C'est l'expression en vogue, et non sans raison: place au revenge travel !
La " revanche par le voyage " serait ainsi une forme d'exutoire où le consommateur canadien, français, américain ou de toute autre origine cherche à compenser la perte de liberté et certaines formes de plaisir qui ont été évacués pendant la dernière année de pandémie. Une récente étude de la firme DCI vient d'ailleurs confirmer que " les Canadiens vont prioriser les dépenses de voyage après la pandémie - avant les vêtements, les voitures et les smartphones".
Bonne nouvelle pour le tourisme? You bet!
Les années folles 2.0
Le phénomène n'est pas nouveau, remarquez. Les années folles, ça vous dit quelques chose? Avec la Première guerre mondiale de 1914 à 1918, suivie de la grippe espagnole entre 1918 et 1920, ces deux événements ont causé la mort de plus de 50 millions d'habitants. Pandémie, confinement, crise sanitaire, privations de libertés... avec le ressac que l'on connait. Une décennie débridée, avec une économie croissante et surtout, une soif de vivre à nouveau, de dépenser. Jusqu'au fameux crash économique de 1929!
100 ans plus tard, rebelote. Cette fois-ci, c'est la crise du Coronavirus, ou Covid-19, avec sa succession de vagues, de confinements, de couvre-feux... et bien sûr tous ces êtres chers qui nous ont quitté, les morts mais aussi les gens qui continuent de vivre avec des séquelles de cette maladie. Les experts s'entendent néanmoins sur la chose: il y aura également une sortie de crise fulgurante. Attachez vos ceintures, ça va brasser!
Un exemple: une amie conseillère en voyages annonçait sur sa page Facebook il y a quelques jours avoir tout vendu pour une croisière en Polynésie française en novembre 2022. Plus de 300 personnes qui ont réservé leur place, avec dépôt garanti! Une autre amie, qui travaille en design de mode, me disait que déjà sur leur radar se dessinait le désir du consommateur de s'habiller plus chic, plus glamour. Bref, les années folles... en mode 2.0, quoi!
Quel impact en tourisme?
Je partageais la semaine dernière sur Linkedin un article du blogue d'Elloha qui parlait justement de ce phénomène. On y mentionnait que, au Royaume Uni, les réservations d'hôtels ont quadruplé immédiatement après l'annonce du gouvernement britannique selon laquelle les départs (en tourisme d'agrément) seront à nouveau autorisées à partir du 12 avril et les voyages internationaux à partir du 18 mai. Ma publication a suscité des commentaires et un niveau d'interaction que je n'avais pas vu depuis belle lurette sur Linkedin.
Quelques éléments de réflexion à considérer:
La vaccination joue un rôle majeur
Un sondage de Travel Leaders Network effectué à la fin février 2021 démontre clairement que les voyageurs sont encore plus prédisposés à se faire vacciner que la population moyenne en général. Et l'on sait déjà que plus la population mondiale sera vaccinée, mieux on se portera car les effets majeurs de cette crise sanitaire seront mieux contrôlés. Bref, au fur et à mesure que la vaccination progresse, le sentiment de liberté et cette volonté de revenir à une vie d'antan seront multipliés.
Les hôteliers devront être prêts
Que feront les hôteliers, locateurs de chalets et chambres d'hôtes, gites et aubergistes pour se préparer à cette vague déferlante? La dernière année a montré la volonté d'acheter local, de manger local, de boire local et de consommer local. Les gestionnaires d'hébergement se doivent de prendre le virage numérique, avec composante transactionnelle, afin de profiter des opportunités actuelles et futures. Les Expedia, Booking et Airbnb de ce monde ne se tournent pas les pouces à attendre, et vivent leur lot de problèmes. Il importe donc d'investir dans l'expérience client, certes. Mais aussi prendre le virage numérique, si ce n'est encore fait, avec tout ce que cela suppose de transformation dans les processus d'affaires.
La pénurie de main d'oeuvre sera exacerbée
Les bars et restaurants sont ou seront parmi les derniers à pouvoir ouvrir leurs portes au public. Les employés seront-ils encore au rendez-vous? Plusieurs ont quitté l'industrie et se seront trouvés de meilleures conditions ailleurs, dans d'autres sphères d'activité. On note d'ailleurs que les écoles en gestion hôtelière et restauration vivent une véritable crise au Québec en ce moment, avec des taux d'inscription faméliques. Où est la relève qui sera tant nécessaire quand le party sera de nouveau pris au village? Bref, il y avait déjà un enjeu de pénurie de main d'oeuvre dans notre industrie en 2019, quand tout allait bien. Imaginez maintenant, alors que plusieurs ont quitté le navire touristique. On devra s'atteler à rehausser l'attractivité de nos emplois, et remettre la passion de nos artisans au coeur du message.
Le tourisme d'affaires, ce n'est pas pour demain
Si d'aucuns s'entendent pour dire que le tourisme d'agrément reviendra en force dès cet été, à tout le moins sur les marchés domestiques et de proximité, il en va autrement du tourisme d'affaires. Pour le marché des congrès, des réunions et de l'événementiel, les perspectives sont plus sombres. Plusieurs grandes entreprises américaines ont donné la consigne à leurs employés de ne pas voyager (sauf lorsqu'il s'agit de déplacements essentiels) d'ici décembre 2021, quand ce n'est plus tard en 2022. La route sera plus longue vers la récupération dans ce créneau, et les formules hybrides, virtuelles ou immersives sont appelées à rester dans la planification d'événements pour les deux à trois prochaines années.
Et le tourisme durable, bordel?
Impossible de ne pas faire mention d'un pan du tourisme qu'il ne faudrait pas jeter avec l'eau du bain... et il s'agit du volet durable de notre industrie. En fait, il ne s'agit pas d'un volet sinon d'une dimension qui devrait être intégrée à même les fondements de nos actions et stratégies... mais qui ne l'est pas encore, trop souvent, malheureusement. On vient tout juste de voir la création du regroupement Tourisme durable Québec, ce qui est une excellente nouvelle. Mais plusieurs craignent qu'avec ce sentiment de " revanche " des voyageurs, certains se croiront tout permis... avec le retour en arrière que l'on peut craindre.
Déjà à l'été 2020, nous avons été témoins de comportements disgracieux de la part de certains voyageurs à l'échelle domestique. Puis durant l'hiver, on a vu une forme de travel bashing prendre forme, où le voyageur était vu comme porteur de la peste ou presque. Et avec cette reprise du tourisme d'agrément vient également la crainte du surtourisme dans certaines destinations populaires. On a vu les habitants d'Hawaï prendre position contre le retour du tourisme de masse dans la dernière année. Combien d'autres entament une réflexion à ce sujet ces temps-ci?
Ce ne sont là que quelques éléments à considérer. Personnellement, je suis convaincu que le consommateur moyen oubliera ses craintes face à la crise sanitaire - certains plus rapidement que d'autres, bien sûr - et que nous voudrons tous en quelque sorte rattraper le temps perdu. Cette année qui nous a été volée. On verra le retour des bucket lists, ces listes de choses à faire ou à voir avant qu'il ne soit trop tard. Et vous, comment percevez-vous le revenge travel? Opportunité ou menace?