Après des mois d'attente fébrile, de bandes-annonces alléchantes, et malheureusement un décès tragique, il est enfin là. La suite tant attendue de l'excellent Batman Begins débarque enfin sur nos écrans et s'inscrit d'ores et déjà comme date dans l'histoire du cinéma, pulvérisant un à un tous les records d'entrée aux Etats-Unis. Et pour une fois, force est de constater que c'est amplement mérité, tant The dark Knight remplit son contrat avec brio, comblant les espoirs les plus fous des fans, voire même un peu plus...
Lorsqu'en 2004 la Warner décide de relancer la franchise Batman mise à mal par les suites clownesques de Joel Schumacher, elle prend un risque en confiant les rênes de l'entreprise à Christopher Nolan. Certes, l'univers du génial réalisateur de Memento et Insomnia semble parfaitement coller à celui du caped crusader, mais il s'agit de son premier vrai blockbuster et de plus il s'agit de ne pas se planter sous peine de plomber définitivement la franchise. Conscient du défi qui l'attend, Nolan s'adjoint les services de David Goyer au scénario (qui réalise ici un rêve de gosse) et surtout sélectionne un casting de rêve : Christian Bale en Bruce Wayne/Batman (sans nul doute le meilleur, voire le seul choix possible), Michael Caine en Alfred, Gary Oldman en Jim Gordon, Cillian Murphy en Epouvantail, auxquels viennent s'ajouter Katie Holmes, Morgan Freeman, Ken Watanabe et Liam Neeson. Bref, un casting de luxe qui donne au final certainement la meilleure adaptation de comic book à ce jour : fidèle à l'ambiance du comic book, sombre et adulte, brassant de nombreux thèmes passionnants dans un scénario en béton armé. Tout juste peut-on reprocher une certaine maladresse dans la réalisation de scènes d'action surdéveloppés et souvent illisibles. Mais qu'importe, le résultat est là : le film cartonne et remporte l'adhésion du public et de la critique, relançant la franchise en beauté.
C'est donc très logiquement que toute (ou presque, vu que Katie Holmes est évincée suite à ses frasques avec son nouveau mari) l'équipe rempile trois ans plus tard pour une suite encore plus casse-gueule puisque mettant en scène le plus adulé des méchants de Batman : le Joker. Et encore une fois, la Warner soutient à fond Nolan, même dans des choix a priori discutables, comme d'engager Heath Ledger pour tenir le rôle de la nemesis de Batman. Les critiques seront bien vite balayées par les premières images du jeune acteur sur le plateau, tout simplement méconnaissable. Et de fil en aiguille, le film devient rapidement l'un des plus attendus de l'année. Et Nolan, conscient des responsabilités qui lui incombent, a cette fois décidé de sortir le grand jeu. Welcome to a world without rules...
De la Suite dans les IdéesDès les premières minutes, le ton est donné : The dark Knight ne sera pas une pâle copie de son prédécesseur, mais une véritable suite commençant directement après les événements du précédent film. Lors de l'excellente introduction, on assiste à une hallucinante scène de braquage qui n'est pas sans évoquer le Heat de Michael Mann. Une référence que Nolan reconnaît bien volontiers, ayant voulu faire de cette séquelle un polar urbain. Première constatation, si Batman begins se déroulait principalement de nuit, The dark Knight au contraire se déroulera la plupart du temps en plein jour. Deuxième constatation : Nolan a appris à mettre en scène une scène d'action. L'ouverture du film est millimétrée et totalement maîtrisée par un réalisateur en pleine possession de ces moyens. Et encore, ce n'est rien par rapport à l'énorme scène de poursuite constituant le climax de milieu de film.
La situation reprend donc là ou le premier film s'était arrêté : Batman a sauvé la ville et est maintenant connu de tous. Une notoriété pratique pour effrayer la pègre, mais qui engendre aussi de nombreux effets secondaires : les officiels ne veulent pas d'un vigilante s'amusant à rendre la justice lui-même, et surtout de nombreux civils s'essaient à l'héroïsme en revêtant le célèbre costume pour tenter d'imiter leur modèle. Et puis il y a ce criminel surgi de nulle part, dont tout le monde parle mais que personne ne semble vraiment connaître, un certain Joker...
Ordre et ChaosUn Joker emblématique de la thématique développée par cet épisode, celle de la difficile balance entre ordre et chaos. Le film le suggère plusieurs fois, le Joker sort de nulle part : pas de papiers d'identité, fiche nulle part, et même, on ne sait pas d'où viennent ses cicatrices (il explique plusieurs fois leur origine mais donne à chaque fois une version différente). Bref, c'est comme si Gotham avait elle-même généré cet électron libre en réaction aux tentatives de rétablissement de l'ordre par Batman. Comme le dit le personnage, l'un ne peut exister sans l'autre, l'ordre se nourrit du chaos et inversement : ils sont les deux faces d'une même pièce. Ce qui nous amène tout naturellement au troisième protagoniste principal de l'histoire : Harvey Dent, alias Double Face. Un Harvey Dent personnifié par un Aaron Eckhart au meilleur de sa forme, touchant tout autant que terrifiant. Harvey Dent est définitivement le cœur du film, celui par qui les problèmes arrivent et qui se retrouvera dans l'œil du cyclone. Un personnage tragique car idéaliste au début du film (il pense sincèrement pouvoir faire tomber toute la pègre de Gotham, et donne même cet espoir à Batman) mais qui finira par se heurter à un mur et par tout perdre lors d'une scène déchirante, pour devenir le bad guy que tout le monde connaît.
Et puisqu'on parle prestation, impossible de passer sous silence celle de Heath Ledger dans le rôle du Joker. Car si tout le casting est excellent (comme dans le premier), c'est incontestablement le jeune australien qui remporte le morceau (et mon dieu que ça fait mal de se dire que l'acteur nous a quitté). En une seule scène, il balaye d'un revers de la main le cabotinage de Jack Nicholson dans le Batman de Tim Burton. Le Joker de Nolan et Ledger est un véritable psychopathe, absolument terrifiant et imprévisible. Ledger, totalement habité par le rôle (il faut voir les mimiques hallucinantes de son personnage) campe un Joker totalement fou mais non dénué d'une certaine logique et totalement machiavélique. Une performance rare et édifiante. A coté de cela, les autres acteurs sont légèrement éclipsés, même si aucun n'est à blâmer.
Au final, le seul petit reproche que l'on pourrait faire à The dark Knight, c'est d'être trop court. Le scénario est tellement dense et passionnant, les morceaux de bravoures se succédant à une cadence hallucinante, qu'on aurait aimé que le film se pose un peu plus. Le coté Bruce Wayne du héros est par exemple quelque peu sacrifié (mais il était très développé dans Batman begins, donc on peut penser que c'est un choix du réalisateur) et certains personnages un peu effacés (celui de Rachel, notamment, rôle repris par la délicieuse Maggie Gyllenhaal). Mais on peut se douter que le director's cut de 3 heures voulu par Nolan et refusé par la Warner devrait certainement rééquilibrer tout ça. Donc ne pleurons pas, au contraire réjouissons-nous de pouvoir découvrir le film de super héros le plus adulte jamais produit. Oubliez les Iron Man et autres Incroyable Hulk, The dark Knight est un joyau noir dont le final déchirant appelle forcement une suite qu'on espère tout aussi réussie (difficile de faire encore mieux).
Note : 9.5/10 (le 10 sera pour le director's cut, sans aucun doute)