Opération Epervier : Affaire Mebe Ngo’o, l’éternel imbroglio !

Publié le 26 mars 2021 par Tonton @supprimez

Accusé de détournement d’une Convention de prêt signée entre la Chine et le Cameroun dans le cadre de l’achat de matériels militaires estimée à 300 millions d’euros, l’ex ministre délégué à la présidence de la République chargé de la Défense est livré à un parquet du Tribunal criminel spécial (Tcs) qui éprouve de sérieuses difficultés à rassembler les preuves pour soutenir l’accusation.

Le dossier qui l’accable pèse une tonne. Pourtant, réunir les preuves de son inculpation et les présenter au juge, s’apparente curieusement à un serpent de mer pour le Parquet. Placé en garde à vue le 5 mars 2019, puis en détention provisoire à la prison de Kondengui le 8 mars 2019, Edgard Alain Mebe Ngo’o a été renvoyé le 26 août 2020 devant le Tribunal par l’ordonnance de renvoi du Juge d’instruction Jean Betea, accompagné de son épouse et de trois autres personnes, pour les chefs d’accusation de :détournement et complicités d’un montant de 20.374.567.085 Fcfa ;violation du code des marchés publics dans la convention avec Polytechnologies ayant causé à l’État le préjudice d’un montant total de 196.800.000.000 Fcfa ; corruption et complicité ; prise d’un intérêt dans un acte ;blanchiment aggravé de capitaux et complicités. Un renvoi qui cache mal tout l’embrouillamini qui entoure cette affaire porté devant les tribunaux compétents voilà bientôt deux ans. Les heures, les semaines et les mois se succèdent, rajoutant des piquants au lancinant suspens non sans attiser les flammes de l’incertitude autour ce tapageux dossier.

Les marchés à problèmes

A preuve, 205 jours plus tard le ministère public à travers le parquet général du Tcs n’arrive toujours pas à fournir les preuves qui soutiennent ces accusations énumérées plus haut. Ayant opté pour la production des documents (en lieu et place des témoins ndlr) pour soutenir l’accusation lors des audiences préalables de procédure, le ministère public délivre, depuis lors, en compte-gouttes, et avec beaucoup de difficultés lesdits documents. Tenez par exemple, lors des audiences des 2 et 3 février derniers, le ministère public a produit un ensemble de marchés spéciaux pour soutenir les accusations de détournement et complicités.

Coup de théâtre, les avocats de la défense font observer que les principaux signataires de ces marchés ne sont pas poursuivis dans la procédure (Secrétaire généraux de la présidence de la République, Directeurs du Budget, Contrôleurs financiers…), pendant que la plupart des personnes poursuivies n’ont posé aucun acte sur aucun des documents reçus par le tribunal.Le 18 février 2021, le même ministère public a produit une centaine de factures de la société « Limousine Prestige Services », sur la période 2009 à 2015, d’un montant de 310.436.274 Fcfa en soutien à l’accusation de prise d’intérêt dans un acte.

Revirement du ministère public

Lors de l’audience du 19 mars 2021, alors qu’il a annoncé la production des documents (physiquement posés sur la table), résultats des commissions rogatoires internationales en Belgique, France et au Maroc comme pièces à conviction de l’accusation, le ministère public va se rétracter et solliciter un renvoi après avoir lu le document venu de Belgique qui n’était rien d’autre que des relevés de deux comptes appartenant à l’accusé Mbangue de montants respectifs de 2000 et 3000 euros, soit 5000 euros (3.280.000 Fcfa).De quoi ouvrir le boulevard à une pluie d’interrogations pour le moins curieuses.

Pourquoi ce revirement du ministère public à reporter à plus tard des documents qu’il a lui-même apporté à l’audience et annoncé ?Comment expliquer que depuis le 2 février 2021 il présente par à-coups des documents qu’il est censé avoir déjà préparé depuis le renvoi des mis en cause devant le tribunal (26 août 2020), et prévus ressortir de l’ordonnance de renvoi?Suffisant pour se demander si, au vu des événements, la sensibilité du ministère de la Défense ou alors la précipitation et la légèreté prises dans cette procédure, ne sont pas en train de rattraper l’accusation.

Il y’a un mois, Mebe Ngo’o était victime d’une « tentative d’assassinat » à la prison centrale de Kondengui. L’ancien ministre des Transports s’en était tiré avec une blessure au niveau de la pomme de sa main droite. Son agresseur qui voulait visiblement intenté à sa vie, avait réussi à couper la chaîne que portait sa victime.

Depuis lors, la fameuse enquête ouverte en vue d’établir les mobiles de ce que beaucoup qualifient de crime commandité, n’a jamais livré de résultats.A ce stade de la procédure où l’affaire risque de couler d’autres hautes personnalités du gouvernement impliquées, on croise les doigts.
Rendez-vous le 29 mars 2021.

Franck ESSOMBA