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Corpses of unity, An anthology of poems - Nsah Mala / Mbizo Chirasha

Par Gangoueus @lareus
Corpses of unity, An anthology of poems -  Nsah Mala / Mbizo Chirasha

On compte une trentaine d’auteurs.  Des hommes, Des femmes. Des poètes souvent. Des artistes. Des Camerounais. Certains du NOSO. Des Africains. Anglophones, des francophones. Un pakistanais. De jeunes auteurs surtout. Pas forcément connus. Et c’est peut-être une des choses extrêmement encourageantes. Une prise de parole engageante qui n’est pas l’expression des pontes de la Francophonie... 

Les guerres camerounaises sont silencieuses. Pourtant, elles ont fait et font encore de nombreux morts et s’inscrivent dans la durée. On peut parler du premier front de la Révolution Camerounaise : le maquis en pays Bassa de 1954 à 1958. Ensuite on pourrait aborder le maquis en pays Bamiléké de 1958 à 1970. Boko Haram au courant des années 2010 et le conflit actuel au NOSO qui selon certaines sources comme Jeune Afrique aurait déjà fait près 12000 morts (les chiffres varient - énormément - selon les sources entre 2000 et 35000 morts), 530000 personnes déplacés au Cameroun, des dizaines de milliers de réfugiés au Nigéria. Des leaders politiques en prison. Qu’on prenne la fourchette basse ou haute, les chiffres restent importants. Pourtant, dans l’espace que les Anglos ont rebaptisé Ambazonie, la couverture médiatique de ce conflit est inexistante. Certaines prises de parole sur le sujet ont donné lieu à des incarcérations comme celle de Patrice Nganang en décembre 2017. Les leaders du mouvement séparatiste croupissent dans les geôles de Kondengui, comme Sisiku Julius Ayuk Tabe. Qui s’intéresse aux violences qui secouent l’Afrique centrale, ne sera pas surpris par le mutisme des médias sur ces guerres souvent liés aux ressources du sol, même si dans le cas précis du NOSO, les enjeux sont aussi culturels. Aussi marginale soit-elle, la parole des poètes dans un tel contexte est donc essentielle.

Sur les guerres du Cameroun, les hommes et les femmes parlent longtemps après les violences. Mongo Beti a écrit certes quatre ans après l’exécution d’Ernest Ouandié son fameux roman Remember Ruben. On objectera que le fabuleux essai Main basse sur le Cameroun a été produit en 1972. Il a fallu attendre 2002  avec  La joie de vivre de Patrice Nganang (2003), Les maquisards d’Hemley Boum (2015) et Confidences de Max Lobé (2016) sur les mouvements indépendantistes et Des jours viennent et passent d’Hemley Boum (2020) sur Boko Haram au nord du Cameroun pour avoir de nouveaux discours engageants et significatifs sur ces thèmes. Ce que Nsah Mala propose est donc inédit : traiter en temps réel le conflit au NoSo et donner la parole à des poètes camerounais, africains, pakistanais sur cette douloureuse question… Je pense naturellement sur le plan de la démarche, avec toute proportion gardée, au projet initié par Nocky Djedanoum, Ecrire par devoir de mémoire sur le génocide Tutsi au Rwanda. 

Gilbert Doho dans sa préface rappelle un contexte historique et complexe : 

«  sous la houlette de deux poètes, l’un du Cameroun [ Nsah Mala], et l’autre du Zimbabwe [Mbizo Chirasha], 33 poètes du continent et d’ailleurs dévêtissent la tyrannie qui fauche à marges andins dans l’ancien Southern Cameroon. Si depuis la déclaration de guerre contre les soi-disant terroristes sécessionnistes, des médias comme Vision 4 exhortent , ni plus ni moins, la dératisation des zones anglophones, des voix prennent le contrepied sur les réseaux sociaux pour exposer l’hécatombe qu’est devenu l'Ambazonie ».

Le cri des poètes s’exprime en anglais et en français, à l’instar de la réalité de ce pays. Rassembler les deux langues dans cet ouvrage est la première main tendue qu’offre cet ouvrage. Lire ces textes dans la langue de Shakespeare a été complexe. La langue de la poésie est très différente de celle de la fiction. Encore plus éloigné de l’anglais technique que j’utilise sur mes missions d’informaticien. Mais il y a quelque chose qui se passe avec la poésie, qu’on ressent également en écoutant un bon morceau de RnB américain. L’émotion passe par la musique de la langue et la qualité du cri qui ne serait connaître la limite de la langue et de l'auditeur.

Ecoutons le cri du poète zimbabwéen qui interpelle ce pays avec toute la rage possible du témoin impuissant qui n'a que la plume pour parler :  

«  You cannot drink your own eggs in the name of expediency  You cannot slash wombs in daylight and let your machetes drink blod of children in dawns of violence  Once beautiful earth watered with tears and sweat   You're lost in the valley of death! » p.40 

Les poètes parlent du NoSo, ils écrivent d’ailleurs pour beaucoup. Parce que dans le fond, on ne sait pas d’où ils écrivent. Il est peu probable qu’ils aient sillonné les zones violentées.  

 «  Oh, messenger   Beat the wailing drum   And summon our ancestors  Why  are they impotent  In the face of such tragedy   We weep    They sleep » p.27
 Ces quelques lignes en disent long à propos des mots de Prince Wogu Richardson Eyong qui introduisent l'anthologie. Il est un des jeunes auteurs Camerounais originaires de la région sinistrée.  On perçoit la colère, le désarroi et la dénonciation du crime et de la non assistance : 
«   My heart bleeds     and breathes sadness     As I tell this story of carnage     with little or not media coverage     the world claims life is sacred     And treasures peace like gold     yet childred and old men alike perish in a massacre     Is the United Nations nothing but an asshole ?     We leave our shells daily in bloodbaths     and they refresh their souls in warm baths »  p.27

Ray Ndébi, un auteur camerounais dénonce la déshumanisation de l’autre « camerounais »  :
«  Est-ce seulement cela qu’on a voulu     Quand on a brandi la démocratie     Comme le soleil qui rassemble dans les rues     Nous voici rampant vers l’Ambazonie
    Qu’appelle-t-on Cameroun anglophone     Quelle est cette terre qui me paraît une île     J’entends parler de ce peuple ambazone     Comme d’une race à l’esprit très peu fertile
    J’entends dire que ces âmes du good morning     Ne connaissent pas le même matin que moi     Leur réveil, semble-t-il, est juste nothing     Si elles ne s’accommodent pas à ma voie » p.45

On a des images qui nous trottent plein la tête, en lisant ces séquences, avec d’autres lieux, d'autres temps et des hommes rabaissés à l’échelle du cafard…  Des hommes qui ne connaissent pas le même matin que moi… Faut-il avoir sillonné cet espace pour saisir la douleur du peuple Anglo ? Z-Ulrich de Dieu, un poète Congolais peut s’exprimer avec sensibilité et constater une situation camerounaise qui fait écho à des réalités congolaises : 
« L’absence prolongée du sommeil invite les noeuds de ténèbres    Pour séquestrer l’instant présent de la vie    Cameroun n’a plus des femmes et d’églises    Cameroun n’a plus des hommes et des greniers    Cameroun n’a plus des rêves et d’avenir    Tout subsiste au prix de la cendre de pénitence »  p.34 

En cela, le poème de Géraldin Mpesse, souligne le mouvement, les demeures désertées et la rue qui recueille les âmes errantes fuyant massacres et exactions.
«  La rue est une femme     affectueuse qui accueille     des rescapés du massacre     qui déambulent sur les pas feutrés du désespoir » p.52 
On pourrait extraire d'autres séquences...
Sur le plan littéraire, la démarche de ces différents poètes est particulièrement engageante. Camerounais ou non, le lecteur que je suis, a trouvé un parfait investissement dans une cause douloureuse par la qualité des poèmes proposées et surtout leur sensibilité. Où en sommes-nous aujourd'hui au NoSo, la question est ouverte.
Corpses of unity, an anthology of poems / Cadavres de l'unité, une anthologie de poèmesVita Books, première parution en 2020, un texte dirigé par Nsah Mala et Mbizo Chirasha, une préface de Gilbert Doho
Reagan Ronald Ojok (Ouganda) : poète, économisteRudolf Ngwa Akongoh (Cameroun, 1985) : poète, écrivainSamuel J Conteh (Sierra Leone) : poète, dramaturge, coachSamy Manga (Cameroun) : écrivain militant écopoèteStar Okpeh (Nigeria, 1987) : écrivain et poèteZachariah Wisdom (Nigeria, 1994) : étudiantZ-Ulrich de Dieu (Congo, 1992) : Doctorant en lettres.Nsah Mala (Cameroun) : écrivain et poète, Dirigeant du projet.Omadang Yowasi (Ouganda) : écrivain et policierRay Ndebi (Cameroun) : écrivain bilingue, traducteur, analyste, coach littéraireNnane Ntube (Cameroun) : avocate, enseignante et écrivaineNgam Emmanuel Beyia (Cameroun) : activiste, enseignant, poètePrince Wogu Richardson Eyong (Cameroun) : écrivain, critiqueNancy Ndeke (Kenya) : poèteMichael Mwangi Macharia (Kenya) : poèteMD Mbutoh (Cameroun) : poète, lauréat HofnaLuc Koffi (Côte d’Ivoire) : poèteMbizo Chirasha (Zimbabwe) : poète activisteKile Rash Ike (Cameroun, 1993) : poète et écrivainJosiane Nguimfack (Cameroun) : passionnée d’art et de théâtreJabulani Mzinyathi (Zimbabwe) : ancienne enseignante et magistrate, ressource humaineGoodneough Mashego (Afsud) : poète, réalisateurGéraldin Mpesse (Cameroun) : poèteGbeada Maxence (Côte d’Ivoire) : poèteFranklin Agogho (Cameroun) : BedeisteEkpe Inyang (Cameroun) : écrivainDr Sadiqullah Khan (Pakistan) : poèteDavid Njoku (Nigeria) : Prédicateur, poète, compositeurBeaton Galafa (Malawi) : écrivainBaldinne Moussa (Comores) : poèteAyouba Touré (Liberia) : poèteAbraham Kyari (Nigeria, 1995) : 

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