Cameroun : Parlement, le cimetière de l’esprit du vote

Publié le 23 mars 2021 par Tonton @supprimez

L’élection des bureaux des deux chambres et des différentes commissions ont mis en évidence la dictature de la discipline du parti pour annihiler toute liberté aux élus de se présenter ou de choisir les différents responsables.

Dans les deux chambres du parlement, le vote est une affaire des partis politiques et non des élus. C’est la discipline du parti qui fait loi. Ce qui pose un sérieux problème parce que l’élu, par exemple le député, est un élu de la Nation avant toutes considérions partisanes ou d’appartenance. Ainsi avant le vote proprement dit dans les deux chambres, le Rdpc puisqu’il est le maître de jeu dans les deux chambres, a pris le temps en amont de donner des consignes à ses élus. C’est de bonne guerre pour la sauvegarde des intérêts du parti, cela se comprend mais quel séreux coup porté à la liberté de vote qui donne un coup de respiration bienfaisante à nos institutions. Au sein du parlement actuellement, c’est la discipline du parti et partant sa hiérarchie, qui a déterminé qui sera candidat à tel ou tel autre poste. Il est de ce fait interdit aux autres députés ou sénateurs, une fois le choix de la hiérarchie du parti opéré, d’opposer une quelconque réticence. On comprend donc qu’une fois que le parlementaire s’est battu à se faire élire, il lui est ôté son droit d’éligibilité sans aucune explication.

A côté de ceci, au moment de la mise en musique de tout ce qui s’est décidé en back office du parti, les candidats investis ne daignent même pas expliquer en plénière à leurs collègues « leur profession de foi », chemin par lequel il pourrait convaincre même les parlementaires issus des rangs de l’opposition de le voter. Et surtout qu’à ce niveau, à la nature du rapport de force ambiant, c’est uniquement le Rdpc qui investit des candidats à la présidence des chambres et dans les Commissions générales et laisse de ce fait un strapontin ici et là aux autres partis politiques. On n’a pas au cours du vote en plénière écouté un seul candidat s’exprimer sur ce qu’il compte faire étant au perchoir ou à la tête d’une commission ou d’un quelconque poste électif. Les élections au sein de l’Assemblée nationale ou au Sénat sont, comme on le voit, une affaire de parti, une affaire du parti dominant précisément qui tient et dirige le parlement. Or le président du Rdpc est le président de l’Exécutif, le chef de l’Etat. On peut en juger de la distance qui sépare les deux pouvoirs.

Une souhaitable ouverture

La démocratie camerounaise en construction fait son bonhomme de chemin depuis les années1990. Elle traverse un moment de crise inavouée dans son fonctionnement après 30 ans à l’épreuve du terrain. Au moment où le pays s’est fixé un cap pour l’émergence en 2035 avec la mise sur pied de la Stratégie nationale du développement qui court de 2020 à 2030, couplée au processus de la décentralisation, il est temps que la République pense à accorder un rôle plus dynamique à l’élu du peuple. Si l’investiture à la base dans les différentes circonscriptions électorales est une prérogative des partis politiques, il en irait autrement quand viendra l’heure d’investir tel ou tel candidat à un poste de l’Assemblée ou du Sénat. De ce fait au sein du Rdpc par exemple, le candidat à investir à la présidence serait issu des primaires en interne.

Au sein de l’hémicycle, le candidat qui sera élu s’en trouvera couronné davantage de légitimé non seulement auprès de ses camarades mais aussi auprès de toute la Chambre. On ne perd pas de vue ici le partage géopolitique du pouvoir de l’Etat qui tient compte de certains équilibres. Cette dynamique nouvelle amènerait le président de la République à nommer son Premier ministre en tenant compte de l’appartenance régionale des présidents des deux chambres du parlement. Quand il en sera ainsi, la décentralisation s’en trouvera renforcée car les députés auront plus de coudées franches. Par la posture au sein de l’hémicycle, ils pourront se construire des masses de sympathie pour prétendre aller un jour jusqu’au perchoir. Et ce sera tant mieux.

Léopold DASSI NDJIDJOU