviez dans une maison de plain pied ou dans un immeuble très élevé.
Que votre récit soit réel ou imaginaire, merci de le poster dans les commentaires ci-dessous.