Quarante-cinq ans après le coup d’État de Videla et consorts [Actu]

Publié le 24 mars 2021 par Jyj9icx6

"Révélation de preuves sur la manière dont les
militaires ont informé les Etats-Unis du putsch de 76",
dit le gros titre
au-dessus de la photo de Mauricio Macri,
qui se plaint que Cristina Kirchner
voudrait le voir en prison
(comme lui voulait la mettre sous les barreaux, ils sont quitte)
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Aujourd’hui, tous les journaux argentins font mémoire de la terrible dictature qui de 1976 à 1983 a massacré plusieurs milliers d’Argentins sur le sol national. Le chiffre officiel, parfois contesté, est de 30 000 disparus et un demi-millier d’enfants en bas âge arrachés à leurs parents, opposants, démocratiques ou non, au régime. Un État qui avait ratifié la déclaration universelle des droits de l’homme et pris place à l’ONU dès sa fondation cessa de fonctionner selon les principes de l’État de droit, liquidant ses opposants sans leur offrir l’ombre d’un procès.

L’année dernière, le 24 mars est tombé immédiatement après le confinement et le thème a été presque oublié par la presse de droite qui a laissé Página/12 presque seul sur le sujet.

Cette année, il est assez frappant de constater que tous les quotidiens consacrent de nombreux articles à ce triste anniversaire, comme si la nécessité de cette commémoration faisait enfin consensus. Ce n’était pas vrai les années antérieures où Página/12 était seul à développer cette actualité quand les trois autres journaux se contentaient d’un seul article, voire d’un entrefilet. Il est vrai qu’une partie des archives états-uniennes concernant les événements de 1976 viennent d’être déclassifiées et qu’on y découvre la part que les États-Unis ont pris à la préparation et à l’encouragement du coup d’État en sachant parfaitement que le régime qu’il allait instaurer commettrait des crimes à très grande échelle. Ce matin, Clarín met l’info en titre principal de sa une et publie un long article sur ces révélations, tandis que La Nación propose un récit analytique et étonnamment objectif de ce qu’il s’est passé les 23 et 24 mars 1976 : l’article, développé et illustré de photos d’époque, évoque la violence qui régnait alors dans la vie politique et la société argentine et la naïveté de tous les acteurs, dont pas un n’avait vu venir l’atroce répression qui allait s’abattre sur le pays pendant sept longues années. Página/12 propose un supplément gratuit qui fait le point sur ces 45 ans de lutte pour rétablir puis renforcer la démocratie dans le pays.

Pourtant ce consensus reste encore imparfait : La Prensa a choisi d’adopter un ton délibérément insultant avec un éditorial et un billet d’opinion haineux pour dénoncer l’un le « mensonge du 24 mars » et l’autre « l’hypocrisie du 24 M ». Leurs auteurs font mine de croire que l’on fait mémoire aujourd’hui du viol de la démocratie constitutionnelle par un putsch dont personne n’aurait voulu (selon les gauchistes « léninistes » qui auraient imposé au monde entier, et en particulier à nous, en Europe, leur version des événements). Mais le mensonge, c’est sous leur plume qu’on le trouve : aujourd’hui, personne ne se souvient d’un coup d’État. Ce sont des victimes du terrorisme d’État auquel ce putsch a ouvert la voie que l’on se souvient. Cette dernière expression (terrorisme d’État) a été adoptée par la justice argentine (que les auteurs accusent d’être noyautée par la gauche) et que ce journal de la droite catholique réactionnaire (1) vomit sous prétexte que c’est les disparus qui auraient été des terroristes. Or parmi les 30 000 disparus, il y a eu en effet des terroristes mais 1) tous n’en étaient pas, loin de là et 2) dans un État de droit, les terroristes, quelque crime qu’ils aient commis, on les arrête et on les traduit en justice en respectant le droit de la défense. Or c’est précisément ce que ces dictatures militaires sud-américaines des années 70 ont voulu ne pas faire : sous prétexte de lutter contre la subversion, elles ont massacré, délibérément, systématiquement et avec préméditation, leur propre population sur leur propre territoire.

Pourquoi La Prensa prend-elle encore la défense de ce régime infâme si longtemps après sa fin ? Tout simplement pour contester une nouvelle fois le bien-fondé des procès relancés à partir de 2003 contre les bourreaux et défendre la « loi de l’obéissance due » qui permettait, sous Carlos Menem, de disculper les officiers de l’armée et de la police qui avaient pratiqué la torture et volé des enfants alors que les engagements internationaux du pays interdisent d’obéir à des ordres illégitimes. Et non seulement les engagements internationaux de la seconde partie du 20e siècle mais tout simplement l’esprit du père de la Patrie, le général José de San Martín (1778-1850), qui s’est opposé au pouvoir militaire dès lors que l’indépendance était acquise et a clairement théorisé son refus en 1828 lorsque, en pleine reprise de la guerre civile, le gouvernement de Buenos Aires lui a proposé d’assumer le pouvoir pour rétablir l’ordre en décimant l’autre camp…

L'enfant bleu de Miguel Rep plante son arbre du souvenir dans Página/12
l'opération 2021 pour un jour de la Mémoire en format covid
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© Denise Anne Clavilier www.barrio-de-tango.blogspot.com

Pour aller plus loin :

lire l’article principal de Página/12
lire l’article de Página/12 sur les archives déclassifiées
lire l’article de Página/12 sur l’utilisation par la droite favorable à la dictature du nom des disparus pour créer des trolls sur les réseaux sociauxlire le supplément spécial de Página/12lire l’éditorial de La Prensalire le billet d’opinion de La Prensa
lire l’interview de la directrice du Parc de la Mémoire aménagé sur les bords du Río de la Plata donnée à Clarín
lire l’article de Clarín sur les archives déclassifiéeslire l’article de La Nación sur les événements de mars 1976lire l’article de La Nación sur les archives argentines sur le coup d’Étatlire l’article de La Nación sur la formation donnée aux élèves officiers argentins depuis 2011, une formation conçue par l’actuelle ministre de la Sécurité (en Europe, on parlerait de ministre de l’Intérieur).

(1) En Argentine, il existe un catholicisme engagé dans des démarches politiquement progressistes. Un catholicisme auquel bien souvent les éditorialistes de La Prensa dénient l’orthodoxie.