« Ce qui me poursuit » est disponible en librairie mais aussi sur le site des éditions des Carnets du Dessert de Lune. C’EST ICI
Dans le champ se dessine encore un chemin
d’herbes disparues
aux doigts de pied des morts certaines veuves
mettent un anneau
telles autres déposent une écuelle blanche de lait
où noyer la faux
ce qui se voit encore au jardin dessine là ce qui ne
s’y voit plus
reste à posséder une bassine en plastique bleu où
tremper son pied
et y reconnaître ça qui n’existe nulle part ailleurs–
——-la mer—-
*
Faire tenir en sa maison l’espace circulaire du
paradis
et tenter
d’y rester.
(Tarot : maison-dieu)
Dehors la tour
il y a la mer
elle est le vent.
(Tarot : l’Amoureux)
Deux tulipes m’interrogent
pourquoi les cueillir
pour si peu de temps ?
(Tarot : le Chariot)
Marcher solitaire
rend nécessaire
l’usage du bâton
à défaut de crayon.
(Tarot : le Bateleur)
*
Par où ça commence la peau, le dessus, le
dessous ?
Entrée, sortie, la bouche, les oreilles, la langue ?
Le dictionnaire en équilibre maladroit,
les mots glissent et se dispersent,
tombés loin, perdus ou greffés
sur la peau.
Limaille, ferraille, paille, broussaille
voilà mots dont nous avons besoin
pour construire nos maisons.
Déserter la vie,
un riblon fiché dans la tête
et y trouver du contentement,
vraiment non, ça, rien à faire
avec ça, la poésie ?
*
j’ai ça qui me poursuit
comme cheveux
comme vie
à la main
un jour
ça sera mon tour
ça qui me poursuit
*
Le fils le plus jeune découvre les mots écrits
par son grand-père juste avant
le silence définitif.
Trois feuillets qu’il s’efforce de lire
et
pour lesquels il me demande de trouver un
spécialiste
qui éclaire le sens de ces lignes étranges et
répétitives.
Il dit : je crois que c’est un poème.
Toute une vie à déchiffrer ces trois feuillets
presque effacés.
© Tous droits réservés