Premier palier : la personne arrive en général avec tout un arrière-plan d’insatisfactions, qui est d’ailleurs la base nécessaire pour envisager un changement. Cet historique a eu un impact souvent significatif sur la vitalité de la personne. Parfois, elle ne sait même plus qui elle est vraiment, ni ce qu’elle veut. Il y a donc souvent dévitalisation couplée à une forme de désorientation.
Le quatrième temps peut s’apparenter au deuxième, mais il va plus loin : il s’agit à ce stade d’incorporer une forme de lumière. Ça peut paraître un peu étrange, car il ne s’agit pas d’une lumière visible la plupart du temps, mais de lumière dans son aspect subtil et mystérieux. À ce stade, le pratiquant travaille sur la 6ème dimension (la dimension des Gui/fantômes, ou de l’ombre selon Jung). Il est d’ailleurs intéressant de voir qu’on ne travaille pas sur l’ombre en ressassant sans cesse de vieux démons, mais en amenant de la « lumière » pour faire disparaître la pénombre. Un peu comme si on décidait de s’occuper à fond des plus belles fleurs de notre jardin, sans trop insister sur les mauvaises herbes, qui resteront à leur place si elles sont contenues par un écosystème par ailleurs sain et vigoureux. La cinquième étape consiste à affiner la lumière : le pratiquant travaille alors la 7ème dimension. Et par la suite, la 8ème, s’il continue son travail. Enfin, la dernière étape consiste à fusionner avec le Réel ultime ou à arriver sur son seuil. Evidemment, à ce stade, aucun témoignage n’est possible pour la simple raison que nous ne pouvons en ramener aucun souvenir. Comme dans le sommeil profond, on sait qu’on y était lorsque l’on en revient, profondément régénéré. Car nous devons revenir. Ce qui signifie que nous sommes plus insérés dans des cycles de pratique que dans une évolution linéaire. On pourrait plutôt comparer la progression spirituelle à un mouvement spiralé, où l’on repasse fréquemment au même endroit, sans être jamais exactement au même niveau. Oui, c’est bien beau tout ça, mais à quoi ça sert au fond ?
A deux choses principalement : La première, c’est qu’avec le temps, les choses qui nous nourrissent changent de nature si nous restons en mouvement. Cela signifie qu’en avançant en âge, la nourriture dont nous avons besoin devient plus subtile. Les choses qui nous nourrissaient antérieurement, même considérées comme positives sur un plan humain (un bon job, une bonne entente avec ses enfants, une relation amoureuse harmonieuse) se révèlent soudain insuffisantes à nous satisfaire profondément.La nature nous force à approfondir notre relation au Réel, et à passer du grossier au subtil, car au fond elle vise à la fusion ultime avec nous. C’est un peu chiant, parce qu’elle ne nous fout pas la paix, mais c’est comme ça. Donc soit on évolue, soit on s’étiole. La deuxième c’est que ce travail nous oblige à investir la partie en nous qui ne flétrit pas avec le temps, mais au contraire se déploie. Notre essence, notre âme. Nous ne pouvons pas compter indéfiniment sur nos atouts physiques pour obtenir satisfaction. Le narcissisme physique fonctionne, chez certains d’entre nous, plutôt bien jusque vers 40 ans. Passé cette étape, nous ne pouvons plus compter uniquement sur ces atouts pour avancer dans la vie.Pire : au-delà d’un certain âge, si c’est la seule chose que nous avons investi, nous nous exposons à une sérieuse déconfiture et à une fin de vie bien triste. Ce lâcher prise du plan physique ne peut se faire que si nous disposons d’une alternative réelle et éprouvée par chacune de nos cellules. On ne lâche pas un trapèze sans en tenir un autre dans la main. Sentir la partie immortelle en nous, notre âme, notre esprit (peu importe le nom qu’on lui donne), cela S’ENTRAINE. Et comme pour tout entraînement, il vaut mieux s’entraîner quand tout va bien qu’en situation d’urgence ou de crise. Lors de la crise, nous bénéficions de notre entraînement, mais ce n’est pas à ce moment que nous le faisons. Eventuellement, oui, cela peut se présenter comme un ultime et dernier grand entraînement, mais d’ici là, entraînons-nous tant que nos dispositions sont bonnes, ou en tout cas pas trop mauvaises. Car oui, le travail spirituel est un entraînement à la mort. Est-ce morbide ? Pas du tout, au contraire. Cela nous fait sentir chaque jour à quel point la vie est précieuse et belle et mérite d’être vécue entièrement, en nous exprimant au plus proche de notre nature profonde. Et en créant, surtout. N’importe quoi, mais en créant. Et en même temps, nous développons un espace intérieur de plus en plus riche, qui lui ne s’étiole pas, mais au contraire croît avec le temps, tout comme notre liberté profonde. Citons Dürckheim pour terminer ce petit texte: « Si un adulte de plus de 40 ans ne pense pas au moins une fois par jour à la mort, c’est qu’il manque de maturité ». Bonne pratique ! Fabrice Jordan