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Covid-19 : le mot interdit

Publié le 12 mars 2021 par Sylvainrakotoarison

" La mobilisation du système de santé est totale, partout en France, particulièrement en Île-de-France. Elle le sera encore plus dans les prochaines semaines car la pression hospitalière va continuer de monter. Considérant que la dynamique épidémique dans la région ne baisse pas encore, soyons clairs : à ce stade, nous ne savons pas quand ni où se situe le pic épidémique. Cette situation inquiétante, nous y faisons face (...) en armant au maximum notre système de soin (...). Et si l'épidémie se poursuit à ce niveau et à ce rythme, et si la pression sanitaire devient malgré tout trop forte, alors nous prendrons toutes les mesures qui s'imposent pour freiner la circulation du virus et sauver des vies. " (Olivier Véran, conférence de presse du 11 mars 2021).
Covid-19 : le mot interdit
Il y a une grande incompréhension dans la situation sanitaire française. Au contraire de mars 2020 et octobre 2020, le Président Emmanuel Macron a refusé de prendre des mesures efficaces en janvier 2021 pour réduire le nombre de nouveaux cas détectés de covid-19. Ce nombre, répétons-le, détermine le nombre d'hospitalisations et d'occupations covid-19 des lits en réanimation et aussi, toujours avec un décalage dans le temps, le nombre de décès.
La conférence de presse du Ministre des Solidarités et de la Santé Olivier Véran qu'il a tenue ce jeudi 11 mars 2021 à 18 heures, est à cet égard un exercice extraordinaire de communication. En gros, la situation est alarmante sinon inquiétante, mais ... on ne fait rien !
Tout vient en fait de ce 15 décembre 2020, date décidée par l'Élysée pour arrêter le deuxième confinement. Il y avait deux objectifs avant de pouvoir déconfiner : passer en dessous de la barre des 3 000 lits de réanimation occupés par des patients du covid-19, et en dessous de la barre des 5 000 nouveaux cas détectés chaque jour. Si la première condition a été remplie, ce n'était pas le cas de la seconde : on était alors à environ 15 000 nouveaux cas quotidiens.
Malgré cet objectif non rempli, on pouvait comprendre le desserrage de l'étau social, d'autant plus que les fêtes de Noël furent beaucoup moins graves de conséquence que prévu (mais on ne l'a su qu'après coup), et cela grâce à la grande prudence de la plupart des Français. Mais à partir de début janvier 2021, il aurait été nécessaire de prendre des mesures pour faire descendre ce plateau particulièrement élevé, et cela dans un contexte où toute l'Europe, en particulier le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Italie, les pays d'Europe centrale et orientale, durement touchés, ont reconfiné et où les variants (anglais, sud-africain et brésilien) changent la donne en ce sens qu'ils rendent la maladie à la fois (hélas) plus contagieuse et plus virulente. Effectivement, la moyenne d'âge descend dans les services de réanimation, et il y a beaucoup plus de formes sévères de la maladie par nombre de malades.
C'est vrai que depuis le 15 décembre 2020, la situation n'est pas totalement "déconfinée", puisqu'il y a toujours eu des mesures de couvre-feu, renforcées en janvier. C'est sans doute grâce à elles que la souche originelle du covid-19 a été maîtrisée mais pas les variants. Ou alors, c'est grâce à ce couvre-feu qu'on a évité une expansion exponentielle. Cependant, la situation n'a jamais été satisfaisante depuis trois mois.
Petit à petit, au fil des mois, le plateau est passé d'entre 15 000 et 20 000, à entre 20 000 et 25 000, et maintenant, on est plutôt entre 25 000 et 30 000 nouveaux cas détectés chaque jour. Lorsqu'on a reconfiné à la fin du mois d'octobre 2020, on en était à 40 000 nouveaux cas détectés.
Certes, il faut pondérer cette information sur le nombre de cas par un renforcement de la politique des tests avec l'arrivée des tests salivaires dans les écoles à partir du 22 février 2021 (environ 200 000 à 300 000 tests par semaine en plus), mais le nombre reste à un niveau particulièrement élevé, largement en tête en Europe, et même dans le monde où seuls les États-Unis et le Brésil font pire. Néanmoins, les dernières communications montrent une nouvelle flambée en Allemagne et en Italie.
Un mot sur les tests. On a beaucoup critiqué la France avec ses tests. Aujourd'hui, plus de 56 millions de tests ont été réalisés depuis un an, soit environ 85 pour 100 habitants. L'Allemagne, considérée comme "modèle" jusqu'en septembre dernier, en a réalisé seulement 46 millions, soit environ 55 pour 100 habitants. En tout, la France a détecté près de 4 millions de cas en un an, chiffre largement sous-estimé puisqu'on ne testait que les patients hospitalisés durant la première vague. Une étude sérologique aurait indiqué que 17% de la population aurait eu le covid-19 (30% en région parisienne).
Covid-19 : le mot interdit
Parallèlement, si le nombre des hospitalisations semble se stabiliser autour de 25 000, le nombre de lits de réanimation occupés par des malades du covid-19 ne cesse de monter depuis plusieurs semaines, et en deux mois et demi, on est passé de 2 500 à 4 000, soit 80% du total ordinaire. Cela signifie qu'il y a eu beaucoup de déprogrammation d'opérations hors covid-19 afin de désengorger l'hôpital. Ce niveau en réanimation n'est pas très éloigné du pic de novembre 2020 (en revanche, en avril 2020, le pic était monté jusqu'à plus de 7 000).
Insistons à cet égard sur un sujet très important : on parle souvent de manque de lits disponibles en réanimation. Il faut être clair : aucun système de santé ne peut absorber sans tension une telle pandémie aussi durable. D'une part, la maladie est très longue (le temps d'occupation par malade est supérieur à d'autres pathologies, il faut compter deux à trois semaines), et d'autre part, la crise du covid-19 n'a pas cessé depuis maintenant exactement un an. Si un système de santé pouvait absorber un tel choc, cela signifierait qu'il était largement surdimensionné en situation ordinaire, et cela aurait été reproché aux gouvernements qui l'auraient surdimensionné, déjà qu'on a reproché à Roselyne Bachelot d'en avoir fait trop pour l'épidémie de grippe A en 2009 (elle a eu pourtant raison).
Mais surtout, la capacité des services en réanimation n'est pas le sujet. Certes, c'est le sujet des médecins hospitaliers et l'on peut y voir là une opportunité de rappeler qu'il ne fallait pas faire autant d'économies budgétaires. Le sujet, c'est la santé et la protection des Français. Or, on aurait tous les lits en réanimation qu'on voudrait pour le covid-19, la situation ne serait pas pour autant confortable car hélas, la maladie tue, et (environ) un tiers des patients en réanimation décèderont de la maladie.
Le nombre de décès quotidien a baissé depuis quelques semaines, passant d'environ 500 à environ 300. Cela reste trop, beaucoup trop, inacceptable, intolérable rappellent des médecins comme le professeur Axel Kahn. Si on regarde le nombre de morts depuis le 15 décembre 2020, on constate un nombre très élevé. Au 15 décembre 2020 (fin du deuxième confinement), le nombre de décès était en effet de 59 072. Au 29 janvier 2021, lors du choix présidentiel de ne rien faire, il était de 75 620. Au 11 mars 2021, il est de 89 830. Depuis le début du déconfinement, il y a eu 30 758 décès, soit plus que lors de la première vague (environ 28 000 décès). Depuis la décision de ne pas confiner, il y a eu déjà 14 210 décès. À ce rythme, la France aura atteint son 100 000 e décès covid-19 dans un mois. Seuil que vient d'atteindre l'Italie et qu'a atteint depuis plusieurs semaines le Royaume-Uni.
De même, c'est peu pertinent d'évoquer la campagne de vaccination pour limiter les dégâts. Il faut environ 60% de personnes vaccinées dans une population pour y voir un effet positif sur la dynamique épidémique. En clair, il est peu probable que la campagne de vaccination puisse avoir un effet notable avant la fin du printemps prochain. À une exception importante près, car on commence à en voir les effets dès maintenant, c'est sur le nombre de décès en EHPAD, qui a considérablement baissé depuis un mois.
Le rythme de plusieurs centaines de décès reste énorme. Et il ne tient pas compte des décès futurs de personnes ayant des pathologies non-covid-19 (comme le cancer) qui n'auront pas été détectées suffisamment ou dont on aurait retardé d'éventuelles opérations. Dans un tel contexte, il est donc absolument nécessaire, avant tout, de réduire le nombre de contaminations. Heureusement, le taux de reproduction effectif, qui était encore supérieur à 1 la semaine dernière, est en train de redescendre (mais depuis trois mois, il ne cesse de faire du yoyo)..
Alors, quand Olivier Véran parle de prendre " toutes les mesures qui s'imposent pour freiner la circulation du virus et sauver des vies ", on peut s'étonner de ne pas l'entendre prononcer le mot interdit : reconfinement. On a dit que le Président Emmanuel Macron a pris un risque en ne reconfinant pas. Erreur : ce n'est pas le Président de la République mais bien l'ensemble des Français qui prend ce risque, en particulier les milliers de Français dont on sait, hélas, qu'ils feront partie des futures victimes de cette véritable saloperie qu'est le covid-19. Il est peut-être temps de se réveiller et de rappeler les fondamentaux : la vie humaine vaut plus que l'argent. C'était en tout cas ce qu'avait dit Emmanuel Macron lui-même dans son allocution télévisée du 28 octobre 2020 : " Pour nous, rien n'est plus important que la vie humaine. ".
Alors, faute de mieux, laissons Olivier Véran rappeler quelques consignes élémentaires : " À ce stade, on peut donc dire que les variants sont plus contagieux mais aussi plus dangereux, et qu'ils représentent plus des deux tiers des contaminations en France. Face à ce constat, il est primordial de ne pas baisser notre garde, de prendre soin les uns des autres, de ne pas nous mettre dans des situations à risque de contamination. Il est indispensable de se faire tester au moindre doute, de s'isoler sans délai en cas de symptômes (...). Il faut respecter les règles en vigueur partout où elles existent, elles sont là pour vous protéger. " (11 mars 2021).
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (11 mars 2021)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
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Publication scientifique à télécharger : Carrat, F., Figoni, J., Henny, J. et al. Evidence of early circulation of SARS-CoV-2 in France: findings from the population-based "CONSTANCES" cohort. Eur J Epidemiol (2021).
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Covid-19 : le mot interdit
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20210311-covid-cs.html
https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/covid-19-le-mot-interdit-231552
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/03/11/38860515.html


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