16ème rencontre des Vendredis Du Vin dont le thème semble a priori étranger aux œnophiles : les vins de table. Comme un train peut en cacher un autre, derrière les vins de tables on peut découvrir d’autres vins de table. Bas de gamme absolu, parfois résultat d’un mélange de vins issus de plusieurs régions ou de plusieurs pays, vendu tantôt en bouteille étoilée, en cubi, en double-litre plastique voire en brique, le vin de table est effectivement ce tord-boyaux à 12 degrés dont la vue dans un linéaire de supermarché déclenche un irrépressible rictus de dégoût.
Mais il n’est pas que cela, puisque cette catégorie accueille également bon nombre de cuvées qui ne trouvent pas leur place dans les AOC ou les vins de pays. Sans entrer ici dans les détails, on peut noter que cela se produit essentiellement dans deux cas de figure. Soit les cépages et/ou les procédés de vinification sont innovants par rapport aux standards de l’appellation, et le vigneron choisit de « passer » son vin en VDT pour les marges de liberté que cela lui donne. Soit au contraire, ils sont tellement traditionnels qu’ils datent d’avant la codification de l’appellation. Le vigneron subit alors, plus qu’il n’en tire partie, le « déclassement » dont son vin peut être frappé par une commission d’agrément, à l’image par exemple de la récente mésaventure de Marcel Richaud.
Ces vins sont donc plutôt des produits pour amateurs initiés, et on ne les trouve guère dans d’autres circuits que chez de bons cavistes. D’une part, leur prix est sans commune mesure avec ceux d’un VDT « classique », même s’il existe de belles bouteilles dès 5 euros. Et d’autre part, comme il s’agit de vins souvent atypiques, ils peuvent ne pas plaire spontanément, ce qui n’est par contre pas le cas de ce VDT du Château de Suronde, qui a toujours su séduire mes convives.
Dense, légèrement trouble, la robe flirte avec l’or et l’ambre, matières
nobles. Les fruits caramélisés dominent le nez : pomme tatin et poire essentiellement, avec une pointe de réglisse. La bouche est à l’avenant, avec de la matière, de la structure, du gras,
et une belle longueur. Francis Poirel, ancien marin, réputé pour son quart-de-chaume, cultive une petite vigne de sauvignon dont est issu de VDT non millésimé. Pour l’anecdote, mon caviste me l’a
vendu (18,45 €) pour du 1999 et le bouchon arborait fièrement le chiffre 2000 sur ses faces. Qu’à cela ne tienne, je l’ai accompagné d’un trio de pannequets fromages-fruits (camembert &
pommes, roquefort & poires, chèvre frais & figues) sur une petite salade d’herbes. Une belle harmonie de saveurs autour d’un vin dont j’ai entendu dire que Francis Poirel arrêterait,
hélas, la production.