Mâlinî Vârrtika 24a-28a : Unité et dualité sont une même Conscience

Publié le 23 mars 2021 par Anargala

 La Conscience universelle est, en moi, le "je suis", vibration du cœur qui se dévoile à nu entre deux pensées.

Elle est la Source, car tout vient d'elle, comme l'arbre préexiste dans sa graine. Les bavardages, les émotions, les mots grands et petits, tous sont les branches et les mille feuilles de ce banyan immense.

Dans le Mâlinî Vârttika, quelqu'un demande :

nanu cedṛśi viśvātmabhūte saṃkocavarjanāt ||24 ||

vikalpakalpanāmūlāḥ kathaṃ śāstrādisaṃpadaḥ |

"Mais si la Conscience est l'essence de toutes choses,

alors d'où vient la riche abondance des enseignements,

sachant qu'ils s'appuient sur l'activité de la pensée,

et qu'en l'absence de contraction dans la Conscience, 

il ne peut y avoir de pensée dans la Conscience ?"

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Si "tout est conscience" infinie, alors d'où viennent les tantras ? d'où viennent les enseignements tantriques et autres ? Car en effet, ils présupposent la pensée, la dichotomie, l'analyse, la discrimination, la différence. Or, ces différences sont des "contractions", des restrictions, des limitations pour la Conscience. Mais la Conscience est dépourvue de ces "contractions". Dès lors, d'où viennent tous ces enseignements ? D'où viennent les tantras qui enseignent l'unité, alors que le fait même d'enseigner implique la différence ? 

Autrement dit, comment les différences peuvent-elles venir de l'unité de la Conscience ?

Abhinava Goupta répond :

ucyate sarva evāyaṃ bodhaḥ saṃvitprabhāmayaḥ ||25||

prakāśarūpatāyogāccidāmarśaghanātmakaḥ |

tatrāmarśasvabhāvo'yaṃ yaḥ prakāśaḥ prakāśate ||26 ||

sa eva kinna śāstraughaḥ kimanyairyuktiḍambaraiḥ |

paravāgdevatāviddhastatrāsau kevalaṃ bhavet ||27||

na tu laukikamāyīyavarṇapuñjavicitritaḥ |

"Nous disons que toute cette intelligence 

manifestée dans ces enseignements

est le débordement de la gloire de la Conscience !

Tout cela est une seule réalisation de la Conscience,

car la Conscience est inséparable de sa manifestation.

Dès lors c'est la Conscience, qui a pour nature de se réaliser,

qui est aussi cette Lumière qui se manifeste.

N'est-ce pas justement cela, le flot des enseignements ?

A quoi bon d'autres raisonnements,

inutiles pour saisir cette évidence ?

Ce flot ne s'épanche que parce qu'il 

est infusé par la divinité suprême, la Parole :

il n'est pas une simple accumulation de mots

comme les langues conventionnelles de ce monde !"

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La Conscience se manifeste, c'est dans sa nature, car elle est "lumière" (prakâsha). Mais elle est lumière qui se réalise (vimarsha) ainsi, qui prend ainsi conscience d'elle-même, à travers les pensées, les perceptions, les désirs, les actions, et aussi à travers l'enseignements du Tantra. La Conscience est à la fois être et conscience de soi. L'absolu se réalise, s'éprouve, se "conscientise", si l'on veut employer ce terme malsonnant ; il se pense, se connaît, se sent. Et le Tantra est la fine fleur de cette pensée. Le Tantra est la conscience que l'absolu a de soi. Et cette conscience se manifeste en chacun et en tout, mais plus clairement et plus complètement dans le Tantra. 

Et cette réalisation est intuitive. Elle n'est pas simplement faite de mots. Elle est la Parole suprême, car la Conscience est Parole, Verbe efficace qui, en se réalisant, "dit" les choses et qui, en les disant, les manifeste. 

Et il en va ainsi à caque instant, en cet instant même, en lisant ces lignes : tel est le flot de l'inépuisable richesse de la Conscience, du "je suis" parfait, profusion d'enseignements et de lumières qui ne font qu'un avec la chair de la Lumière divine.

A quoi bon d'autres arguments ? L'expérience, ici et maintenant, nous prouve assez que la conscience est à la fois une et multiple. Identité et différence sont compatibles. Tout est ainsi. 

Alors je plonge dans le "je suis", je me laisse envahir par cette réalisation sans mots, corps, âme, esprit, inconscient, et jusqu'à l'absence de tout cela. Tout s'immerge dans ce frémissement fontal, depuis la racine jusqu'à la pointe, depuis les orteils jusqu'au sommet du crâne, et au-delà, à l'infini, dans une expansion pulsante et perpétuelle.