Habitués du blogue, vous en connaissez déjà 4 que je vous répète tous les mois pour justifier le titre d'une de mes chroniques. Ce seront forcément mes 4 premiers.
Si vous me le permettez, laissez-moi un peu vous détailler leur impact sur moi.
() de Sigur Ros, 2002.
Le groupe islandais est reconnu pour la voix de falsetto de son chanteur Jonsi, sa guitare distordue jouée à l'archet. Inspirés par les succès de groupes comme My Bloody Valentine, Beck ou The Smashing Pumpkins, dans les années 90, qui réussissaient à générer de la texture musicale issue de cacophonies. Jonsi (Jon Bor Borgisson, chant, guitare, claviers), Kjartan Sveinsson (Guitare, claviers), Georg Holm (Base, Claviers, Glockenspiel) et Orri Pall Dyrason (batterie) nous livrait, en 2002, un troisième album, un sommet d'intensité, aussi minimaliste qu'immense. Le son est riche, massif, nous prenant aux tripes seul et loin, pour nous amener haut, ensemble et si loin, dans la mélancholie comme dans le grandiose, c'est si prenant que parfois j'ai l'impression qu'il ferait d'un(e) homme/femme froid un(e) pur(e) emo. L'album a un effet sonore triomphal et apaisant à la fois. Il transporte. Ce que la musique devrait toujours faire. Découvert à sa sortie, en 2002. Alors que Punkee était de la taille d'une noisette dans le ventre de sa si jolie mère et que mon fils avait 3 ans et trois quarts.
Desintegration de The Cure, 1989.
Je suis déjà un grand fan de The Cure depuis 5 ans quand est lancé, en 1989, leur 8ème album studio. Crée dans la douleur baigné de drogues destructrices, dès le premier morceau et ce, jusqu'à la fin, on est plongé dans une narration paralysante avec des morceaux presque toujours amorcés par 2-3, parfois 5 minutes d'instrumentation avant qu'un seul mot ne soit chanté. Écouter cet album, à 17 ans, c'est pratiquer le sexe empoisonné. La base est tragique, les claviers sont hantés, l'ensemble est gothique, les propos sont parfois noirs et violents, auto destructeurs. Jamais la formation de West Sussex ne sera plus près de Joy Division. La couleur de l'album est définitivement sombre, mais il y a moyen d'y percevoir de la lumière dans des "photos d'elle" ou avec des "chansons d'amour", mais il est aussi possible d'être avalé par une araignée pour souper, ou de vivre une désintégration morale. Suffit de savoir la couleur qu'on choisit d'écouter en se laissant guider par ce merveilleux album. Écouté des milliards de fois comme les autres qui seront évoqués.
The Wall de Pink Floyd, 1979.
Bien que j'avais 7 ans quand l'album est lancé, je serai menteur de prétendre que je l'écoutais avant mes 15 ans. Mais qu'est-ce que j'ai usé ce 33 tours! Synthèse impressionnante des obsessions du bassiste et leader du band, Roger Waters, le contenu, largement autobiographique, concept, traitant des différents murs qu'on peut se construire, mentalement et physiquement, ce chef d'oeuvre signera la fin du band en quatuor, mais me fera vibrer intensément. Une rage un peu naïve de la part de Waters, mais que l'ado ne percevait alors pas, des mélodies passant du funk, au rock, avec même des élans d'opéra. Mégalomane, oui, mais aussi bien calibré musicalement, offrant l'un des meilleurs solos de guitare, de très intéressants blues et du franc rock. Avec le recul c'était très très adolescent, ça en avait la maturité fragile, mais ça restait bouleversant pour celui qui l'a justement écouté tout le temps, de 15 à 20 ans.
Et Si On Avait Besoin d'Une 5ème Saison d'Harmonium, 1975.
Je n'ai rien forcé en plaçant ici un album québécois. C'était même très très naturel. Je suis très fier Québécois. Et cet album, de seulement 5
Misplaced Childhood de Marillion, 1985.
Vous remarquerez que plusieurs des albums de cette liste étaient les derniers albums "unis" des bands. Comme si ils avaient mis le paquet ensemble une dernière douloureuse fois, mais qu'ils se devaient de divorcer ensuite. Je n'ai pas eu une enfance égarée. Fish, peut-être. Il a signé, avec cet album quelque chose d'assez magique. Ce sera l'un des trois premiers cd (avec The Dream of the Blue Turtles et The Rise and Fall of Ziggy Stardust & The Spiders From Mars) que je m'achèterai dans ma vie, un bijou. Album concept difficile à découper autrement qu'en une écoute complète et intégrale. C'est seulement 41 minutes, mais c'est franchement riche. Lavender m'émeut encore. J'entends ton coeur. On avait même osé quitter le show de Rush, en 1986, puisque rassasié de Marillion, en première partie du band, au Colisée de Québec. Rothery, Kelly, Mosley, Trewavas ne signeraient plus de musique aussi cosmique et plaisante ensemble par la suite. À mes humbles oreilles. Sur une liste de lecture du band (avec Fish au chant), de 2021, de ma part, j'y ai placé toutes les chansons sauf une.
So Red The Rose d'Arcadia, 1985.
Les 5 albums suivants, j'en aime absolument TOUS les morceaux. Je les aime en tant qu'albums complets. Du début à la fin ou dans le désordre. Je les connais d'ailleurs tous par coeur. La surécoute n'a jamais été atteinte avec ces 5 là. Ce qui fût probablement le cas avec les 5 autres, auquel je reviens presque par nostalgie par moments. J'étais un très grand fan de Duran Duran, le suis toujours. Cet album est l'album raffiné de DD. Tricoté à trois plutôt que 5. Des invités qui étaient, sont toujours, parmi mes préférés: le saxophoniste de Roxy Music, Andy MacKay, Grace Jones, Sting, David Gilmour, Carlos Alomar, Herbie Hancock, le batteur de Peter Gabriel, Manu Katché. Les clips, entre baroque et gothisme. J'aime encore la couleur de cet album qui croise du violon, de la flûte, de l'espagnol, de l'avant-garde ambient, des murmures, atmosphérique, formidable. Les paroles de Simon LeBon sont toujours cryptiques et mystérieuses, les mélodies de Rhodes, toujours originales, y a encore beaucoup à aimer de ce produit unique. Si DD ne s'était pas réuni et était resté Arcadia, certains morceaux m'auraient manqué, mais je ne me serais peut-être pas tant plaint. Ça reste encore pour moi le meilleur album de DD, sans en porter le nom. Seulement 3 de ses membres.
The Idiot d'Iggy Pop, 1977.
Commencé au Château d'Hérouxville, en France, où Bowie compose pratiquement toute la musique sur laquelle Pop y met ses mots, on termine le tout en Allemagne et on le complète avant tout ce que lancera Bowie, la même année. Même si c'est Bowie qui lance Low, en premier, à la demande des patrons de la maison de disques. Croisement entre James Brown et Kraftwerk, post-punk, industriel, Gothique (et bien! je l'étais...) l'album est nommé du livre de Dostoievski que Pop lit alors, et la pochette inspirée d'une peinture de Erich Heckel. La même que Bowie tente d'imiter sur la pochette de Heroes. Bowie y joue plus de guitare que sur n'importe lesquels de ses albums jusqu'à maintenant. Il y a un côté nocturne à cet album. Vampirique même. Tout à fait pour moi. On peut s'émouvoir du béton comme on s'émeut des grands champs de blé. Cet album goûte le bitume, la nuit. Y a un côté froid au contenu. Vous me connaissez homme au sang chaud privilégiant le froid. Iggy et Bowie offraient une arôme pas complètement santé, inconfortable, glauque, presque zombie. Le gris m'a toujours plus plu que le noir ou le blanc. Dans tous les sens que vous pourriez le comprendre.
The Unforgettable Fire de U2, 1984.
Je commençais mon école secondaire. Il n'y avait pas, selon moi, de meilleure chanson sur terre que Pride (in the name of love). Le riff d'ouverture me donne encore une certaine émotion. Engager Brian Eno et Daniel Lanois à la production changera leur carrière pour toujours. Je suis un piètre joueur de guitare, mais un grand amateur. The Edge est parmi la crème de la profession. Sa guitare est inimitable et le traitement, en production qu'on en fera restera toujours légendaire. On y ajoute de l'écho, des atmosphères aériennes, de l'ambient. L'album est riche en production. Bono y parfait ses textes socialement engagés avec deux hommages à Martin Luther King. Il y glisse de l'idéalisme d'Irlandais rêvant d'Amérique. Chrissie Hynde se cache dans les voix de Pride (in the Name of Love). Peter Gabriel dans les voix de A Sort of Homecoming. Il y a un petit côté hanté qui fait penser à des grandes vallées irlandaises. Il y a du mysticisme. On y entend un côté post-punk impressionniste. Inutile de préciser à nouveau que je le connais pas coeur, les 5 premiers, je les connais par coeur. Je vous ai tu dis que je les connais par coeur? (réécouté en vous écrivant, le sang de mes veines).
Blonde on Blonde de Bob Dylan, 1966.
Les clins d'oeil à l'hédonisme dès l'ouverture, la fanfare fatiguée avec les cris de gars épuisés, mais bien alcoolisés derrière, un album généreusement double, de l'orgue circulaire d'Al Kooper, presque tout l'album, les paroles toujours entre poésie, cynismes, double-sens, les visions de Johanna, qui avait aussi comme prénom "Marie" (comme dans Marijuana), le blues sous la guitare de Robbie Robertson et dans le souffle de l'harmonica de Zimmerman ou de Charlie McCoy, 11:23 d'amour pour Sara Lownds, la jeune amoureuse de Bob, mariée trois mois avant et mère de ses enfants, I Want You est une si jolie chanson que certains n'ont pas su résister à la copier. Il y a du blues de Chicago et très certainement, même si il n'aime pas ça, du folk et de l'americana là-dedans. Étant nettement plus Américain, que latin ou Européen, personnellement, cet album me parle beaucoup. Ça sent le bois. Et la pochette, à la photo brouillonne est parfaite pour les textes parfois aussi brumeux. Il y a du blues stomper. De l'essence country aussi. On enregistre pas à Nashville sans absorber son parfum sonore. Son blues surréaliste me fascine encore comme à la première écoute, autour de mes 16-17 ans.
Low de David Bowie, 1977.
Découvert à 1$ dans un magasin de cassettes usagées, par un printemps mélancolique, cet album a changé ma vie. Magnifiquement futuriste, avec suffisamment de trous pour que la schizophrénie de l'auteur nous laisse s'y glisser, rien ne me préparait à découvrir cet artiste que j'adorais déjà, et qui prenait son immense popularité pour la confiner dans une boîte de conserve du passé et risquer la totale liberté artistique. C'était baveux d'offrir 50% d'instrumental (ou de langues inventées) où des chansons chantées d'une minute 51 secondes (qu'on retravaillerait pour en faire un single plus long). Les trouvailles au niveau du son de la batterie de Dennis Davis. la guitare pleine de substance aérienne de Ricky Gardiner et celle toujours cosmique de Carlos Alomar, les claviers obliques d'Eno, tout m'a atteint aux bons endroits. Le fait encore. L'équipe de Bowie, Visconti, Eno, Alomar, Murray, Davis a été pour moi comme une troupe de magiciens me trainant sur le tapis de ce que je croyais la musique populaire pour me faire planer complètement ailleurs. Cette musique est pleine de fantômes. Il y avait dislocation du traditionnel album dans la continuité de ce qu'on attend. Radiohead avec Kid A et combien d'autres feront de même en prenant le plein contrôle des sons, de l'art qu'on souhaitait explorer. Sans impératifs commerciaux. C'est un album à la fois d'homme libre (l'artiste) et de prisonniers (de la drogue). Iggy y chante sur What In The World, une chanson que j'ai toujours trouvé très John Lennon. Je crois être devenu définitivement fada de la couleur orange en raison de la surexposition à la pochette de cet album que j'ai si vu dans ma vie.Le rythme de mes jours a de moins en moins de secrets pour vous.