Axel est le fils d’une amie. Je le connais depuis sa naissance, ou presque. Un caractère fort, dès le départ. Une tête aussi, pas toujours simple à structurer. Pour des raisons qui me sont volontairement largement inconnues, il se retrouve depuis quelques mois en institution psychiatrique passant de l’une à l’autre. Pour être soigné ? Pas vraiment.
Confronté à une réalité soi-disant thérapeutique – ce qui n’est en soi déjà pas simple pour lui – Axel a inventé le concept de « psychiatrie du néant ». Et ce n’est pas triste. Ou plutôt, c’est triste ! Voici ce qu’il écrit dans un billet publié sur Facebook et Linkedin. (J’ai juste supprimé certains éléments d’identification qui, à mon niveau, ne présentent pas d’intérêt.)
Après près de six mois passés dans ce que je nomme la #psychiatriedunéant, je vais tenter d’énumérer les caractéristiques qui en font une honte du système de soins de santé à mes yeux. Je précise que je ne vise que le versant « toxicologie » de la psychiatrie et les deux lieux où j’ai résidé (DSM et la CFS). (…) Je tiens aussi à dire que je ne vise en aucun cas les professionnel·e·s souvent charmant·e·s, dévoué·e·s et compétent·e·s croisé·e·s. Ma réflexion est d’ordre systémique et vise l’institution, non les personnes. Dernière précision : entre le désert thérapeutique de DSM et la CFS, il y a un saut qualitatif indéniable, en particulier au niveau des activités proposées. Mais certains éléments sont communs aux deux structures et relèvent des champs médical, psychologique et social. Les voici :
1. Le diagnostic est incertain, variable et très peu expliqué au patient qui ne peut en conséquence être un acteur éclairé de son parcours de soins.
2. Le traitement médicamenteux est également variable et jamais expliqué.
3. Le travail psychothérapeutique est inexistant (DSM) ou sans périodicité définie (CFS).
4. Le travail social (enquête) est inexistant (DSM) ou peu visible et expliqué (CFS). Pour quelqu’un comme moi qui suis néo-SDF, c’est très insécurisant et donc contre-productif en termes de santé mentale.
5. Le psychiatre agit davantage comme censeur des critiques et préfet de discipline que comme médecin. (…)
6. Les « éducateurs » (ah, ce terme infantilisant !) sont exagérément intrusifs concernant l’ordre, l’hygiène et l’emploi du temps mais peu attentifs au bien-être de manière plus générale.
7. Les « référents » prévus par la loi brillent par l’absence de proactivité.
8. Les « médiateurs » également prévus par la loi marchent sur des œufs en raison de leur proximité au sein de l’institution.
9. Quand un événement extérieur survient (…), vous ne bénéficiez d’aucun soutien psychologique ou logistique. On vous laisse désespérément seul alors que la chose a été communiquée à l’équipe.
Mon avis est que l’institution psychiatrique telle que je la vis est particulièrement maltraitante et ne souffre pas la moindre critique légitime et démocratique. Elle préférera toujours la persistance dans l’erreur à l’aveu de la moindre faute dans la pratique ou le jugement. De toute façon, nous ne sommes que des « fous », peut être dangereux, n’est-ce pas ?
Ceci est un texte de nature politique et doit être considéré comme tel. (…)
Je ne suis pas à la place d’Axel et je ne peux donc certifier que ses constats sont corrects et/ou pertinents. Mais il s’exprime en connaissance de cause. C’est du vécu. Pour le suivre dans son expression depuis ces six mois, je peux témoigner que chaque fois qu’une perche lui a été tendue pour sortir de cette psychiatrie du néant, il l’a saisie, s’y est accrochée, y a cru… pour retomber encore un peu plus bas. C’est du vécu, mais ce n’est que son vécu. Certes. Ce n’est qu’un témoignage, forcément subjectif, partial et partiel. Il me semble néanmoins suffisamment structuré et lucide pour interroger les institutions psychiatriques.
Que font-elles vraiment pour aider leurs « clients » à sortir de leur situation difficile ? Trop souvent, ne sont-elles pas seulement des « gardiennes » (pour utiliser ce terme encore malheureusement parfois utilisé pour désigner les institutrices maternelles), juste bonnes à « garder » ?
Une personne qui se retrouve en institution psychiatrique, peu importe la raison, est une personne en souffrance complexe. On peut certes alors tenter de l’endormir et de l’occuper, mais si on ne la considère pas pleinement comme une personne inscrite dans une démarche de vie, même si celle-ci est complexe et peu lisible, et capable de retrouver une autonomie constructive, ne passe-t-on pas complétement à côté des objectifs ? À moins bien sûr qu’on en reste au concept d’« asile ». J’ose espérer – mais seulement espérer – que ce n’est plus le cas.