On pourrait trouver des points de convergence entre eux parce que ce n'est pas pour faire "joli" que cet auteur jeunesse dessine des personnages parfois terribles.
Ce n'est pas un secret. Son premier roman destiné aux adultes (1995) est bouleversant. Il abordait dans Les Pieds Bleus, aux éditions de l'Olivier, le thème de la violence des adultes envers les enfants et notamment les agressions sexuelles. Cette fiction lui permettait de revenir sur les sévices sexuels que son grand-père lui avait infligés enfant.
Il n'empêche que Claude Ponti est devenu, en quelque soixante-quinze publications pour les enfants, ce qu'on peut appeler un monstre sacré. Il règne en maitre dans le monde de la littérature jeunesse pour le plus grand bonheur des petits comme des grands.
Voyage au pays des monstres est une proposition. Celle d'embarquer dans une aventure magique, à bord du bus 84, en se glissant dans une coquille pour visiter un Paris transformé. Le lecteur voyagezraur une fourmi de dix-huit mètres avec un chapeau sur la tête, et partera à la découverte de monstres – dont ceux de Léopold Chauveau qui furent exposés au Musée d’Orsay, lequel co-édite l'ouvrage. Une exposition complétait la parution, hélas fermée très vite au public pour raison sanitaire.
Certains lui reprochent qu'il faille une large culture pour pour apprécier les allusions glissées par l'auteur au fil des pages. En ce sens, lire pont est davantage une entreprise familiale que l'enfant est invité à faire avec ses parents -en espérant qu'eux-mêmes ont un bagage culturel conséquent.
C'est encore le cas ici bien sûr, mais la liste des hommages figure en fin d'ouvrage pour qu'on puisse compléter nos connaissances. Et il me semble qu'un enfant pourrait tout seul sauter de joie en remarquant le lapin d'Alice ou celui de Beatrix Potter et surtout Max dont la présence relève de l'évidence s'agissant de monstres.
J'en ai vu d'autres, croyant jusqu'à démasquer Blaise, le poussin préféré de l'auteur. Merci monsieur Ponti, vous m'avez fait découvrir la perspective de nouveaux enrichissements et d'autres voyages, en bus et en esprit !
Outre les clins d'oeil littéraires, on se réjouit de reconnaitre des monuments, l'Orangerie, la Tour Eiffel, et des sites remarquables comme les falaises d'Etretat, que l'on pouvait gagner en train lorsque la gare d'Orsay appartenait encore à la SNCF. J'ai parfois pensé à Ce jour là de Mitsumata Anno, paru en 1978 à l'Ecole des loisirs et qui est une référence dans le domaine.
Le livre, non paginé, est donc à glisser entre les mains de tous, avant ou au retour d'un trajet, pour aiguiser le regard sur le paysage urbain.
Et puis, aussi, à se plonger dans l’œuvre protéiforme et fascinante de Léopold Chauveau (1870-1940). Il fut à la fois sculpteur, illustrateur et auteur de livres pour adultes et enfants. l est longtemps resté oublié de l'histoire de l'art, avant qu'une donation de son petit-fils au musée d'Orsay en 2017 (18 sculptures et 100 dessins) ne remette son nom en lumière. J'ai lu plusieurs de ses histoires, parues chez Memo. Un pur régal !Vous pouvez trouver, en téléchargement gratuit chez cet éditeur, deux exemples de la créativité de cet auteur, L'histoire d'un boa qui pense faire un bon repas, mais dont le repas en question n'a pas dit son dernier mot... Et l'histoire d'un ogre à l'appétit dévorant.
Voyage au pays des monstres de Claude Ponti, en coédition entre l'Ecole des loisirs et le Musée d'Orsay, en librairie le 4 mars 2020