C’était à la lumière du forum national sur l’imprégnation des hommes et femmes des médias en droit sur la santé sexuelle et reproductive organisé le lundi 15 mars 2021 à Yaoundé, par le Réseau des médias africains pour la promotion de la santé et l’environnement (Remapsen).
Au Cameroun, les chiffres disponibles sur la problématique des avortements sont parcellaires et ne semblent pas traduire la réalité de l’ampleur du fléau. S’agissant précisément des avortements non sécurisés ou clandestins, ils constituent d’après Jules Elobo, président du Réseau des médias africains pour la promotion de la santé et l’environnement (Remapsen-Cameroun), une réelle préoccupation dans le monde et en Afrique, en raison de l’ampleur du phénomène. Selon les experts en Droit de la santé sexuelle et reproductive (Dssr), 25 millions d’avortements non sécurisés sont pratiqués chaque année dans le monde. Environ 97% desdits avortements ont été pratiqués dans les pays en développement. Au moins 6 millions de femmes interrompent leur grossesse dans des conditions dangereuses en Afrique. Plus de 9 femmes sur 10 en âge de procréer vivent dans les pays dont la législation en matière d’avortement est restrictive.
Seulement 1 sur 4 avortement est pratiqué dans des conditions de sécurité, en dépit des textes de référence aux niveaux international et régional.Il en est ainsi du Programme d’action du Caire (1994) qui définit les Dssr et consacre l’obligation des soins post-avortement ; du Programme d’action de Pékin (1995) qui dépénalise l’avortement ; du Protocole de Maputo en Afrique (2003) que beaucoup de pays qui l’ont ratifié, peine à mettre en œuvre. Alors même que les experts soutiennent qu’imposer les restrictions n’empêche pas le recours à la pratique, mais augmente la probabilité que les femmes utilisent des méthodes qui mettent leur vie en danger. A ce sujet, soutient Aline Mekone de la Camnafaw, « la précocité de la sexualité aujourd’hui nous amène beaucoup de problème d’Ist et de grossesse précoce et non désiré qui implique des avortements clandestins ». En raison du caractère très restrictif de la législation camerounaise.
Réduire la mortalité maternelle
En effet, l’article 337 (1) du Code Pénal, puni la femme qui se procure elle-même l’avortement ou y consent d’un emprisonnement de 15 jours à1an et d’une amende pouvant atteindre 200 000FCFA ; la peine est de 1-5 ans d’emprisonnement et une amende de 100 000 à 2 millions Fcfa pour celui qui procure l’avortement (2). Les peines sont doublées pour les professionnels de la santé sur qui peuvent en plus être ordonnées des peines accessoires (fermeture du local professionnel, interdiction d’exercer). Toutefois, tout en reconnaissant le caractère pernicieux des avortements clandestins qui contribuent pour 30% dans le taux des décès maternels au Cameroun, Placide Ntiga, Chef service promotion des droits de la femme au Ministère de la promotion de la Femme et de la Famille (Minproff) et Fernand Fonkoui, chargé d’Etudes assistant à la Direction des Droits de l’homme et de la coopération internationale au Minjustice, indiquent que l’article 339 autorise l’avortement dans certains cas exceptionnels.
« Sur le principe, les avortements sont proscrits sauf dans deux cas. Lorsque la santé de la femme peut être mise en danger du fait de la poursuite de la grossesse ; lorsqu’il est établi judiciairement que la grossesse est issue d’un viol », précise Felix Zogo, Secrétaire général du ministère de la Communication. En ouvrant les travaux, il a assuré le soutien du ministère de la Communication dans cette « réflexion citoyenne ». Laquelle notamment dans la mise en œuvre des dispositions du Protocole de Maputo, interpelle de nombreux acteurs dont le rôle a été précisée par Mabel Shu Nyamboli de la Commission des Droits de l’Homme du Cameroun.
Dans ce pays, le taux de mortalité maternelle est estimé à 782 pour 100 000 naissances vivantes dont 13% imputable selon l’OMS aux complications des avortements. C’est dans ce contexte qu’intervient le forum national initié par le Remapsen en partenariat avec Ipas, dont l’objectif est de contribuer à la réduction de la mortalité maternelle et morbidité liées aux avortements pratiqués dans des conditions dangereuses en mettant l’accent sur l’accès des femmes et jeunes (15-24 ans) aux soins complets d’avortement.