Si vous saviez combien cela fait du bien de voir des penseurs d’un tel niveau mettre en mots ce mal contre lequel nous luttons, et que d’aucuns, même dans notre propre famille politique, tentent de nous en contester le droit d’existence….
On se souvient ici du blog d’Ornella Guyet (dont je me demande d’ailleurs ce qu’elle est devenue, puisqu’aux dernières nouvelles elle envisageait une formation de journalisme), confusionnisme.info, qui tentait de donner une chair à ce combat si utile, nécessaire et salutaire là.
Corcuff, lui, se situe bien sûr sur un autre registre… Voilà comment il caractérise ce mal de l’époque :
Il essaie de donner une vision plus politique et intellectuelle, mais également pragmatique, de ce contre quoi nous luttons, en donnant une cartographie idéologique, sur la base de repères personnalisés que nous connaissons bien ici… Voilà par exemple quelques personnalités égrainées au cours de cet article dans lequel il est interviewé qui concourent à relayer cette confusion : Jean-Pierre Chevènement, Jean-Claude Michéa, Michel Onfray,François Bégaudeau, Éric Hazan, Emmanuel Todd, Arnaud Montebourg, François Ruffin, Jean-Luc Mélenchon, Frédéric Lordon, Mathieu Bock-Côté,Jacques Julliard… (liste non exhaustive).
Et là encore, lire que le point commun entre tous ces gens, celui qui permet de favoriser l’expansion de ce confusionnisme politique dans l’ensemble de la société, c’est de tenter de redonner une place centrale à l’idée de nation, contre l’internationalisme (le fameux mondialisme de l’extrême-droite) et l’européen, voilà qui me fait le plus grand bien, de le voir écrit… Cela correspond exactement à mes propres observations et réflexions personnelles. On ne comprend rien à la recomposition actuelle ou à l’éclatement du paysage politique français si l’on n’analyse pas les comportements des uns et des autres sous ce prisme là. Ainsi, les raisons pour lesquelles je combats depuis si longtemps une certaine famille politique que certains prétendent de gauche, le républicanisme, est à rechercher, outre ses obsessions bien connues envers une certaine religion qui contiendrait tous les maux de la terre, de ce côté là : leur nationalisme attardé, leur patriotisme ridicule, symbolisé dans mon imaginaire personnel par leurs grotesques ors de la république, ces vieux fétiches d’un ancien temps qu’il convient visiblement de dépasser quand on en perçoit aussi douloureusement que moi les nombreux travers.. Corcuff a donc pour moi amplement raison de dire qu’il convient de dépasser ce natio-centrisme par une préoccupation internationaliste émancipatrice. Marre de tous ces patriotards qui s’agglutinent en ce moment pour faire grumeau d’une bien mauvaise sauce terriblement xénophobe.
Corcuff observe qu’autrefois, lors de précédentes périodes de crises graves comme c’est indéniablement le cas aujourd’hui, la gauche avait une certaine stabilité, de grosses organisations syndicales, associatives et politiques qui portaient ses idéaux quotidiennement. Aujourd’hui, cela s’affaisse, il n’y a plus de formes organisées fortes. Dès lors, l’espace rhétorique confusionniste se développe beaucoup plus, s’étend sans guère de barrières pour le stopper.
C’est exactement le point d’ancrage où converge également mes propres réflexions personnelles, lorsque je recherche une explication à la raison de toutes ces dérives idéologiques graves que je vois émerger actuellement, sous le vernis du complotisme par exemple : le manque tragique de structure et de culture politique, qui seuls pourrait en contrecarrer les effets fortement toxiques pour notre société.
Mais j’arrête là de commenter point par point l’ensemble de ce passionnant interview, que je vous invite fortement à lire par vous même, tant il est riche et profond, avec d’étonnants échos ailleurs. Ce qui nécessite d’ailleurs que j’y revienne en plusieurs fois pour évoquer d’autres aspects qui y sont traités, tout aussi intéressants, surtout que je suis en total désaccord avec certains passages, qui me navrent.. Malgré tout, comme j’ai hâte de lire ce livre de Corcuff, dont je suis l’itinéraire depuis un bout de temps ! Et comme je ne suis pas étonné de le retrouver, tout comme moi, aux côtés du RAAR…
Ps. Et pour aller plus loin sur la voie de la connaissance de cet intellectuel et de son œuvre, je suis déjà en train d’écouter cette émission tout en préparant mon repas… et vous ?