Dès ses débuts au XIXé siècle, la photographie s'est définie par son rapport direct avec le réel alors que les autres représentations du monde, que ce soit la peinture, la gravure, la littérature..., pouvaient n'avoir qu'un lien chimérique, voir facultatif à celui-ci. La photographie acquit ainsi le statut de trace tangible, objective, résultat d'un processus optico - chimique, ne nécessitant presque pas d'intervention humaine.
Mais tout est dans le " presque ". Car si l'intervention humaine semble moins ostensible, et a longtemps relégué la photographie comme une simple technique, elle n'en est pas moins essentielle. Le choix des constantes, le moment du déclenchement, les choix exercés dans les phases de développement et de tirage, mais surtout le point de vue et le cadrage, en font un art exigeant, car terriblement indexé au réel.
D'un autre côté, depuis les surréalistes jusqu'à l'avènement du numérique, les possibilités de manipulations permettent paradoxalement de s'éloigner de la réalité tout en produisant un effet de réalisme grandissant.
La photographie évolue depuis entre la recherche d'une objectivité que l'on sait inaccessible, allant jusqu'à vouloir automatiser l'acte de prise de vue, et l'intervention maximale avec comme désir de s'éloigner de la présence du réel.
Entre la photographie comme lien direct avec l'expérience du monde et la photographie échappant au réel, certains artistes choisissent d'interroger le rapport même à cette réalité que ce soit par une photographie directe ou par l'utilisation des outils offerts par notre monde numérique.
" Dans la Photographie, je ne puis jamais nier que la chose a été là ", dit Barthes, ainsi la photographie est la trace, l'empreinte, le " ça a été " du réel. L'acception de preuve reste, pour beaucoup, une vérité latente de la photographie.
Mais de quoi est-ce la preuve ?
Le réel n'est-il pas multiple, protéiforme, et sa représentation photographique forcément limitée et partielle. Seuls certains signes laissent une empreinte, le reste est absent. La photographie n'est donc qu'un indice de la réalité (au sens de Charles Sanders Peirce) et l'acte photographique se concentre dans le choix de ce qu'il montre.
Entre interventionnisme et objectivité indicielle, la photographie nous interroge sur notre représentation du monde. C'est souvent dans la friction entre réel et subjectivité que nait la création photographique.
Lumière d'Encre entretient depuis ses débuts une réflexion sur le paysage, dans ce cadre nous avons choisi de vous proposer 5 artistes qui en interrogent la véracité. Si les uns (Geoffroy Mathieu et Claude Belime) jouent avec nos conventions pour semer le doute, les autres (Joan Fontcuberta et Benoit Vollmer), véritables démiurges réinventent la réalité.
Enfin, comme un contrepoint à cette question très photographique, l'installation de Daniel Caballero, offrira un paysage protecteur inspiré de notre terroir et de ses plantes, une réinterprétation réelle et subjective.
Lumière d'Encre
* Titre proposé par Geoffroy Mathieu