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Ce que je dois à Nawal El Saadawi

Par Ishtar @nadjaproduction
Ce que je dois à Nawal El Saadawi
J’ai lu Nawal El Saadawi à 18 ans. Je découvrais l’amour en même temps que je découvrais la misère du Caire. De quoi ne pas donner envie de vivre. La guerre du Liban nous avait forcés à déménager au Caire où mon grand-père avait pu nous recevoir en attendant la fin de la guerre civile. Nous y étions restés deux ans de 1975 à 1977. De 1977 à 1978 nous étions retournés à Beyrouth, le temps d’une accalmie, puis à nouveau retour au Caire de 1978 à 1979. Ces multiples déménagements m’épuisaient moralement et m’empêchaient de prendre racines amicales dans chaque pays. C’est dans ce contexte instable que je m'éveillais à la situation injuste réservée aux femmes et aux limites de leurs libertés. Il fallait les surprotéger des prédateurs masculins. Nawal El Saadawi vient de nous quitter à l’âge de 90 ans. Médecin, psychiatre, écrivaine, elle analysait la société des femmes en Égypte et leurs conditions d’opprimées. Mutilations sexuelles des petites filles, tabou de la virginité, crimes d'honneur contre les femmes, elle s’intéressait aux femmes du milieu rural, dénonçait leur domination par le système patriarcal. 

Ce que je dois à Nawal El Saadawi

Femme au degré zéro, 1975 


 « Il est nécessaire de comprendre que la lutte la plus importante à laquelle sont confrontées les femmes dans les pays arabo-musulmans n'est pas celle de la «libre pensée» versus «la croyance en la religion», ni des «droits féministes (comme parfois on le pense en Occident) contre le« chauvinisme masculin. », il ne vise pas non plus certains des aspects superficiels de la modernisation caractéristiques du monde développé et de la société aisée. Dans son essence, la lutte qui se déroule actuellement vise à faire en sorte que les peuples arabes prennent la possession de leur potentiel économique et de leurs ressources, ainsi que de leur patrimoine scientifique et culturel afin qu'ils puissent développer au maximum tout ce qu'ils ont et de se débarrasser une fois et pour toutes du contrôle et de la domination exercés par les intérêts capitalistes étrangers. Ils cherchent à construire une société libre avec des droits égaux pour tous et à abolir les injustices et l'oppression des systèmes basés sur les privilèges de classe et patriarcaux. » 
Préface à la traduction anglaise (traduction de Sherif Hetata) de La face cachée d’Ève. Publié une première fois en arabe en 1977. 
 Je prenais ma caméra super 8 et filmais des scènes de rues dans les quartiers populaires du Caire ou bien dans le village de Kirdasa, où des tisserandes toutes jeunes fabriquaient des tapis devenus célèbres par leur style. Ces petits films je ne les trouve plus que dans mon souvenir.                  
Ce que je dois à Nawal El Saadawi
Ce que je dois à Nawal El Saadawi

 Alors que j’écrivais ces mots je suis allée chercher ces dits films et, oh, surprise je retrouve une boite dans laquelle la pellicule super-8 est conservée. Reste à faire un transfert pour découvrir les images manquantes à ma mémoire. 

L’existence de Nawal El Saadawi me confortait et me fortifiait dans ma révolte. Ses livres étaient autant de preuves que, oui, il est important d’être féministe dans les pays arabes, qu’ils soient musulmans ou chrétiens. Les filles n’étaient pas les égales de leurs frères et n’avaient pas les mêmes droits. Ce qu’elle m’a appris : ne pas renoncer au combat. Écrire, comme filmer, est aussi un combat. 

Ce que je dois à Nawal El Saadawi

La Face cachée d’Ève, 1977

 « Je continuerai à écrire. J'écrirai même s'ils m'enterrent, j'écrirai sur les murs s'ils me confisquent crayons et papiers; j'écrirai par terre, sur le soleil et sur la lune... L'impossible ne fait pas partie de ma vie. » Nawal El Saadawi (1931- 2021)

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