Backlash

Publié le 23 mars 2021 par Juval @valerieCG

Ils sont stupéfaits. Ils ouvrent leur grands yeux d’enfants innocents, entre eux, partout, pour s’étonner qu’on ne puisse plus bien rigoler comme ils disent.
On les connait, on les a subis, ceux qui regardent leurs potes, qu’ils aient 12, 17, 25 ou 50 ans et se jettent sur vous, vous embrassant de force.
Le pire est que vous n’êtes même pas assez importante pour que votre consentement compte ou pas. Ils regardent leurs potes en vous embrassent, en vous tripotant, en vous agressant parce que vous ne valez pas mieux qu’un objet transitionnel entre mecs, pour passer un bon moment entre mecs, pour rigoler entre mecs.
On ne peut plus rigoler disent-ils. C’est vrai qu’on a rigolé. J’ai rigolé des agressions subies « haha il est trop con Sébastien », la gerbe à la bouche.
Une femme ne gagne jamais. Elle est furieuse ? C’est une connasse coincée. Elle rit ? C’est une salope.
Depuis le plus jeune âge, on vous explique que les garçons sont comme ça. C’est bête les garçons, ca agresse, ca tape, ca embrasse, ca palpe, ca insère sa bite de force mais c’est comme ca, ils nous aiment bien tu sais.
Et puis tu vas pas tout gâcher.
Et puis les agressions se multiplient, les moins graves sont toujours devant tout le monde. Avec tout le monde qui rit ; les mec parce que c’est drôle, les filles parce qu’elles y échappent. T’as déjà été vécu un moment compliqué et tu voudrais en plus « gâcher l’ambiance » ?
Ton agresseur compte plus que toi à peu près partout. On ne l’aime pas malgré le fait qu’il soit lourd avec les femmes comme on dit mais parce qu’il l’est. Parce que c’est fameusement drôle de voir toutes ces femmes hyper gênées, qui feignent d’avoir trouvé ca marrant alors qu’on sait bien qu’on les a ridiculisées. C’est ca la magie d’une agression sexuelle ; ridiculiser la victime. Elle chiale ; elle en fait trop. Elle rit ; ca prouve bien que ca n’était pas une agression. Circulez il n’y a rien à voir.

Et puis là d’un coup on ne pourrait plus agresser. Rectifions. On ne pourrait plus nier avoir agressé. Alors on assume, on flamboie, on évoque la tradition, le bon vieux temps, les soirées entre potes, tous les mecs sont renvoyés à une connivence de fait puisqu’ils ont a minima observé, rigolards ou gênés sans réagir.
Ils sont gênés. Ils ne comprennent pas. Ils ne comprennent vraiment pas. On a toujours fait ça disent ils. On rigolait bien. Leur « on » n’inclut jamais que les mecs. Les femmes ne comptent pas, à peu près autant qu’un ballon de foot ; on tape dedans mais on ne va pas demander s’il aime ça.

Les journalistes ne cessent de me demander « alors c’est bien ca a changé depuis #metoo ». Oui ca a changé puisqu’on a un homme accusé de deux viols au ministère de l’intérieur.
Ca a changé puisqu’on démissionne pour du homard mais pas pour un viol.
Ca a changé puisque désormais des hommes peuvent assumer avoir agressé en plein plateau télé et se plaindre de ne plus pouvoir le faire.
Ca a changé puisqu’on en appelle à la connivence virile pour être soutenu.

Ils sont stupéfaits. Comment mais le féminisme incluait aussi le fait de ne plus rigoler ? C’est leur nouveau terme ça. Une bonne rigolade is the new agression sexuelle. On convoque les victimes sur les plateaux ? Non mais vous vous en foutiez à l’époque leur demande t on, donc pourquoi ce drame.
Mais mes braves garçons, heureusement qu’on a mis en place de stratégies mentales pour ne pas être traumatisées à chacune de vos bouches/mains/pénis sinon on serait toutes dans le trou. Heureusement qu’on a relativisé, mis notre mouchoir par-dessus ; ca nous a protégées. Et pas que du traumatisme, on a évité de perdre nos carrières, notre vie, nos amis, notre réputation.
On n’a pas rien dit parce qu’on trouvait ca drôle ou qu’on vous appréciait mais qu’on s’appréciait suffisamment assez pour savoir qu’on allait davantage y perdre.

On en pointe un du doigt, il s'en cache 5000.

C’est qu’on en met en place des stratégies de survie ; j’exagère, il est sympa, les autres l’aiment bien, il est mon mari, je vais gêner ma famille, et les enfants alors, et puis c’est que de l’humour, je prends tout mal aussi, c’est mon supérieur, tout le monde l’apprécie, je ne suis rien, c’est juste une bouche, un doigt, une bite, t’en as connu d’autre, Darmanin à l’intérieur à quoi bon.

Backlash partout.

Partager