Du haut du quai
Jeudi 25 mars. 8h35. Gare de Nakayama. Le soleil brille, les oiseaux chantent, les cerisiers sont en fleur. Le quai surplombe une ruelle réservée aux piétons et aux deux-roues. J’observe de mon promontoire, les passants en attendant le train. Une femme, accompagnée de deux petites filles. Une à la main, l’autre dans un sac contre sa poitrine. Je me demande toujours quelle solution sera la meilleure pour emmener mon fils à la crèche. La poussette ou le porte-bébé.
Passe ensuite un homme, âgé, chantonnant, casquette, un sac plastique dans une main, une pince dans l’autre. Il avance tranquillement en ramassant de petits papiers ou mégots, qui traînent dans la rue et sur la butte à côté. Sûrement un bénévole du quartier. Après son passage, je vois qu’il n’a pas ratissé complètement la zone, et que des déchets parsèment encore le paysage. La première chose qui me vient à l’esprit, est que son travail n’est pas vraiment utile, qu’il faudrait quelque chose de plus radical pour venir à bout de ce problème écologique. Du matériel, des employés, des réformes, des lois, des forces de l’ordre, des verbalisations.
Je focalise sur un petit bout d’aluminium accroché dans l’herbe, au pied d’un arbre et m’aperçois soudainement de l’intérêt esthétique de la scène. Le soleil fait scintiller le déchet et rend la verdure plus éclatante. Les quelques mégots éparpillés sur le sol renforcent la profondeur de l’asphalte. Je repense à Stalker et son esthétique nucléaire. Je m’aperçois aussi que moi, sur mon quai, finalement, je ne fais rien. Que le bénévole à raison de travailler comme ça. S’occuper dans la bonne humeur des petits problèmes, visibles et accessibles, plutôt que d’imaginer des moyens de les résoudre tous. Et que, ce qui passe au travers du peigne présente aussi un intérêt, celui de ne pas rendre la rue trop ennuyeuse à regarder.
Rémi Brun