Un Ballon rempli... de vide.
Je vous propose un point de vue nouveau sur une idée qui a, en fait, plusieurs siècles : le ballon à vide.
Image du 17e siècle. Le concept a bien
évolué depuis...
De quoi s'agit-il ?
C'est un ballon, constitué (au moins en partie) d'une coque
rigide, généralement sphérique (mais ce n'est pas
obligatoire), et rempli, non pas d'un gaz comme l'hydrogène ou
l'hélium, mais tout simplement de vide. Avec un argument de
poids : le vide ne pèse... rien. Autre argument en faveur du
ballon à vide : contrairement aux ballons classiques (à
gaz), dont l'enveloppe très fine et légère
laisse, à la longue, le gaz s'échapper, un ballon
à vide pourrait se maintenir indéfiniment dans les airs
!
Les utilisations pratiques de tels ballons "inusables", planant
à une quinzaine de kilomètres d'altitude (donc bien au
dessus des avions) seraient énormes. Imaginez des centaines de
milliers de tels ballons : ils pourraient servir de relais de
télécommunication, fournir l'internet dans les zones
blanches, remplacer des satellites très coûteux, servir
de moyen de transport lents mais économiques et
écologiques, d'observatoires astronomiques, etc.
Admettons que cela soit possible. Ce ballon peut-il flotter dans l'air
? Tout corps plongé dans l'air, nous dirait Archimède,
reçoit une poussée de bas en haut égale au poids
du volume d'air déplacé :
Or,la masse volumique de l'air (sa densité) au niveau du sol et
à une température de 15°C est de d= 1,295 kg par m3.
Cela signifie que, si notre ballon rempli de vide possède un
volume de 1 m3 (par exemple si c'est une sphère de 1,24m de
diamètre), il flottera dans l'air si sa masse est
inférieure à 1,295 kg. Ou encore, que si son
diamètre est de 1m, donc son volume de 0,52 m3, il flottera si
sa masse maxi est de 678 grammes.
MAIS...
On sait que la pression atmosphérique au niveau de la mer est,
en moyenne, de 1,013 bar, ou encore 1013 hectopascals (hPa,
l'unité des météorologues). Comme ça
ne vous parle peut-être pas, c'est presque la même
pression que celle que vous ressentez quand vous nagez sous l'eau par
10 mètres de fond : environ 1 kilo par centimètre carré, ou encore 10 tonnes par mètre carré ! Dans l'air, vous ne ressentez pas cette
énorme pression, parce que votre corps est rempli de cellules
qui sont exactement à la même pression (et du coup, elles
ne s'écrasent pas, elles non plus).
Mais bon. Cette pression atmosphérique correspond à une
force de 101325 Newton par mètre carré, soit plus de 10
tonnes (Oui, je sais, normalement on ne peut pas exprimer une force en
tonnes, mais on va faire comme si). Et comme la surface de notre
ballon de 1m de diamètre fait 3,14 m2, il va subir une pression
totale de 32 tonnes !
Imaginons que la coque de notre ballon à vide de 1 m de
diamètre soit en aluminium, et qu'il soit constitué
d'une coque sphérique d'épaisseur constante, contenant
donc du vide. Comme il doit peser moins de 678 grammes, et que la
densité de l'aluminium est 2,73, (donc 2730 kg/m3), quelle est
l'épaisseur maxi de sa coque ? J'ai fait le calcul : 0,07
millimètres ! A peu près l'épaisseur d'une
feuille d'aluminium ménager.
Pensez-vous qu'une coque sphérique de 1m de diamètre
(donc 0,52 m3 de volume), faite en aluminium de moins d'un
dixième de millimètre d'épaisseur, puisse
supporter une pression totale de 32 tonnes ? Bien sûr que non :
Dès que l'on commencera à faire le vide dedans, le
ballon imposera sous l'énorme pression de l'air environnant.
L'application suivante vous permet, pour un diamètre
donné du ballon, de calculer sa masse maximale, la pression
totale qu'il subit, et l'épaisseur maximale de sa coque si elle
était en aluminium :
1100 1m
volume :0.52 m3
surface (m2) :3.14 m2
Masse maximale (kg) :0.67 kg
Epaisseur de la coque :0.07 mm
Pression totale subie 32.24 Tonnes èà°
Hum, Hum ! Il est évident que cette formidable pression fera exploser le ballon à vide.
Donc, le ballon à vide semble impossible ?
Mais attendez une minute : qui a dit que la forme idéale du
ballon était celle d'une sphère creuse ? Et qui a dit
qu'il devait faire 1m de diamètre ?
La "portance" du ballon est proportionnelle à son volume. Or le
volume d'une sphère augmente comme le cube du rayon, alors que
sa surface augmente, elle, comme le carré du rayon.
Voyons grand, et prenons une sphère de 100 mètres de
diamètre, donc un rayon r de 50m. Son volume sera 4/3 x pi x
r^3, soit 523598 m3. Sa portance sera égale à ce volume
multiplié par la densité de l'air, soit m = 678059 kg,
ou 678 tonnes. C'est le poids maxi de la structure du ballon.
Ça commence à devenir du sérieux ! La surface du
ballon, toujours supposé sphérique, sera S = 4 x pi x
r^2 = 31415 m2.
Si notre ballon est une sphère creuse d'aluminium, son
épaisseur sera m/(S x 2730), soit un peu moins de 8
millimètres. OK, cette immense sphère devra supporter
une pression totale de plus de 324 000 tonnes. Mais cela ne
représente encore une fois que 10 tonnes par m2. Alors, avec
une coque alu de 8 millimètres d'épaisseur, jouable, ou
pas ?
Hum, hum ! Pas sûr. Pas sûr du tout.
Une minute : Nous avons supposé que notre ballon était
au niveau du sol, où la pression atmosphérique est
très grande. Mais cette pression diminue très vite avec
l'altitude. OK, la densité de l'air diminue aussi avec
l'altitude, mais moins vite que la pression. Donc... Il faut voir.
En altitude
L'application suivante permet de calculer les nouveaux paramètres de notre ballon à vide en fonction de l'altitude : en prime, elle vous donne la pression athmospérique et la densité de l'air en fonction de l'altitude !Diamètre du ballon:
1100 1m
Altitude :
020000 1000m
volume :0.52 m3
Surface (m2) :3.14 m2
Pression athmo : 1013 hPa (soit 10.1 kg/cm2)
Densité de l'air: 1.22 kg/m3
Masse maximale du ballon (kg) :0.67 kg
Epaisseur de la coque :0.07 mm
Pression totale subie 32.24 Tonnes è
On constate que, au niveau de la mer (altitude =0) on retrouve les mêmes résultats que précédemment. Mais quand l'altitude augmente, deux phénomènes contradictoires jouent : la densité de l'air diminue, donc la "portance" de notre ballon aussi, et sa masse maximale également, donc aussi l'épaisseur maximale de la coque en aluminium... Vers 18500 mètres, elle n'est plus que le dixième de ce qu'elle serait au niveau du sol.
Mais la pression atmosphérique diminue également, et à la même altitude elle n'est plus que de 58 hPa, soit le 1/17e de la pression au sol. On gagne donc un facteur 1,7 sur l'épaisseur relative de la coque par rapport à la pression qu'elle subit.
C'est bien, mais ça ne suffit pas, et de loin.
Mais d'autres pistes sont possibles
Notre sphère creuse est supposée résister à la pression en travaillant uniquement en compression : chaque petite portion de cette sphère résiste à l'énorme pression extérieure en appuyant avec une force encore plus énorme sur les portions voisines. C'est peut-être une fausse bonne solution. Alors, quelles sont les bonnes solutions ? Ce n'est pas si facile :L'idée ci-dessous, d'une double coque remplie d'air comprimé à une pression de 2 bars, est stupide, parce que la coque intérieure doit subir le double de la pression totale. En revanche, si la pression au milieu de la double coque était la moitié de la pression atmosphérique, chaque coque ne subirait que la moitié de cette pression.
Et bien sûr, on peut envisager plusieurs de ces coques disposées en oignions autour d'une grande sphère dans laquelle on a fait le vide. Le problème, c'est que l'ensemble doit rester plus léger que l'air...
Mais il se peut pourtant qu'une structure formée de petites cellules creuses, ou de petites "bulles", soit tout autant, voire plus résistante qu'une sphère monocoque de même masse.
Simplifions un peu le problème
Essayons de résoudre un problème similaire en 2D et non
plus en 3D :
Imaginons que nous devions construire un pont de 100m de long en forme
d'arc de cercle très plat, avec un sommet disons à 10m
plus haut que les bases, devant permettre à des charges lourdes
de traverser le pont, mais dont le tablier aura une épaisseur
minimale pour minimiser la quantité de matière
nécessaire. Le pont travaille en compression, chaque section de
1m de long appuyant avec une force énorme (bien
supérieure au poids que le pont doit supporter) sur les
sections voisines. Est-ce vraiment optimal ?
Une solution alternative consiste à faire un arc dont le
tablier serait très fin, mais renforcé par des
câbles, en dessous, qui relient chaque portion de l'arc aux
portions voisines et travaillent en tension, en réduisant donc
la pression sur les sections voisines. On peut imaginer tout un
réseau de câbles sous le pont, dont le rôle sera de
réduire la pression sur le tablier. En somme, c'est un peu un
pont suspendu à l'envers, avec des câbles presque
horizontaux au lieu d'être verticaux. Le tablier peut alors
être plus fin et donc moins lourd, ou plus résistant
à la charge.
Et si, au lieu d'une structure globalement sphérique, on imaginait un très grand dodécaèdre, lui même rempli à l'intérieur de milliers de petits tétraèdres aux parois très fines ?
(plus fines que ça quand même ;-)
On peut même imaginer une nanostucture
constitué d'une sorte de mousse alvéolaire très
légère, comme un aérogel de silice : L'aérogel est le matériau le plus léger du monde. Il est constitué à 90% d'air ! Mais des études récentes ont montré que des aérogels pleins... de vide pouvaient aussi être fabriqués.
Ou mieux encore ? Une équipe internationale de scientifiques a mis au point une technique permettant d'imprimer en 3D de l'aérogel de graphème, couronné matériau le plus léger du monde en 2013. Il est sept fois et demi plus léger que l'air : un mètre cube de cet aérogel ne pèserait que 160 grammes !
Bien sûr, pour l'instant ce sont des matériaux qui sont
créés en très petites quantité, en
laboratoire, mais je crois sincèrement que dans un avenir pas
si lointain, nous arriverons à créer des ballons
à vide.
Et alors le monde pourrait être très différent...
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