Carl Seelig a rencontré Robert Walser en 1936. Il était interné depuis trois ans à la Maison de santé cantonale de Herisau en Appenzell. Le poète biennois avait, depuis son internement, interrompu sa carrière littéraire, mais il avait correspondu avec Carl Seelig avant de le rencontrer.
Le livre comporte quarante-cinq promenades, qui, à l'exception de la dernière, ont été effectuées ensemble par Carl Seelig et Robert Walser. Ils se retrouvaient soit à la Maison de santé de Herisau, soit à la gare. De là, soit ils allaient tout de suite à pied, soit ils prenaient le train auparavant.
Ces promenades dominicales étaient l'occasion pour eux de marcher longuement à travers champs, sur des sentiers forestiers, sur des routes: Robert Walser était le roi des promeneurs et un vrai vagabond de génie, comme le dit Katharina Kerr, citée dans la postface de ce texte illustré.
En effet des photos de Robert Walser par Carl Seelig sont reproduites dans ce volume. Il y apparaît en costumes trois pièces, le plus souvent avec un chapeau sur la tête et un parapluie à la main, jamais revêtu d'un pardessus en hiver, la cravate légèrement desserrée en-dessous du col.
Au cours de ces longues promenades, ils s'arrêtent dans des auberges ou des buffets de gare pour les dix-heures et les déjeuners, se régalent de bonnes choses à boire et à manger. N'est-ce pas nécessaire quand il s'agit de parcourir à pied autant de kilomètres (marcher est plus sain que rouler)?
Walser est tantôt taiseux tantôt volubile avec son unique ami et tuteur (depuis 1944). Ils abordent de nombreux sujets: la littérature, les évolutions politiques, etc. - la première promenade date du 26 juillet 1936, la dernière de Noël 1956. Walser n'aime toutefois pas que Seelig vante ses écrits...
Il sait que pour devenir un homme, il faut souffrir, être méconnu, lutter. Il n'écrit plus, parce qu'il ne peut plus s'y consacrer tout entier, remplissant des tâches humbles à la Maison de santé: pour moi, c'est une certitude, les affaires des écrivains ne peuvent s'épanouir qu'en liberté.
Cependant si la dépendance a quelque chose de sympathique, l'indépendance suscite l'hostilité. Il ne faut pas en être contrarié: Les poètes devraient avoir pour principe de penser et d'agir avec noblesse, et de tendre vers le haut. Lui, en tout cas, aime le monde avec ses vertus et ses vices...
Francis Richard
Promenades avec Robert Walser, Carl Seelig, 224 pages, Zoé (traduit de l'allemand en français par Marion Graf à partir de l'édition de 1957, reprise en 2021 par Suhrkamp)
Livre de Robert Walser chez le même éditeur:
Ce que je peux dire de mieux sur la musique (édition en français de 2019)