« Au fond, l’intégration des musulmans ne pourrait fonctionner que si le catholicisme redevenait religion d’État.(Michel Houellebecq, ici).
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Les soubresauts si terriblement réactionnaires qui agitent notre société en ce moment, de manière si spectaculaire, sont autant de démonstrations, de signaux plus ou moins faibles ou forts selon moi que ce vieux monde se meurt. Et l’on est d’autant plus en droit de s’inquiéter que « c’est dans ce clair obscur que surgissent les monstres »… selon la célèbre formule de Gramsci 1…
Mais posons d’abord le cadre politique formel. Le député de Charente Maritime Olivier Falorni (dont on notera pour l’anecdote qu’il fut candidat dissident du PS et battit Ségolène Royal), a déposé une proposition de loi « donnant le droit à une fin de vie libre et choisie ». Mais ce projet n’est pas du tout du goût visiblement d’une poignée de députés LR qui, dans une démarche que l’un de leur collègues lui-même (Maxime Minot) a qualifié de minable sur France Info, ont déposé plusieurs milliers d’amendements pour en empêcher le débat et l’examen sur le fond. La démarche est bien sûr cyniquement calculée. Car malgré leur faible poids numérique, ils espèrent que, comme cette proposition provient d’un groupe minoritaire, et que les règles parlementaires veulent qu’elle soit donc votée dans la journée d’aujourd’hui, l’examen de ces amendements empêchera que cette règle soit respectée, et donc que le projet sera retoqué. Donc, en effet, une démarche plus que médiocre, et d’une nature anti-démocratique évidente dans l’esprit.
Dans la perspective de l’examen de ce projet de loi, la frange la plus extrémiste du catholicisme hexagonal, la même qui se bat encore et toujours malgré son inscription dans la loi du mariage pour tous (LMPT), est vent debout contre toute avancée sur le dossier de la fin de vie, et multiplie la désinformation et les prises de position arriérées sur le sujet, en faisant appel davantage à l’émotion qu’à la réflexion sur le sujet. Houellebecq en personne, ce vieux réac aux tendances paranoïdes bien connues, s’est lui-même fendu d’une tribune sur le sujet, signant son opposition ferme et définitive à l’euthanasie, en bon réac qu’il est également, malgré sa fallacieuse modernité littéraire de surface.
Aussi certains médias peu scrupuleux n’ont pas manqué d’investir le sujet, et de ressortir opportunément des personnalités bien moisies de leurs placards… dans la juteuse perspective de se refaire une santé sur la base du clash médiatique que cela ne manquerait pas de produire, compte-tenu des positions inévitablement méprisables que ce genre de personnes produit invariablement, sur ce sujet comme sur d’autres... Le registre de la fameuse méthode Cnews, en somme :
Faire plus que suggérer aux personnes vulnérables atteintes de maladies incurables de se jeter d’un pont, il me semble là que la limite au-delà de laquelle le ticket vers le débat n’est plus valable est largement dépassée par cette ignoble petite personne… Et moi qui pensait que l’incitation au suicide était sanctionnée par la loi française…. Faudrait savoir.
L’euthanasie est un sujet trop sérieux pour le laisser en pâture aux réactionnaires, visiblement… Et quand on sait que Blanquer voue une admiration sans bornes (en effet, il n’y a pas la lumière à tous les étages…) pour Houellebecq, il y a franchement de quoi être inquiet sur notre évolution sociétale… et pas que sur ce sujet qui me tient à cœur.
Je sais quant à moi à quel point l’hypocrisie est grande, en la matière…
Et dire que je me préparais justement à avancer sur mon projet d’ écrire, quel curieux hasard, mes directives anticipées, hier soir, au cas où. Je n’ai pourtant nullement l’intention de me jeter d’un pont, Barbara. Je ne te ferai certainement pas ce plaisir. Je n’ai rien de suicidaire quant à moi, et je ne souffre en outre, fort heureusement, d’aucune pathologie chronique. Il s’agit simplement d’une décision murement réfléchie, conscientisée, éclairée, et politique. Je réfléchis sur ce point là, comme sur d’autres, depuis maintenant plusieurs années, et tout particulièrement depuis l’affaire Vincent Lambert, et l’insupportable recroquevillement et acharnement non seulement thérapeutique, mais également judiciaire auquel s’est livré le camp catho réac intégriste, derrière sa mère. Le désolant spectacle donné à cette occasion m’a tant donné matière à réflexion…. mais certainement pas dans le sens terriblement étriqué et conditionné par une culture religieuse d’aucune sorte de ces Lefebvre et Houellebecq là, dont j’ai su fort heureusement me déconstruire avec le temps. Une réelle délivrance…
Le fait est que Barbara Lefebvre, tout comme Houellebecq, se positionnent sur cet axe terriblement conservateur. Son ignoble réaction qui fera sans doute polémique (mais l’une chassant l’autre hélas), ne m’est pas du tout un sujet d’étonnement. Mais je l’ai utilisée à dessein pour éclairer combien ces gens là sont dangereux, excessifs, et leurs propos absurdes, quand ils ne sont mus que par le registre de l’émotion, que ce soit la leur, ou celle de ceux qu’ils veulent provoquer, chez des gogos qui gobent leurs propos sans discernement, et sans réflexion poussée et durable sur le sujet, hors des œillères de la religion et des croyances dogmatiques.
Aussi, après avoir écrit tout cela, je n’ai plus qu’une seule chose à exprimer :
Réacs de tous bords, comme vous n’aurez pas eu ma vie, vous n’aurez pas ma mort.
Elle m’appartient, tout comme mon corps. Vade retro.
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1 … ce même Gramsci qui, je crois, ne ciblait pas précisément, dans le contexte, la gauche UHT…. 😉 , contrairement à ce que cette honteuse récupération qu’en a faite la nouvelle droite et l’extrême-droite depuis de trop nombreuses années pourrait laisser supposer. Nous en avons la grande démonstration aujourd’hui, avec cette guerre culturelle que le camp identitaire républicaniste est en train de nous livrer, suçant la roue de l’extrême-droite, sans même s’en rendre compte, et c’est ce qui est le plus grave… L’extrême-droite a fort bien compris, elle- avec l’appui du GRECE et d’Alain de Benoist – contrairement à la gauche, le parti qu’elle pouvait en tirer, de ce concept d’hégémonie culturelle… L’incroyable inversion réthorique, le procédé manipulatoire de plus en plus courant et banalisé au point que plus grand monde ne s’en émeuve d’inversion accusatoire qui consiste par exemple à prétendre que les antiracistes sont les vrais racistes n’est qu’un exemple de ce phénomène. Au point que le moment est venu, après Warren Buffet qui déclarait que la lutte des classes existe, mais c’est la mienne qui a gagné.