(Anthologie permanente) Zbyněk Hejda, Toute volupté suivi de Et tout ici est plein de musique

Par Florence Trocmé


Communiqué des Editions fissile :
Après la disparition, le 28 janvier 2021, de Cédric Demangeot, fondateur des éditions fissile, nous continuons la vente des ouvrages. Fissile va perdurer, en hommage au travail acharné de Cédric, dans le respect de ses convictions pour la poésie contemporaine. Défendons-la ensemble, comme il l'a défendue et fait connaître depuis 2001.
Les éditions fissile viennent de publier ce qui fut sans doute un des derniers chantiers éditoriaux de Cédric Demangeot ,un troisième volume de l’œuvre de Zbyněk Hejda, dans la traduction  d’Erika Abrams.
- Abord de la mort, fissile, 2010.
- Séjour au sanatorium, fissile, 2013.
- Toute volupté suivi de Et tout ici est plein de musique, fissile, 2021
QUE CELA SE PRENNE DEPUIS L'INVISIBLE
Que cela se prenne depuis l'invisible
ou de l'autre côté du regard,
jusqu'où porte la vue,
quelqu'un d'un mensonge nous changera
en statue,
interdite de mouvement.
De pierre dressée là, les échos
sonores des ailes d'oiseaux
ne la touchent pas.
Échos des ailes,
sans voix
face à la statue de pierre,
à la statue immobile,
en laquelle quelqu'un d'un mensonge t'aura changée.
Mais toi pourtant,
tu te balances doucement,
prisonnière
de ton immobilité de pierre,
tu fais prendre
doucement à ta figure
un autre semblant,
comme toute
autre femme.
Lentement, inaperçue,
tu te balances
doucement à travers l'univers,
je passe devant
et dans la rue
doucement je me balance,
lentement, inaperçu,
je fais prendre à ma figure de mes autres semblants
et encore au-delà.
Que cela se prenne depuis l'invisible
ou de l'autre côté du regard,
jusqu'où porte la vue,
quelqu'un d'un mensonge m'aura changé
en statue,
interdite de mouvement
(pp. 18-19)
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AVANT LA KERMESSE
Il y a beaucoup de souffrance
cachée derrière la parole
et qui se tait.
Comme une pierre tombale,
jusqu'à tant qu'elle éclate.
Il y a de vieux cimetières,
où on n'enterre plus.
Tu passes à côté des stèles ;
des photos d'enfants
y prennent la pluie.
De l'autre côté du mur quelque part des plaintes
préludent à un nouvel homme.
Une femme traîne
derrière elle des chiens errants.
On est samedi, demain c'est kermesse.
Cris de poules dans les cours.
Traînées de sang sur les seuils.
Aux baraques de tir ça canarde,
à l'auberge le chant gicle
(p.69)
Zbyněk Hejda, Toute volupté suivi de Et tout ici est plein de musique, traduit du tchèque par Erika Abrams, fissile, 2021, 18€