Dans une enquête diffusée le 14 mars 2021 dans le cadre de son émission dominicale « Mise au point », la Radiotélévision suisse (Rts), est non seulement revenue sur les frasques d’Afriland First Bank dans le cadre de l’affaire Dan Gertler en République démocratique du Congo, mais la chaine de télévision helvétique a retracé la relation incestueuse qu’entretiendrait la banque de Paul Fokam Kammogne avec une institution bancaire neuchâteloise en Suisse. Dans les méandres de l’un des plus grotesques scandales financiers de l’Afrique subsaharienne.
Votre Journal (la Nouvelle) en avait fait tout un dossier après la publication le 2 juillet 2020, du rapport de l’ong Global Whitness, intitulé « des sanctions mine de rien.» Aujourd’hui encore, ce sont nos confrères de la chaine Rts en Suisse qui sont montés au créneau pour dénoncer l’implication de cette banque dans des transactions financières frauduleuses avec une institution bancaire helvétique, située à Neuchâtel, à la suite d’une dénonciation faite par un lanceur d’alerte, Navy Malela, ex-pensionnaire d’Afriland First Bank au Congo. Dénonciations qui vont contraindre cet informaticien à fuir sa Rdc natale pour se réfugier en Europe. tout remonte en effet en 2018 lorsque Navy Malela, installé dans son bureau comme à l’accoutumée, voit passer dans le couloir une certain Dan Gertler, l’une des plus grosses fortunes mondiales. Connaissant son passé sulfureux dans l’exploitation des mines au Congo, Navy Malela va tout de suite interpeller son collègue pour lui demander s’il connaissait leur nouveau client. Ce dernier va lui répondre par la négative. Et de lui rétorquer : « Par Boris Armelle Mbock si ce monsieur commence à venir dans notre banque, on aura de sérieux problèmes. »
Il avait d’ailleurs vu juste, puisque quelques temps après, Navy Malela va constater que des millions de dollars sont déposés sur les comptes des proches de Dan Gertler, sanctionné depuis le 2 décembre 2017 par le Bureau du contrôle des avoirs étrangers (ofac) du département du trésor américain, en vertu du décret présidentiel 13818 reposant sur le Human Rights Accountability Act (loi sur la responsabilité concernant les droits humains), mieux connu sous le nom de loi Global Magnitsky. Et pour contourner ces sanctions, les dollars déposés (plus de 6 millions), sont convertis en euros, puis réexpédiés à l’étranger. Navy Malela va alors tenter d’alerter la direction sur ces malversations financières. Mais rien ne se passe, personne n’y prête d’ailleurs une attention particulière. C’est ainsi qu’il va se résoudre à agir. Dans un premier temps, il va à nouveau se rapprocher de la direction en envoyant ces informations au vice-président du groupe. Celui-ci va le rassurer en lui promettant faire une descente dans les jours qui allaient suivre.
Toujours rien jusqu’à son départ de la RDC. Il va donc décider de divulguer les informations en sa possession. Résultat des courses : la filiale Afriland First Bank en Rdc est mouillée jusqu’au cou dans l’un des plus gros scandales financiers de l’Afrique subsaharienne. Une fuite de capitaux de grande ampleur qui va faire des vagues jusqu’en Suisse, car, comme nous l’apprennent nos sources, le siège de la holding d’Afriland First Bank Rdc n’est pas à Kinshasa, mais à Neuchâtel en Suisse. Seulement, après les investigations faites par nos confrères de la Rts, l’on va se rendre compte qu’il n’existe aucune trace physique d’Afriland First Bank à Neuchâtel. Si leur adresse est logée au sein de cette banque, elle leur permet tout simplement d’acheminer le courrier, le reste du boulot étant fait ailleurs. Probablement pour brouiller les pistes.
Révélations
C’est certainement ce qui a fait dire à bon nombre d’observateurs que dans l’affaire dite Dan Gertler, Afriland First Bank en Rdc, filiale ouverte en 2006 est l’exemple le plus criard des faiblesses dans la réglementation bancaire. Car pour eux, la haute hiérarchie d’Afriland Rdc était non seulement au courant du dispositif mis en œuvre par le réseau de mandataires de Gertler, bien plus, elle a semblé avoir activement contribué à le mettre en place. Sinon comment comprendre qu’après toutes les révélations faites par Navy Malela auprès de la direction, que le groupe conduit par Paul Fokam Kammogne soit resté muet comme une carpe face aux malversations financières d’un homme qui était déjà sur le coup de sanctions américaines.
Avaient-ils alors le soutien des autorités congolaises ? on pourrait sans l’ombre d’un doute le subodorer, surtout que l’actuel président Felix tshisekedi, dans une interview accordée en septembre 2018 en Belgique, n’avait pas manqué d’affirmer que son gouvernement pouvait compter sur le soutien d’Afriland First Bank, et qu’il avait récemment rencontré son Pdg. Ceci voudrait-il dire cela ? A chacun de se faire sa petite idée.
Seulement, de tels propos illustrent la vitesse impressionnante avec laquelle la banque s’est développée en Rdc en si peu de temps, elle qui était jusque-là peu connue du public kinois. Des sources suffisamment introduites indiquent que l’année où Dan Gertler a commencé à utiliser les services d’Afriland First Bank Rdc, ses revenus ont explosé. Ces mêmes sources indiquent qu’en 2017 par exemple, les dépôts des entreprises dépassaient à peine les 31 millions de dollars. l’année suivante, de nouveaux comptes, vraisemblablement contrôlés par Dan Gertler et ses supposés mandataires représentaient la somme extraordinaire de 77 millions de dollars – soit à eux-seuls le double des dépôts totaux de l’année précédente, augmentant ainsi les bénéfices de la banque à près de de 350 % en un an. Une telle augmentation ne pouvait passer inaperçue à Yaoundé, où se trouve le siège d’Afriland First Bank. Est-ce à dire que Yaoundé a allègrement couvert ces actes de Dan Gertler au nom des intérêts mercantilistes ? la question reste posée.