Bintou Dembélé est de ces artistes qui font bouger les lignes, comme on dit. Elle propose des décalages, des changements de point-de-vue et sa danse vient nous toucher profondément. C’est en banlieue parisienne qu’elle commence à danser, seule fille dans un groupe de hip hop, et elle décidera de créer sa compagnie. Elle dit que dans la MJC où elle allait, elle côtoyait des jeunes de toutes origines et qu’elle a trouvé anormal que ce ne soit pas pareil dans tous les lieux culturels. En particulier à l’Opéra de Paris. C’est pour ça qu’elle a accepté de travailler avec Clément Cogitore et Leonardo Garcia Alarcón. Pour regarder ce qu’il y avait dans l’oeuvre de Jean-Philippe Rameau, Les Indes galantes, un exotisme tel qu’on le rêvait au XVIIIe siècle où l’Européen ne se pensait que supérieur aux autres, aux « sauvages ». En 2019, on ne peut plus ignorer cet aspect. Et Bintou Dembélé peut à juste titre parler de marronnage à propos de sa danse, fortement marquée par le KRUMP, danse née dans les quartiers pauvres de Los Angeles, dans laquelle la violence est toujours retenue et néanmoins très présente. Les extraits qu’on peut voir sur internet montrent que les percussions écrites par Jean-Philippe Rameau peuvent exprimer plus qu’un simple décor (Rameau ayant introduit, semble-t-il, des emprunts aux rythmes amérindiens), et, reprises par les danseurs, devenir une affirmation vitale. C’est là que le travail du directeur musical, du metteur en scène et de la chorégraphe trouve une véritable expression solidaire : la musique, les voix, les déplacements, la danse. Avec le mouvement intitulé Forêts paisibles, nous ressentons plus qu’une distraction, plus qu’un divertissement, nous sommes saisis et nous éprouvons ce désir de nous lever pour exprimer simplement, ensemble, notre humanité.
En cliquant sur la photo, vous atteindrez une vidéo de Forêts paisibles, extraite de cette version des Indes galantes.