Faites le test ! Demandez à n'importe lequel d'entre eux ce qu'ils pensent de ce film. Et, puisqu'à cette question 98% des jazzmen répondront en grognant " c'est pas du jazz ça " et que vous ne serez donc pas beaucoup plus avancé, voici une brève tentative d'explication.
L'argument principal est celui de la vision du jazz, et plus généralement de la musique, que le film impose au spectateur. La musique, ce n'est pas drôle : c'est de la sueur, des larmes et du sang (on ne parlera pas des mains ensanglantées du personnage principal à chaque fois qu'il travaille son instrument... à moins que ses baguettes soient cloutées ?). Il est évident que la musique nécessite une rigueur, une discipline, mais ce n'est que l'un de ses multiples aspects, et le film le fait passer au premier plan en dépit notamment de l'aspect du plaisir de jouer ! Par exemple, dans aucune des scènes qui se déroulent dans l'école de jazz on ne voit des élèves musiciens discuter entre eux, avoir l'air heureux de pratiquer leurs instruments et de partager leur passion. Les relations qu'ils entretiennent ne sont que des rapports de compétition qui, une fois de plus, existent dans le milieu musical, mais n'en constituent pas du tout l'essence !
À cela s'ajoutent quelques détails irréalistes, de vocabulaire par exemple, qui peuvent agacer les plus pointilleux. Mais le plus frustrant dans tout ça reste sûrement la bande originale du film composée et arrangée par Justin Hurwitz, pianiste dont la formation est surtout classique... et ça s'entend.
Je crois qu'en effet, regarder ce film en tant que musicien de jazz, c'est avant tout frustrant. Frustrant puisqu'on aurait aimé entendre de beaux arrangements de big-band. Frustrant parce que le réalisateur Damien Chazelle avait les moyens et le talent pour faire un film de qualité, ce qu'il a fait à de nombreux niveaux cinématographiques (l'image, la direction d'acteur...) mais pas musicaux. Frustrant parce que pour un film sur le jazz, il parle en réalité de tout sauf de jazz.
La prochaine fois que vous parlerez de Whiplash avec un jazzman, conseillez-lui de revoir le film en ayant conscience que le jazz, le conservatoire, la batterie et la musique ne sont qu'un prétexte pour servir le propos d'un film sur le succès, la compétition, le travail... et les bonnes valeurs américaines seront bien gardées !