vertige

Publié le 03 avril 2021 par Modotcom

j'ai failli ne pas écrire ce matin

hier était une mauvaise journée
je débutais une autre session
de préparation de déclaration de revenus
et je savais que j'allais faire ça
tout le week-end

j'étais contrariée d'avoir sous-estimé
tout le poids que représentait
le fait d'avoir accepté il y a cinq ans
de traduire des masses de documents
sous formes de chiffres
pour les autres
contre de l'argent

après avoir lunché rapidement
vers quatorze trente à mon bureau
et pris un courriel entrant
j'ai lancé mon téléphone
au bout de mon bras gauche
et en fin d'après-midi
j'ai émis cri strident
au milieu de la cuisine

il n'y a que mes chats
qui sont témoins
de mes rares dérapages
dans le monde de la folie

la ligne est mince
le ditch est invisible
et le terrain est glissant

je me suis donc réfugiée dans un bain
avec l'envie de m'y noyer
de fuire l'instant et mes obligations
comme une suicidée
mais j'ai plutôt opté de documenter le moment
comme une pause bien méritée
et j'ai bien fait
car ç'a été salutaire
de m'abandonner dans les kilomètres de mots
écrits par d'autres dans les pages
du nouveau projet et du plus récent national geographic
pendant trois heures de temps
en réchauffant la cuve deux fois
et dans le gras de l'huile d'amande douce

ce matin
je ne voulais toujours pas écrire
et c'est la tête de côté bien enfoncée dans l'oreiller
avec la jambe droite de l'homme-chat
enclumée sur le bas de mon corps
que j'imaginais ce vide vertigineux
que créerait un trou dans ce blogue
après les entrées de quatre cents samedis consécutifs

je ne m'y résolvais pas
je ne suis pas encore prête
à abandonner des rituels
et de m'affranchir
d'habitudes et murs que je me suis seule créés
dans l'unique but d'encadrer ma vie
je ne suis pas prête
à omettre volontairement
de faire la vaisselle le soir 
de laver la machine à café le dimanche
de changer les draps chaque semaine
de me brosser les dents quotidiennement
de me connecter au réseau du travail
d'embrasser mon chum avant de dormir
de prendre le petit dans mes bras le matin
de changer sa litière
d'allumer les lampes du salon et du portique le soir
d'arroser les plantes
de faire mes devoirs
de continuer à battre le rythme régulier
de la vie ordonnée

un écart est si vite arrivé
et puis un autre

et puis c'est la dérive
l'abandon vers le désordre
la folie

d'autres diraient peut-être que c'est la liberté

je ne sais pas ce qu'est la liberté
et il est angoissant d'y penser.


la jaquette de bashung
c'est pour la toune
t'iras lire les paroles.