Ocytocine et art contemporain
Publié le 09 mars 2021 par Aicasc
@aica_sc
Ocytocine
Exposition collective
1/13 mars 2021
Tropiques Atrium- Martinique
Nous secrétons tous de l’ocytocine. On la considère comme l’hormone du plaisir, du bonheur ou de l’attachement maternel. Elle déclenche confiance, empathie, générosité. D’après une idée d’Aurélie Merlin, médecin radiologue et jeune mère de famille, neuf plasticiens ont réfléchi ensemble tout au long de ces derniers mois aux propositions plastiques qui pourraient le mieux exprimer et concrétiser cette étrange et mystérieuse substance. Agnès Brézéphin, commissaire de l’exposition en a coordonné la progression, remodelant cette fonction vers davantage d’échanges et de collaboration créatrice. L’exposition Ocytocine s’inscrit dans un vaste programme de conférences, d’ateliers, de projections et de réflexions sur l’impact de l’ocytocine sur le corps et la société. Cette manifestation se tiendra à Tropiques Atrium du 8 au 12 mars 2021.
La diversité et l’originalité des créations, inscrites résolument dans la contemporanéité, accrochent l’œil et invitent à suivre les fils rouges qui assurent la cohérence de l’ensemble. Echos thématiques : le corps, le sexe, la maternité, l’intimité exhibée ou à peine dévoilée. Modalités de création : broderie, photographie, graphie et typographie.
Le corps est omniprésent, photographié par Jordan Beal, numériquement manipulé dans les collages d’Helen Raffestin, peint par Aurélie Merlin , moulé et sculpté par Mathilde et Pauline Bonnet. Il n’est plus qu’empreinte allusive sur la toile libre de Gwladys Gambie alors que Ricardo Ozier-Lafontaine dévoile sa structure interne, les cellules qui le composent.
Corps désirant, corps souffrant : le rouge passion, par endroit reprisé et recousu de Gladys Gambie n’est plus qu’une trace de chair martyrisée. Cependant, Jordan Beal et Hélène Raffestin soulignent plutôt l’impact de l’ocytocine, moteur du désir par une série baisers photographiés dans l’intimité du studio du photographe alors que les triangles pubiens d’Hélène Raffestin, ornés de perles et de volants restent plus allusifs.
Gwladys Gambie
Cartographie sensible
Gwladys Gambie
Cartographie sensible
détail
Gwladys Gambie
Cartographie sensible
détail
Maternité en majesté avec la madone qui allaite ses jumeaux d’Helène Raffestin. Hélène Raffestin questionne depuis longtemps déjà dans ses œuvres la condition féminine. Elle déconstruit les stéréotypes attachés à la figure de la Vierge, chaste et pure, que la tradition prive du rapport à son corps. Dans des photomontages numériques et des collages, elle associe des citations de peintures de la Renaissance italienne et des images de magazines féminins, dotant ses madones du XVIème siècle de tous les attributs de la mode contemporaine : talons hauts, pantalons ou shorts. Elles n’en demeurent pas moins enchâssées d’or, lourdement encadrées dans la plus pure tradition de l’icône orthodoxe, même si, à y regarder de plus près, elles bousculent le langage des signes de l’iconographie religieuse.
Hélène Raffestin
Hélène Raffestin
Série Icône, Vierge des délices
Hélène Raffestin
Série Icône, Vierge des délices
Hélène Raffestin
Série Icône, Vierge des délices
Mi sculpture, mi moulage, Gaby, la forme monstrueuse et angoissante de Mathilde et Pauline Bonnet pourrait bien vous étouffer de ses bras tentaculaires en vous embrassant. Son ventre de plexiglas bombé ainsi que l’ombre portée en forme d’araignée, clin d’œil à l’inquiétante Mother de Louise Bourgeois évoquent la dualité de l’attachement maternel. Elle a été créée à quatre mains. Le visage de Mathilde, la main de Pauline sont intégrés à l’installation et fusionnent avec l’ensemble de l’ascendance familiale, masculine et féminine pour mieux souligner la force du lien familial souvent ambivalent.
Pauline et Mathilde Bonnet
Gaby
La photo d’un ventre marqué par les grossesses rattache l’installation photographique de Jordan Beal à cette thématique transversale de l’exposition à laquelle participe également les peintures de fragments de corps, en pleine mutation sous l’effet de l’ocytocine, d’Aurélie Merlin.
L’installation poétique et insolite, Série Cabinet de curiosité Chambre des merveilles, Insula et insectes d’Agnès Brézéphin dialogue avec l’écorce des corps peints d’Aurélie Merlin et les perles et volants des triangles pubiens à l’allure kitch d’Hélène Raffestin.
Agnès Brézéphin
Série Insula et insectes
Agnès Brézéphin
Série Insula et insectes
Agnès Brézéphin customisait et sublimait des photos anciennes par le graphisme et la broderie en fil de soie, disant en filigrane la relation de l’homme et de la femme. La broderie, le dessin, les pacotilles ajoutent à ses photos du relief ainsi qu’une dimension poétique. Elle explore aujourd’hui de nouveaux supports très inattendus. Elle expose ici des champignons saprophytes, nés de la pourriture de l’écorce, transmués par la magie de ses doigts de fée en authentiques bijoux. Il y a la relation à la matière, molle à la cueillette, puis de plus en plus rigide, il y a l’engagement dans un travail de broderie quasi- performatif, long de plusieurs jours, intuitif, guidé par la texture et la forme de cette production de la nature. Le temps devient une des composantes plastiques de l’œuvre au même titre que les perles, les fils d’or, les boutons et les insectes. Et c’est une invitation dans un royaume sylvestre ou sous-marin, enchanté et enchanteur. Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or disait Baudelaire en épilogue des Fleurs du Mal, montrant ainsi toute l’ambiguïté de la beauté et la finalité de l’alchimie créatrice, la métamorphose : du laid jaillit le précieux.
Agnès Brézéphin
Série Insula et insectes
Agnès Brézéphin
Série Insula et insectes
Si le fil de couture, de reprisage, de broderie tissent un lien entre Brézéphin Gambie et Raffestin, l’écriture manuscrite ou typographique circule de Gambie à Merlin, de Merlin à Lagnau. Manuscrite et Irrégulière au cœur même de Cartographie sensible de Gwladys Gambie ; Cursive et soignée en accompagnement extérieur des tableaux signés Aurélie Merlin. Ricardo Ozier – Lafontaine perturbe la graphie d’Ocytocine en y ajoutant une lettre H inattendue pour surprendre le regardeur, l’arracher à sa zone de confort, provoquer réaction et questionnement .Frederic Lagnau a conçu l’identité visuelle d’Ocytocine. Il a tenté de traduire la sensation euphorique et pétillante que procure l’ocytocine par un ballet de signes typographiques qui s’attirent, se mêlent, s’imbriquent, fusionnent, s’interpénètrent dans la vidéo d’accueil de l’exposition.
Frédéric Lagnau
Aussitôt, signe
Ce sont ces ricochets d’œuvre en oeuvre qui fondent le charme de cette exposition.
Dominique Brebion