Les deux présidents des deux chambres sont étroitement imbriqués dans le pilotage de la mécanique du pays.
Deux pièces motrices dont le remplacement aurait pu gripper toute la ferraille. Sur l’échiquier de la distribution géopolitique du pouvoir, Paul Biya manœuvre à fond la caisse pour la stabilité de l’ensemble du pays. On dit d’adage qu’une équipe qui gagne, on ne la change pas. Que signifie gagner dans le contexte camerounais ? La première réponse claire, et ce depuis le régime Ahidjo, est le respect des équilibres au niveau des régions et des communautés. Dans ce sens, la paix et l’unité sont les deux piliers d’une politique réussie. Pariant tout juste sur ce duo, il est loisible de se faire une opinion sur la situation difficile que traverse le pays. Le Cameroun, par la situation dans les deux régions anglophones, est sérieusement troublé et traverse une de ses graves crises depuis les indépendances des années 1960 tout autant agitées. Dans ses efforts de stabiliser ces deux régions sur le plan politique, on a l’impression que Paul Biya est dans la posture d’un chef qui a tout donné et n’en a récolté que très peu en termes des fruits de la paix engrangés.
La Primature a été confiée à ces deux régions, pour garder ici la réflexion d’Etoudi dans la gestion ou le partage du pouvoir. Chief Dion Ngute, un natif du Sud-Ouest, en dépit de sa grande détermination sur le terrain, n’a pas encore réussi à faire taire les armes, lui qui est en poste depuis le 4 janvier 2019. Alors, s’agit-il dans cette partie d’une crise politique ? Ceux qui répondent par l’affirmative, s’étaient pris à rêver que Paul Biya confie rait le poste du président du Sénat à un ressortissant des deux régions, faisant ainsi de lui la deuxième personnalité du pays qui prendrait les rênes du pouvoir en cas de vacances ou d’incapacité constatée et deviendrait de ce fait le président par intérim ; il organiserait les élections sans y prendre part. Paul Biya pouvait-il opter pour ce choix ? Probable ! Mais dans cette logique, il eût fallu trouver un homme ou une femme de la trempe de Niat qui a la confiance absolue du président de la République. Le deuxième critère et non des moindres, voudrait que cet oiseau rare affiche peu ou pas du tout des ambitions de pouvoir. Au moment où les élites de cette partie du pays sont dans une faillite constatée de représentativité, ou de légitimité, c’est selon, Paul Biya aurait eu du pain sur la planche. Il faut se souvenir qu’avant l’avènement de Cavaye Yaguie Djibril, c’est bel et bien un anglophone, Fonka Chang Lawrence, président de l’Assemblée, qui était la deuxième personnalité du pays. Revenir sur cette situationante aurait-il régler quelques difficultés ?
La question demeure toute entière.
Les hommes de confiance se meurent
Par sa longévité au pouvoir, il est clair que dans les sphères du pouvoir, Paul Biya tient à fonctionner avec des amis qui partagent sensiblement la même classe d’âge, et par ricochet ont plus ou moins les mêmes soucis du quotidien ou la même vision des choses. Telle est la deuxième préoccupation de Paul Biya de garder les deux vénérables hommes à ses côtés. En nommant un homme sensiblement plus jeune au Sénat par exemple, le Prince comprend que ce dernier passerait le plus clair de son temps à mettre son énergie en œuvre pour monter les stratégies pour son remplacement.
On l’a vu en Tunisie, entre Bourguiba, le père de la Nation et Ben Ali. Avec des hommes âgés à ses côtés, Paul Biya mise sur la pondérance, la retenue et la confiance si tant il est vrai que ce terme a un sens politique de nos jours. Les hommes probes se meurent par ailleurs, car s’il y a une qualité qui aura le plus manqué à Paul Biya, c’est la chance d’avoir la bonne main pour choisir des hommes intègres. Et ici tout est dit. Un homme total, qui dit ce qu’il pense et fait ce qu’il dit. De plus en plus, ils sont rares et le numéro un Camerounais, mieux que quiconque le sait.