La première session parlementaire de l’an qui s’ouvre ce matin à l’Assemblée nationale et au Sénat dans l’après-midi soulève un pan de voile sur le mécanisme du régime.
La première curiosité est de savoir si les présidents des deux chambres seront reconduits au perchoir. Il s’agit là des questionnements auxquelles l’opinion s’est abonnée. Déjà l’année dernière à l’ouverture de la dixième législature de la Chambre basse, une frange importante de l’opinion croyait dur comme fer que Cavaye Yeguie Djibril, tout juste de retour de repos médical en Hexagone, n’allait pas succomber à la tentation de briguer à nouveau le poste comme il le fait sans interruption depuis 1992. C’était mal connaître l’homme, déterminé qu’il est de répondre à l’appel du devoir tant qu’une once de force le lui permet. Comme il a donc si bien inauguré cette législature, il faut être certain qu’avec le « figtingspitit »qui anime l’homme, à moins d’une feinte du destin, il sera là à la fermeture de la législature en 2025. Ce n’est plus un secret, on se rit pas mal dans son entourage de ces élucubrations quotidiennes qui puent la Une des canards à son sujet. Il pète la forme comme qui dirait pour assumer les tâches qui sont les siennes.
En ce qui concerne Marcel Niat Njifendi qui préside aux destinées de la Chambre haute depuis 2013, le tout premier président du Sénat camerounais, le scénario du film sur son départ ou de sa demande de départ est déjà joué dans les esprits simples qui pensent qu’être la deuxième personnalité de l’État est une mince affaire. Des bruits filtrent tous les jours sur son état de santé comme si être malade au Cameroun est une incapacité à exercer la fonction. Sur l’échiquier de la distribution géopolitique du pouvoir, ce questionnement de son départ périclite dès l’entame. Niat sera donc, qu’il pleuve ou qu’il neige encore au perchoir. Ceci entre en droite ligne avec le style de jeu de celui qui les a nommés. Comprendre Paul Biya Pourquoi donc maintient-il en fonction des collaborateurs directs dans la gestion de l’État alors que tout Yaoundé murmure à chaque session qu’ils vont aller se reposer? On peut mettre en évidence trois raisons. La première est que Paul Biya est un homme qui s’attache à ses amis. Et pour lui, est ami celui qui agit exactement comme il sollicite. Pendant des décades, il a eu à expérimenter, à tester ou à jauger les deux hommes en termes d’attentes personnelles. Ils sont de ce fait des pilonnes fiables sur lesquelles repose le système Biya. On n’a pas encore oublié les péripéties qui ont jalonné en 2013 la nomination de Niat au perchoir.
Beaucoup de camarades du parti ont avalé ces jours-là de grosses couleuvres. La deuxième raison, est que les deux hommes sont plus ou moins de la même classe d’âge que Paul Biya. C’est donc une question d’harmonisation d’âges au sommet de l’État. De ce fait, on ne pourra pas faire une fixation sur l’âge du Président. Cet argument tient la route dans la perception de la chose politique au Cameroun. S’attaquer à l’âge de ces deux hommes, c’est s’attaquer frontalement à l’âge de Paul Biya.La troisième raison et certainement la plus plausible est qu’en concevant des hommes d’un vénérable âge en poste, il est certain qu’ils ne seront pas très remuants dans l’optique d’une succession.
Avant 1993, la Constitution de 1972 était applicable en ce qui concerne la succession en cas de vacances ou d’empêchement constaté du chef de l’État.
De 1992 à cette date, on n’a pas surpris Cavaye en train de détricoter ou de traficoter pour remplacer Paul Biya. Il en va de même pour Niat qui depuis 2013, n’émet le moindre bruit discordant. C’est ici toute la pertinence du philosophe: « les vertus se perdent dans l’intérêt comme les fleuves dans la mer ».