Photo Kala Moreno Parra (pour Página/12)
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Hier, à grand renfort d’enregistrements d’Astor Piazzolla dont c’était le centenaire de la naissance, les professionnels du tango-danse, danseurs, chorégraphes, enseignants, DJ et patrons de milongas, se sont rassemblés devant le siège du ministère de la Culture de la Ville Autonome de Buenos Aires : ils venaient réclamer la mise en place effective des protocoles sanitaires définis il y a déjà de longs mois et que les pouvoirs publics municipaux laissent traîner quelque part sur leur bureau sans passer à l’action. Ils ont même laissé passer la belle saison alors que les théâtres, les salles de concert et les musées rouvraient vaille que vaille leurs portes au public.
A Buenos Aires, les cours et les milongas sont en train de mourir. Pourtant, ils sont l’un des ressorts du tourisme propre à la ville. L’immense majorité des étrangers, en particulier en provenance des pays développés, qui séjournent à Buenos Aires le font pour le tango-danse. Exclusivement. Ils viennent prendre des cours (si on peut appeler cela « prendre des cours ») (1) et pratiquer leur passion dans les bals du centre-ville, qui vivent à plus de la moitié de leur chiffre d’affaires grâce à eux Ils ne profitent d’aucune des autres activités culturelles que la ville peut leur proposer et qu’ils ignorent avec un mépris impérial. Or quand le gouvernement de la Ville, alors dirigé par Mauricio Macri, avait fêté l’inscription du tango au patrimoine de l’Humanité obtenu par les délégations argentine et uruguayenne à l’UNESCO en septembre 2009, l’équipe municipale avait aussitôt développé tout un discours incroyablement vénal et affairiste sur la source de revenu et de devises étrangères que représentait cette attraction touristique (il n’était pas question de culture) pour la ville.
L’actuel gouvernement municipal est de la même couleur politique (néolibéralisme thatchérien) et voilà qu’il laisse mourir les institutions privées où le tango-danse se déploie à Buenos Aires. C’est incompréhensible. A moins que, puisque les frontières sont fermées au tourisme en dehors des pays frontaliers (et encore, ça se discute), il se peut que le tango-danse ait perdu tout intérêt à court terme pour ces politiques qui ne recherchent souvent qu’un profit immédiat et peinent à envisager le long terme et l’activité non-marchande. Dont la culture au premier chef !
Página/12, le journal de gauche, est le seul des quatre grands quotidiens nationaux qui, hier, se soit fait l’écho de cette manifestation au milieu d’une actualité surabondante.
© Denise Anne Clavilier www.barrio-de-tango.blogspot.com
Pour aller
plus loin :
(1) Depuis plusieurs années, bien avant le confinement, les professeurs de danse remarquaient que se développait chez les étrangers qui s’inscrivaient auprès d’eux une fâcheuse tendance à vouloir décider du contenu de l’enseignement donné. Ces supposés élèves avaient tendance à imposer aux enseignants ce qu’ils voulaient apprendre, leur donnant même des ordres sous prétexte qu’ils payaient. Ils acceptaient de moins en moins que les professeurs jugent de leur niveau technique qu’ils définissaient de plus en plus eux-mêmes selon des critères subjectifs. Ils se comportaient de moins en moins en élèves et de plus en plus en clients despotiques et capricieux.